L’histoire de Marie commence par « Il était une fois…»… mais ce n’est pas un conte de fée. Loin s’en faut… On est plutôt à mi-chemin entre #balancetonjaf et #metooinceste. Pas très joyeux quand on est une petite fille de 9 ans. C’est pourtant son histoire, et nous allons vous la raconter.
Anne et Marie sont depuis longtemps victimes de violences psychologiques, notamment lorsque Monsieur était dans son propre environnement familial. L’homme est dépressif, anxieux, très porté sur l’alcool. Et comme il le disait si bien, il aime « se mettre des murges quand il est avec sa famille »”.
Greg, l’ex compagnon d’Anne et père de Marie, quitte le domicile en juillet 2019. La petite fille a alors 5 ans et trois mois.
Cette séparation donne lieu à un aménagement de la garde de Marie. Anne conserve la garde chez elle de Marie, qui ira désormais chez son père un week-end sur deux et pendant la moitié des vacances scolaires. C’est là que tout commence réellement.
#Balancetonjaf : les faits, relatés par Anne, des médecins ET confirmés par son avocate
Lors de retours de week-ends de chez son père, la petite développe des troubles comportementaux, sexualisés, elle revient avec régulièrement des vulvites, elle se plaint d’avoir mal aux jambes. Elle reste prostrée de longs moments, mutique, elle tremble, elle pleure. La nuit, elle fait des cauchemars à répétition et elle crie. À ce moment précis, elle ne parle pas. Elle n’arrive pas à expliquer ce qui se passe chez son père.
Un jour, on lui offre un petit chien en peluche, un « doudou qui peut tout entendre« . Et là, les vannes s’ouvrent. La petite qui a alors 7 ans se met à parler. Elle raconte que son père la frappe sur les jambes avec son chausson, elle décrit des scènes d’attouchements et de violences physiques.
Premier signalement pour des maltraitances avérées au domicile du père
Au cours des vacances d’été 2021, Marie rentre de chez son père. Elle a des bleus sur les jambes, elle pleure. Anne appelle la gendarmerie. Ces derniers l’incitent à faire constater médicalement et lui recommandent d’accompagner sa fille aux urgences. Le médecin urgentiste constate, et fait un signalement et écrit que l’enfant doit voir un médecin légiste sous réquisition judiciaire.
Première audition Mélanie : #Balancetonjaf démarre sur les chapeaux de roue
Les gendarmes décident d’auditionner l’enfant, Cette procédure est connue sous le nom d’audition Mélanie. Marie présente des signes d’angoisse et Anne suggère que l’audition se fasse en présence du Doudou, le chien en peluche. La gendarme a refusé : « Marie a 7 ans, elle n’a pas besoin de s’exprimer au travers d’une peluche ».
Le rendez-vous avec le médecin de l’unité médico-légale a lieu 10 jours après l’audition. Plus de traces évidemment. Pas de preuves ? : Affaire classée sans suite.
Face à tout cela, Anne refuse d’envoyer sa fille en vacances chez son père.
C’est là qu’elle prend rendez-vous pour un bilan chez la pédopsychiatre.
Un bilan médical qui confirme l’audition Mélanie
Après avoir fait l’analyse de l’enfant, cette dernière fait elle aussi un signalement au procureur de la République. Convoqué par la pédopsychiatre pour une consultation familiale, en présence de sa fille Marie et d’Anne, Greg refuse de se présenter.
Octobre 2021 : lors de l’audience devant le JAF, Monsieur demande une expertise psychologique. Il estime que sa fille présente un problème. Le motif ? Elle parle grâce au chien en peluche.
Le juge accepte et ordonne une analyse psychologique pour toute la famille.
La JAF ordonne un retour de Marie chez son père : #Balancetonjaf
Marie doit retourner chez son père pour les vacances d’octobre. À son retour, même problématique, l’enfant a des bleus sur les jambes. S’ensuit un second passage aux urgences, à la gendarmerie, puis en audition Mélanie.
Le suivi pédopsychiatrique se fait à présent au CMPI (Centre Médico-Psychologique Infantile). C’est la deuxième pédopsychiatre que Marie rencontre. L’enfant parle à nouveau. Lors du rendez-vous avec la famille, Greg s’emporte, traite sa fille de menteuse, insulte Anne quand des questions sur les bleus de Marie lui sont posées.
Il explique que Marie est tombée dans les escaliers, sans donner plus de précisions ni sur le jour ni sur sa réaction au cours de cette prétendue chute. Il demande à son fils (demi-frère de Marie) présent à la consultation de confirmer ses dires, et celui-ci acquiesce. Marie demandera par la suite à sa maman pourquoi son demi-frère a menti.
La Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes intervient au domicile de chacun des parents. Grég étant prévenu du rendez-vous, il aménage rapidement la chambre de Marie en lui installant un lit. L’enfant explique qu’avant, elle dormait soit dans le lit paternel, soit sur un matelas pneumatique.
Entre #Balancetonjaf et #Balancetonje, notre cœur balance
L’enfant est entendue par la juge des enfants.
« Tu es allée chez papa les dernières vacances ? ça s’est bien passé ? »
« Pas trop bien. Papa m’a tapé avec ses chaussons. »
« C’est vrai ça ? parce qu’après tu avais dit que tu avais menti ? »
Reproduction de l’échange entre Marie et la magistrate #Balancetonjaf
Marie ne répond plus.
« Je sais que c’est compliqué, je sais que ta maman te fait dire des choses et que ça te met dans une mauvaise position. Si j’étais une fée, je pourrais faire quoi pour que ça aille mieux ? »
« Je suis timide ; je sais pas »
« Tu voudrais plus voir ton papa ? »
« J’ai envie de rester qu’avec maman »
« Si j’avais une baguette magique aujourd’hui, où est-ce que tu irais vivre ?” [Marie répond sans la moindre hésitation] “Chez ma maman, car mon papa est méchant. Il me tape.”
Suite de l’échange entre Marie et la juge des enfants
Cette dernière réplique alors à l’enfant « Tu mens, tu dis ça pour faire plaisir à ta maman« .
À la rédaction, nous nous étonnons de ce comportement, qui n’est pas pédagogique. En effet, quel bienfait, quel intérêt y a-t-il à tenir de tels propos, en particulier en audience, à une petite fille de 7 ans, qui se trouve, à l’évidence, en grande souffrance ? N’est-ce pas là le meilleur moyen de détruire la confiance qu’elle pourrait porter aux adultes ?
Lors de l’audience, la juge demande à Anne d’arrêter de déposer plainte. L’audience débouche sur une AEMO-H (Accompagnement Éducatif en Milieu Ouvert avec Hébergement). Malgré toutes les preuves, les dessins, les écrits, les propos de Marie, la juge ordonne que l’enfant retourne chez son père.
Troisième signalement… Toujours pas de réaction des autorités
Vacances d’hiver. De retour de chez son père, Anne voit Marie se mettre la main dans la culotte. Elles repartent aux urgences, qui détectent une infection urinaire et recueillent encore une fois les propos de Marie. “Papa m’embête pendant que je prends ma douche”. Elle dénonce des attouchements, que, dans un souci de discrétion et de respect, nous ne reproduirons pas.
Greg déménage à plus de 600 kilomètres.
Suite des procédures de notre dossier #balancetonjaf
Nous sommes le 16 avril 2022. Marie refuse d’aller chez son père pour les vacances. Elle a peur. Elle se cache, s’arrache les cheveux, se mord les bras, fait des crises de panique, elle pleure, elle crie et dit aux deux éducatrices venues la chercher pour passer une nuit au centre d’accueil qu’elle ne veut pas y aller. Celles-ci ne parviennent pas à convaincre de les suivre.
L’une d’entre elle revient le lendemain matin et emmène la petite « pour une promenade à vélo » et promet à Anne de redéposer Marie à son domicile à 11h30 pour le repas. L’éducatrice explique à l’enfant à plusieurs reprises que si elle ne veut pas aller chez son père, elle n’ira pas, et qu’elle est là pour la protéger.
Anne ne reverra plus Marie de la semaine : la cheffe de service l’a confiée directement à son père venu la chercher au centre, sans aucune affaire. Elle n’a ni ses doudous, ni ses lunettes, pas de vêtements de rechange, pas d’affaires de toilettes, pas son carnet de santé. Anne n’a même pas pu faire un bisou à sa fille. Une façon de faire qui ressemble plus à un kidnapping d’enfant qu’à une réelle mesure éducative. Cela pose question, a minima…
Deux expertises psychologiques sont ordonnées à 15 jours d’écart par la JE et la JAF ? Encore curieux comme fonctionnement, les deux juridictions ne peuvent-elles pas s’accorder ? Ou faire un colloque, si la situation est plus complexe qu’elle n’y paraît ?
