Ce 16 novembre 2022, la Cour d’Appel confirmait la condamnation des rédacteurs de Valeurs Actuelles, le journal d’extrême droite. La caricature de Danièle Obono en esclave, nous interroge sur l’esclavage moderne… 

Motif ? Valeurs Actuelles a diffusé une caricature de la députée Danièle Obono. Ce dessin (de très mauvais goût) la représente avec un collier de fer autour du cou, comme si elle était réduite à l’esclavage du XVIIIe siècle. Sa publication en août 2020 a provoqué un tollé médiatique, qui a fait réagir jusqu’à Emmanuel Macron.

Nous jugeons cette image dégradante et ne la rediffuserons donc pas.

Quel a été le verdict rendu par la justice ? Quelles sont les peines habituellement prévues pour ce délit ?

Nous réfléchirons à la limite parfois très fine qui existe entre une incitation à la haine et la liberté d’expression. Peut-on tout dire, peut-on tout faire au nom de ce droit fondamental propre à notre pays ? Pour appuyer cela, nous trouverons des exemples de condamnations similaires qui concernent des affaires :

  • Antisémites,
  • Afrophobie, negrophobie…(il n’existe pas de terme français pour qualifier le racisme envers le peuple africain),
  • De racisme antiblanc.

Qui sait… Peut-être mettrons-nous en évidence une différence évidente de sévérité ? Ou que nous prouverons l’équité et la constance de la justice ? C’est la surprise…

Caricature de Danièle Obono : qui est la députée de la France Insoumise ?

Danièle Obono est une femme politique d’origine Gabonaise, qui a petit-à-petit gravi les échelons. Arrivée en France alors qu’elle était enfant, elle devient bibliothécaire puis est élue députée de la 17e circonscription de Paris en 2017. Il faut dire que Danièle Obono a toujours été active sur le plan associatif et politique.

Elle est notamment connue pour son engagement envers la cause afroféministe. Les élections de 2022 lui permettent de rester sur le devant de la scène, puisque la porte-parole de France Insoumise est réélue aux côtés de 14 autres candidats. Son ascension n’est pas terminée : elle est élue Juge à la Cour de Justice de la République en juillet 2022.

Caricature de Danièle Obono : décryptons la réponse judiciaire

La caricature publiée par Valeurs Actuelles, qui, rappelons-le, a une forte tendance zemmouriste, motive une condamnation pour « injure publique à caractère raciste ». En effet, le titre « Obono l’Africaine » présentait le dossier. Deuxièmement, le dessin et le titre s’accompagnent de propos intolérables de la part d’un organisme de presse : une légende qui dit : « la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage ».

Notez tout de même qu’un tel délit peut être puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende, comme le précise la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (article 33).

Quelle a été la réaction du tribunal qui a jugé cette affaire ?

En première instance

Octobre 2021, date de la première instance de ce procès. L’association SOS Racisme s’est portée partie civile et soutient Danièle Obono dans sa plainte.

Le tribunal condamne Erik Monjalous (directeur du magazine) et Laurent Jullien (journaliste) à 1 500€ d’amende chacun. Chacun devra verser 5 000€ de dommages et intérêts à la députée. L’avocat général avait requis 10 000€ d’amende pour chacun des trois accusés. La peine est donc beaucoup moins lourde que ce qui avait été demandé initialement.

Les arguments de la rédaction de Valeurs Actuelles feraient presque sourire.  Pendant le procès, ils ont mis en avant leur intention d’illustrer un fait historique. « Le principe de cet épisode était de démontrer ce qu’était cet esclavage dans la réalité ». Il semble que les magistrats y aient été sensibles.

En quoi la mise en scène d’une députée interfère-t-elle avec une explication historique ? Nous ne faisons pas preuve d’assez de finesse pour le comprendre.

En appel

Le directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune a été relaxé en ce jeudi 16 octobre 2022. Le tribunal confirme les condamnation d’Erik Monjalous et de Laurent Jullien. Pour autant, les peines prononcées sont encore moins lourdes qu’en première instance. Le juge a finalement tranché : ils sont condamnés à payer 1 000€ avec sursis. En d’autres termes et pour vulgariser, s’ils ne sont pas à nouveau condamnés pour des faits similaires, ils ne paieront rien.

Rebellissime Dominique Sopo

« la confirmation de l’illégalité – pour cause de racisme – de la publication de Valeurs actuelles est un motif de satisfaction. Dans une époque où, chaque jour, l’extrême-droite travaille au retour d’une parole ouvertement raciste au sein de notre société, il est important que le droit soit rappelé. Cependant, le fait que la Cour ait décidé que les amendes dues ne l’étaient plus qu’assorties d’un sursis relève d’une décision troublante. Le racisme qui se dégage de cette publication n’est pas, lui, un racisme avec sursis. De la part de l’hebdomadaire zemmouriste qui flirte chaque semaine avec l’ignominie, il est une atteinte ferme aux conditions du vivre-ensemble et à l’intégrité de groupes et de personnes, volontairement frappés du fait de leur couleur de peau. A l’instar de la décision de première instance, on attendait du tribunal de la fermeté et non un signal de clémence fort malvenu. »

Quelles sont les peines habituellement prononcées dans ce contexte ?

