Aide Sociale à l’Enfance (ASE), maltraitance infantile, cet article introduit une thématique lourde qui découle de nos publications précédentes. Découvrez ce sujet qui pose question à de nombreux Français…
Suite à :
- Les dispositifs actuels pour lutter contre les violences conjugales,
- Marc Melki : la photographie et l’image au service des victimes.
Notre rédaction a été contactée par plusieurs femmes, mères d’enfants maltraités, violés, placés, qui ne se connaissent pas et viennent des quatre coins de la France. Leurs témoignages soulèvent questions et incompréhensions. L’objectif n’est pas d’accuser, mais d’essayer de comprendre. Susciter le débat pour avancer. Rester objectif et poser des questions de société, c’est, semble-t-il, la mission d’un journal. Telle est celle de notre magazine, en tous cas !
Nous commençons donc ce dossier en présentant le dispositif de l’ASE.
Qu’est-ce que l’Aide Sociale à l’Enfance ? Définition, chiffres, fonctionnement, vous saurez tout.
On sait par l’INED qu’en 2021, 138 000 enfants étaient placés ou sous le contrôle de l’Aide Sociale à l’Enfance, plus communément appelée l’ase. Un nombre assez important si l’on compare à l’Allemagne. Les DNA, le journal régional du 67, s’est penché sur la question : 2 fois plus d’enfants sont placés en France qu’en Allemagne. Premier fait vérifié, avéré.
Rassurez-vous. Vous verrez qu’en matière de protection de l’enfance, nous ne sommes pas les plus mal lotis. Pour autant, il y a quelques incohérences. Quelques problématiques qu’il peut être intéressant de souligner.
Aide Sociale à l’Enfance : définition et éléments essentiels à savoir
Le terme ASE désigne la politique sociale menée en France dans le cadre de l’action sociale définie par l’article L.221-1 du code de l’action sociale et des familles. Les trois lettres désignent également, les services de l’Etat qui mettent en place cette politique, sur l’ensemble du territoire.
L’un des objectifs de l’ASE est de prévenir les maltraitances et les mises en danger d’enfant, de les repérer puis, quand toutes les mesures d’accompagnement pédagogique ne suffisent plus, de le protéger en faisant cesser la situation de danger. Or, cela peut consister en un placement en foyer, en famille d’accueil… Idéalement, le juge confie le mineur à un tiers digne de confiance, qui peut-être un membre de la famille : grand-parents, tantes, soeurs…
L’histoire de l’ASE
L’Aide Sociale à l’Enfance, dite ASE, a été créée en 1953, dans l’après-guerre. L’objectif était alors de répondre aux nombreux enfants en détresse. Les 30 glorieuses commençaient. Les allocations familiales et la CAF étaient déjà en place depuis plus de dix ans, mais il fallait renforcer les dispositifs.
Les traumatismes de guerre étaient bien là, ce qui causait des dépressions et états de stress post-traumatique chez les parents. La précarité économique amenait des situations compliquées.
Le concept n’est pas nouveau. Le service des enfants secourus a en effet été créé dès la moitié du XIXème siècle. Fin du XIXe, on étend leurs prestations aux enfants abandonnés. Voilà pour la petite histoire.
Depuis 1983 et les lois de décentralisation, l’ASE est un service départemental, placé sous l’autorité du président du Conseil départemental. Au sein du Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, un secrétariat d’Etat est dédié à la protection de l’enfance.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Qui sont ces services qui s’occupent d’1,6% des enfants en France ?
Gestion et fonctionnement de l’ASE : nos questions
À l’instar des budgets dédiés à la lutte contre les violences conjugales, l’Aide Sociale à l’Enfance, l’ASE, fonctionne de manière indépendante à échelle départementale. Cela signifie que les budgets ne sont pas répartis de la même manière selon si vous êtes à Paris ou à Marseille.
Cela contribuerait-il à une opacité de la manière de dépenser l’argent ? On voit que tout est centralisé sur ce document public édité par la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques) et que ce qui est alloué aux établissements n’est pas communiqué (ND).