Résultat de l’expertise #Balancetonjaf…
Marie part chez son père
Anne précise “L’experte vient à la maison. On échange pendant deux heures, en présence de Marie. Tout se passe à merveille, elle me dit qu’elle ne comprend pas pourquoi j’ai des éducateurs, car ma fille est bien élevée.” Mais le rapport que va établir l’experte suite à cette entrevue : sera finalement orienté contre elle… Heureusement qu’Anne a enregistré la conversation…
Retour devant la JAF (juge aux affaires familiales) et la JE (juge des enfants), qui envisagent le placement de Marie. Les deux tribunaux se renvoient la balle, et finissent par statuer… La JAF décide de transférer le domicile habituel de Marie chez son père Greg, à 600 km. Anne doit supporter l’intégralité des frais et temps de trajet. De plus, une interdiction de sortie du territoire est prononcée à l’encontre de Marie.
Malgré toutes les preuves, Marie est contrainte de déménager. On imagine sans peine le traumatisme du déracinement : la séparation avec sa mère, le changement d’école, la perte d’amis, l’arrêt des activités extra scolaires, l’éloignement de la famille maternelle.
Questions : où est le bien-être de l’enfant, où se trouve la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant ? On cherche, on cherche…
Juillet 2022, Anne récupère Marie pour quelques jours de vacances ensemble. Marie se présente avec un hématome à l’œil. Elle raconte le coup de poing donné par son père, sans raison apparente. L’hématome est dûment constaté à l’hôpital. A nouveau, Marie parle. Elle explique au médecin de garde qu’elle était en train de jouer dans son lit, quand son père est rentré dans sa chambre et lui a porté un coup au visage. Elle relate quelques jours après la même chose à sa pédopsychiatre.
La juge pour enfant prend une décision curieuse : elle ordonne une mesure AEMO (Action Éducative en Milieu Ouvert) chez Greg, et une mesure AEMOH ( Action Éducative en Milieu Ouvert avec Hébergement) chez Anne. Donc Marie se retrouve soit chez son père, soit en foyer. On se répète : #Balancetonjaf…
#Balancetonjaf : on interview l’avocate d’Anne
L’avocate d’Anne, nous éclaire sur ce jugement si particulier. Pourquoi une mesure renforcée chez Anne, alors même qu’aucun fait de maltraitance ne lui a été imputé ?
#Balancetonjaf : Rebellissime se pose des questions
Cette décision ne peut-elle pas être l’occasion de “casser le jugement” ? N’y a-t-il pas un vice de procédure quelque part ? Ne peut-on pas attaquer l’État français, à défaut des juges, pour les manquements dont il est à l’origine, pour les maltraitances qu’il permet sur cette petite fille ? Qu’est-ce qui bloque juridiquement ?
Comment expliquer qu’avec de telles accusations, un juge, qui avant sa fonction, est tout de même un Homme, un être humain, doué de sensibilité, prenne le risque de laisser Marie chez son père ? Ses accusations sont précises, répétées, ne varient pas malgré les différents interlocuteurs et le temps qui passe. On place habituellement les enfants pour moins que ça… Comment peut-il la laisser, juridiquement, dans une telle situation de danger ?
Et dernière question, en off : Que peut-on faire, à notre échelle, pour faire avancer ce dossier ?
On demande à Anne des nouvelles de Marie…
Le plus important reste tout de même la situation actuelle. Et l’état de santé de Marie, qu’on devine pas optimal.
Et maintenant qu’en est-il ? Où en est votre situation judiciaire ?
“Nous sommes passées 10 fois en jugement (JE, JAF, cour d’appel…). La garde a été transférée chez son père. Nous nous pourvoyons en cassation concernant la garde de Marie. Parallèlement, nous sommes en train de préparer le dossier pénal.”
Comment va Marie ?
“Marie fait une dépression, elle dénonce encore des faits chez son père. Sa pédopsychiatre en est témoin. Je ne vois ma fille qu’une partie des vacances scolaires.”
Quelles preuves avez-vous en votre possession pour prouver l’inceste dont est victime votre fille ?
“Nous avons les signalements des deux pédopsychiatres, un certificat du médecin traitant de Marie, les deux auditions Mélanie, l’enregistrement de l’audition faite par la CRIP (Cellule de Recueil et de traitement des Informations Préoccupantes) en présence d’une éducatrice de jeunes enfants, d’une assistante sociale et Marie uniquement.”
Combien de fois Marie a-t-elle répété les faits ?
“Elle a dit les faits à ses deux pédopsychiatres, sa meilleure amie Mélissa, à ses grands-parents, à la CRIP, devant différents médecins en auditions Mélanie.”
Depuis 2019, les faits qu’elle raconte n’ont jamais varié d’un iota. Jamais elle ne s’est contredite.