Curieux, nous tenions à comparer comment la justice réagissait dans ces situations.

Exemple 1 : les tweets antisémites au sujet de Miss France

Le 3 novembre 2021, le tribunal condamne 7 personnes pour injures publiques à caractère raciste ou antisémite à l’encontre de Miss Provence 2020, April Benayoum. Les accusés ont dû verser des amendes qui allaient de 300 à 800€. Certains d’entre eux ont suivi un stage de citoyenneté de deux jours. Les propos étant, en l’espèce : « Trop la haine que la représentante de ma région soit une feuj ». Donc pas de sursis cette fois.

Exemple 2 de notre top 3 : quand un journaliste utilise l’expression « Arabe de service »

Le journaliste Taha Bouhafs qualifie Linda Kebbab, syndicaliste de la police nationale d’« arabe de service ». Pour ces faits, le juge le condamne en 2021 à verser 1 500€ d’amende ainsi que 2 000€ de dommages et intérêts à sa victime.

Toujours pas de sursis pour ces propos.

Exemple 3 : un racisme antiblanc qui coûte cher

Nous sommes à Lille, le 26 avril 2022. Un homme d’origine Camerounaise est interpellé par les policiers qui essuient une salve d’insultes dont « sales blancs ». Pour sa résistance à des fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique et ses outrages à caractère raciste, la justice condamne El Duque Tchamda Tchasseu à 5 mois de prison ferme. L’État appliquera l’OQTF prononcée quelques mois avant sitôt sa sortie de prison. En bref, il quittera le territoire français à sa libération.

Conclusion

La condamnation la plus légère entre ces quatre affaires judiciaires reste celle de madame Danièle Obono, ce qui, au vu de sa place dans la société et dans la sphère politique, est incompréhensible. Personne ne doit avoir de traitement de faveur. Pour autant, en tant qu’être humain qui plus est citoyenne, cette députée aurait été en droit de demander une défense plus agressive. Selon ses propos, cette caricature a été une véritable « humiliation ».

Nous profitons de ce malheureux constat, de cet événement malheureux pour attirer l’attention des lecteurs sur tout le questionnement suscité : être une femme noire, c’est être un sous-citoyen en France ?

Intéressons-nous maintenant à l’esclavage moderne. Car si pour Valeurs Actuelles, il convient de renvoyer Madame Obono à ce qu’était l’esclavage, qu’en est-il de l’esclavage moderne ? Contrairement à ce que nous pensons, l’esclavage n’est pas seulement une histoire du XVIIIème siècle que l’on raconte à ses enfants. L’esclavage, c’est aujourd’hui, à Paris, Marseille, Lyon ou Strasbourg et dans leurs banlieues.

Gare à l’esclavage moderne

Les idéologies qui mènent à la traite des êtres humains perdurent. L’esclavage est toujours d’actualité, mais il a évolué. Rappelons-le par le biais de cet article.

Car oui, les actualités recensent de nombreux cas d’esclavage intracommunautaire.

L’esclavage d’aujourd’hui

Il peut s’agir de personnes isolées, un couple qui fait venir une compatriote sous couvert d’étudier. Une fois en France, les papiers de la jeune femme sont confisqués et elle n’a plus le droit de sortir du logement. Elle travaille la majeure partie de la journée et est parfois violée par le chef de famille. Tina Okpara, fille adoptive du footballeur, défenseur au PSG Godwin Okpara, raconte ce processus dans son livre Ma vie a un prix.

D’autres fois, il s’agit de réseaux organisés. Ils font miroiter une vie de rêve à de jeunes femmes dans le besoin. Ces dernières prennent l’avion et se trouvent intégrées de force à des réseaux de prostitution. Battues et violées, elles travaillent pour rembourser leur voyage, et même davantage. Trop honteuses pour rentrer chez elles, apeurées à l’idée d’être reniées par leurs familles, ces femmes subissent une double peine.

Chiffres et contacts

Ces situations sont beaucoup plus fréquentes qu’il n’y paraît. Il y en a dans toutes les grandes villes. Les campagnes et les pavillons de banlieue ne sont pas épargnées. Selon l’étude réalisée par l’OIT (Organisation internationale du travail), l’OIM (Organisation internationale pour les migrations de l’ONU) et l’ONG Walk Free en septembre 2022, la traite des êtres humains touche 50 millions de personnes dans le monde : 28 millions seraient victimes de travail forcé, soit une augmentation de plus de 10% depuis le dernier rapport datant de 2017. 22 millions vivraient un mariage forcé.

Notez toutefois que les champions en matière d’esclavage ne viennent pas d’Afrique… Mais de Corée du Nord. Ce pays est le seul au monde dont les textes de loi ne prohibent pas cette abomination. On considère que 4,3% des Nord-Coréens sont « esclaves ».

Si vous connaissez ou suspectez une telle situation, nous vous conseillons de contacter rapidement le Comité Contre l’Esclavage Moderne.