Ces chiffres nous posent une autre question : pourquoi tant d’enfants placés ? Comment nos voisins font-ils ? Sommes-nous les champions dans ce domaine ?
« Dysfonctionnements ou logique interne ? Nous ne parlons plus de dysfonctionnements au CEDIF mais d’une logique qui n’est pas celle affichée. En effet les modes opératoires « dysfonctionnels » étant toujours les mêmes, les dysfonctionnements auraient déjà été résolus et sans moyens supplémentaires. Le problème est lié à une absence de responsabilisation, à un parti-pris antifamilialiste, à l’opacité voire l’omerta, in fine à l’absence de sanctions. »
Xavier Collet, CEDIF
Aide Sociale à l’Enfance et services de protection de la jeunesse : scandale en Europe ?
L’Espagne rafle la première médaille. Cette dernière place cinq fois plus qu’en France. Il semble donc que nous soyons en deuxième place. La Belgique n’est pas mal non plus avec ses 6 335 enfants placés en 2021. Rappelons simplement que la population totale est quatre fois inférieure à celle de la France.
Les dysfonctionnements sont de moins en moins tolérés par les familles désenfantées qui sortent de l’ombre grâce à des mouvements comme #apreslesviolences. Le manque de moyens est souvent évoqué. Qu’en est-il en réalité ? Nous avons cherché des chiffres afin de rester neutres et objectifs.
Que se passe-t-il en France ? Qu’en est-il en Belgique ? Est-ce national ou plus étendu qu’on ne le penserait, au premier abord ?
Quelques chiffres chocs sur l’Aide Sociale à l’Enfance (sources à l’appui évidemment)
Les chiffres sont très variables selon les sources. Cela nous fait nous interroger sur plusieurs points. Tout d’abord, nous entendons des chiffres évoqués par Zone Interdite d’M6, ce documentaire qui a remué toute la sphère ASE. Ils parlent par exemple d’une « indemnité alléchante de 1 500€ par mois et par enfant » en cas de placement d’enfant. La même source évoque 300 000€ à 500 000€ de dépenses par enfant placé. Quel rapport avec les 9 milliards d’euros officiellement alloués à l’ASE ?
D’autant qu’à cela, s’ajoutent des subventions privées dont nous n’avons pas forcément connaissance.
6 000€ par mois et par mineur non-accompagné supplémentaire
L’arrêté du 21 novembre 2022 fixe « le montant du financement de l’État pour la prise en charge de mineurs non-accompagnés à l’Aide Sociale à l’Enfance sur décision de justice et pris en charge au 31 décembre 2021 ». Prenez le temps de parcourir ce document légal. Le tableau précise que :
- 263 mineurs non accompagnés ont été déclarés en Seine-et-Marne, soit plus d’1,4 millions octroyés à l’ase du secteur.
- 30 mineurs non-accompagnés dans les Deux-Sèvres.
- 0 en Alsace et ce, malgré le fort mouvement migratoire (position frontalière).
- 79 en Charente-Maritime, pour un total de 474 000€ versés à ce département.
9 milliards pour l’Aide Sociale à l’Enfance en 2020
L’ONPE publiait un PDF sur les chiffres de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). « En 2020, les dépenses brutes pour l’aide sociale à l’enfance s’élèvent à 8,9 milliards d’euros hors Mayotte. »
Quelle est la place de la politique ?
Le document souligne toutefois que le nombre d’enfants placés a diminué fortement : il est passé de 19 760 en 2019 à 9 524 en 2020, soit – 43% (page 6 du document). Comment expliquer ce chiffre ? Les parents sont-ils devenus subitement moins dangereux à l’aube de 2020 ? Ou alors y a-t-il une explication plus politique ?
Petit calcul
Toujours est-il selon ce même document, qu’en 2020, 308 000 enfants étaient suivis par les services sociaux. Soyons gentils (le document n’est pas clair), ajoutons les 10 000 enfants placés, nous en sommes à 318 000 enfants pris en charge par l’ase.