#Balancetonjaf : serait-il effectivement temps de revoir certains aspects du système et de protéger nos enfants plus efficacement ?
Docteur Sarah Thierrée, chercheuse, psychologue et docteure en neuroscience, a, par ses études, mis en évidence le caractère partial d’une expertise. Elle note par exemple que si le sujet expertisé présente des traits de caractère ou un raisonnement proche de celui de l’expert, alors une sympathie va se former et le rapport sera globalement, plus positif.
Ce sont des mécanismes inconscients, qui découlent d’un manque de rigueur dans la sélection des experts. En effet, pour devenir experts auprès des tribunaux, il suffit de s’inscrire sur internet. La décision finale du recrutement revient à des juristes, qui, par définition, ne sont pas formés à la psychologie et ne peuvent pas estimer la qualité de leur travail. Un dysfonctionnement à soulever ?
Une curieuse association d’idées nous vient, à l’écoute de ce témoignage. Richard Gardner, psychologue, ne recommandait-il pas en son temps de frapper un enfant qui dénonce des faits d’inceste. “Ne dis plus jamais ça sur ton père”, fallait-il répondre selon lui.
Quelle tristesse.
La conclusion de la rédaction : #Balancetonjaf
L’avocat d’Anne met en exergue les dysfonctionnements des organismes en charge de protection de l’enfance. On comprend sa position quand on connaît les résultats des études de 2005, qui portent sur 7672 cas différents : selon Trocme et Bala, deux chercheurs, seules 4% des révélations de violences sexuelles intrafamiliales seraient mensongères. D’autres études corroborent ces observations.
Un problème systémique
D’une part, les lois relatives à la protection de l’enfant sont claires, leurs applications posent une réelle difficulté. Le manque de moyens financiers et de personnel ne permet pas aux intervenants sociaux de produire un travail de qualité.
D’autre part, le tribunal pour enfants doit être composé de magistrats spécialisés sur la prise en charge de l’enfant, formés à la méthode NITCHD sur l’audition de l’enfant lui permettant d’avoir une appréciation plus juste et autonome d’une situation. La méthode NICHD a également fait ses preuves dans ce domaine.
Marie a été interrogée dans ce cadre et a réitéré ses accusations, sans en varier un mot.
Des travailleurs sociaux portés aux nues : #balancetonjaf ou #balancetontravailleursocial ?
De manière récurrente, les associations en charge de la mesure sont les yeux et les oreilles du magistrat. De sorte que, la parole des travailleurs sociaux est parole d’évangile. Ils disposent donc, dans les faits, d’un pouvoir exorbitant prenant la place de « parents ». Mais, cependant seuls ces derniers sont les seuls titulaires de l’autorité parentale. Non ?
On arrive à une dictature des organismes sociaux n’hésitant pas à menacer de placement le parent qui oserait avoir une position divergente.
Cette situation est tout bonnement scandaleuse et nécessite de se mobiliser. Les études américaines, comme Mapping Gender : Shedding Empirical Light on Family Courts Treatment of Cases Involving Abuse and Alienation par exemple, et montrent encore une fois que l’histoire de Marie n’est pas anecdotique. Alors… #Balancetonjaf et #Balancetonje ont de beaux jours devant eux !
bonjour, merci pour les articles concernant le placement des enfants par l’ASE,
je sais que le gouvernement a signé une convention entre le ministère de la justice concernant la présence d’un chien d’assistance judiciaire permet de libérer la parole, de diminuer le rythme cardiaque et l’anxiété des victimes, notamment chez les jeunes enfants
Depuis 2019, un nouveau dispositif est proposé aux victimes lors des audiences : la présence d’un chien d’assistance judiciaire. que fait on si le juge ne veut pas de chien?
Concernant l’article de la petite Marie, si elle a parlé au juge et qu’elle soit remise chez son père, on fait quoi? c’est quoi les lois , les articles de presse, si rien ne bouge.
Si on continue à ne pas écouter l’enfant que l’on le place chez le parent mal traitant et que l’ASE continue a faire ce qu’il en envie
Bonjour Safin et merci pour votre commentaire. Effectivement, on peut se poser la question « A quoi ça sert? » ou « Tout ça pourquoi ? » mais on peut aussi se dire que le combat continue et qu’il ne faut pas baisser les bras. Qu’à force d’aborder ces sujets sous différents angles, de diffuser des contenus médiatiques engagés, nous serons de plus en plus nombreux et que nous pourrons impacter positivement les sphères politiques et sociales.
Virginie