8 900 000 000 divisés par 318 000… Je sors ma calculatrice attendez… Soit la modique somme de 27 987€ par an et par enfant suivi. Soit un total, je recalcule une seconde…. 27 987 divisés par 12 égalent : 2 332€25 de budget par mois. Or, Zone Interdite nous donne un chiffre bien plus élevé. Où est la vérité ?
Rappel de ce qu’est une AEMO
Précision pour vous mettre dans le contexte : ces 308 000 enfants ne sont pas en structure. Ils sont juste suivis par une AEMO (Action Educative en Milieu Ouvert). Il s’agit d’une une mesure d’assistance éducative prononcée par le juge des enfants. Elle intervient lorsque les détenteurs de l’autorité parentale ne sont plus en mesure de protéger et d’éduquer leur enfant dont la santé, la moralité, la sécurité, les conditions de son éducation ou son développement sont gravement compromises.
Concrètement, une AEMO, avec un peu de chance, c’est un éducateur qui passe 1 fois par mois à votre domicile. Chaque professionnel gère entre 40 et 50 familles. Si l’on compte bien, avec les audiences auxquelles il doit assister, et les documents administratifs, rapports, courriers qu’ils doivent rédiger… Sachant qu’il ne travaille officiellement que 39h par semaine… Difficile de passer dans toutes les familles une fois par mois. Faisable, mais difficile de tenir une telle cadence confronté à des situations souvent difficiles. C’est mathématique… Pas humain…
Dernier point de questionnement : 49 homicides d’enfants causés par les parents ont eu lieu en 2020. Les 40 autres recensés cette année-là étaient le fait de personnes étrangères à la famille. Le chiffre est en constante baisse, notamment si l’on compare à 2018, où 80 auteurs d’infanticides venaient du cercle familial proche. Le risque de meurtre intrafamilial est donc infime par rapport aux 28,2 millions de ménages recensés en France par l’INED.
Une autre question nous vient. Comment expliquer que la baisse de placements ait été enregistrée en 2019, alors que les chiffres commençaient tout juste à baisser et que les juges, par définition, n’avaient aucune visibilité dessus ?
Les revenus des familles d’accueil
Comme dit, ce sont les départements qui rémunèrent les familles d’accueil. Il existe un seuil national, mais chaque département fait un peu à sa sauce. Pour autant, on voit sur le site du Service Public que le premier enfant occasionne un versement de 1 709€28 (+40€ de vêture + les frais pour les vacances), puis que les autres enfants lui sont rémunérés par tranches de 788,90€ minimum. Donc les 2 300€ mentionnés plus haut s’expliquent pour l’accueil d’un premier enfant en famille d’accueil, mais pas pour les suivants. On sait par ailleurs que la plupart des assistants familiaux ont 3 enfants à leur domicile.
On voit que dans l’Orne par exemple, un premier enfant entraîne le versement de 1 185€60 à l’assistant familial. Voilà qui est tout de même très inférieur aux 1 709€28 annoncés sur le site du gouvernement. Tout est donc complètement aléatoire. Comment gérer efficacement dans ces conditions ?
Aide Sociale à l’Enfance : ce qu’on a mis en place
Nous faisons actuellement part de nos doutes à plusieurs intervenants qui nous répondront sous peu : l’ONPE (Observatoire National de la Protection de l’Enfance) et le secrétariat d’Etat en charge de la protection de l’Enfance, l’ASE. Parce qu’en off, on se pose tous les mêmes questions, non ? essayons d’y répondre !
Note de dernière minute : le président du CEDIF (défense des droits des individus et des familles) Xavier Collet, nous fait part de son article, paru en 2016… Nous n’en n’avions pas connaissance. Parcourez-le si vous voulez en savoir plus sur la rentabilité des enfants placés. Ses conclusions semblent rejoindre les nôtres.
Bravo!
Merci Rachel, ravie que cet article vous ai intéressée et à bientôt pour de prochains thèmes.
on comprend pourquoi l’ase n’hésite pas à placer et enlever les enfants à leur famille ça rapporte gros et garantie
d’emploi et salaire pour les travailleurs sociaux je doute de leur bonnes motivations