Doit-on manger du porc pour se sentir Français ?
Il semblerait que l’on ne se sente pas ou que l’on ne soit pas reconnu Français de la même manière selon le milieu social, les « origines », l’époque…
Commençons donc par nous interroger : qu’est-ce que se sentir Français ? Nous répondrons à travers l’exemple de Marine le Pen.
Ensuite, analysons en quoi le fait de consommer ou non de la viande de porc est symbolique. D’où vient cette symbolique, ce litige qui divise certains de nos concitoyens ? Pourquoi ce genre de questions germe encore dans les esprits à l’aube de 2023 ?
Terminerons en posant la question : est-il possible de se sentir Français autrement qu’à travers l’alimentation ou les vêtements ? Si oui, comment faire ?
C’est important à une heure où 6% de la population est d’obédience musulmane, un chiffre en constante augmentation. Le Pew Research Center prévoit d’ailleurs une hausse de 10,3% du nombre de musulmans en France d’ici 2030. Il est donc important de savoir se positionner, savoir qui l’on est et ne pas se focaliser sur ces détails qui après tout, font partie des libertés individuelles.
L’éducation influence-t-elle notre patriotisme et nos valeurs ?
Prenons l’exemple de la femme politique, présidente du Rassemblement National : Marine le Pen.
Marine Lepen petite fille : le pourquoi du comment
Nous avons retrouvé trace de son enfance dans un témoignage d’Ida Beaussart, Pleure en silence.
Ce que dit le témoignage d’Ida Beaussart
Cette femme a tué son père néo-nazi en 1989. Elle avait alors 17 ans et a été acquittée lors de son jugement en Cour d’Assises en 1992. L’État considère alors avoir failli dans sa mission de protection. Le père, Jean-Claude Beaussart, était considéré comme dangereux et les services sociaux, bien qu’ils la sachent battue, ne faisaient rien par peur. Cet homme était chômeur, condamné par la justice pour son antisémitisme aigu et surtout, il faisait régner la terreur dans son quartier, dans sa famille.
Le surnom de ses trois filles par exemple, étaient des noms de camps de concentration. Le matin, les enfants devaient faire le salut nazi devant l’immense portrait d’Adolph Hitler qui ornait l’entrée. Un jour, le père a voulu torturer et tuer sa fille aînée devenue adolescente. La raison : elle avait une liaison avec une personne de confession juive. Ida, la fille cadette, prend une des armes chargées de la maison et tire sur son père, qui dort. Il meurt sur le coup.
Et dans ce livre, Ida Beaussart explique que certains week-ends, Marine le Pen qui était alors petite fille (« gâtée », selon les mots de l’auteure) accompagnait son père pour les repas dominicaux organisés par Jean-Claude Beaussart. En d’autres termes, Jean-Marie le Pen, ancien président du Front National et Jean-Claude Beaussart, activiste néonazi, mangeaient ensemble le dimanche.
S’ils se vouvoyaient, ils étaient, semble-t-il, suffisamment proches pour déjeuner avec leurs familles respectives. On n’emmène pas sa petite fille dans un simple déjeuner d’affaires. Leur relation était donc un peu plus forte que cela. Toujours selon Ida Beaussart, ils auraient arrêté de se voir suite à la radicalisation encore accentuée de son père.
Le point psycho
Les enfants se construisent en opposition ou imitent leur référent d’éducation. En bref, soit vous faites tout le contraire de vos parents, soit vous leur ressemblez. Au vu du parcours brillant dans la politique, de Marine le Pen et de la ligne conductrice de ses idées, il semble qu’elle se soit construite en marchant dans les pas de son père.
Nous appuierons cette déclaration par trois citations du père et de la fille, qui montrent leur parallélisme intellectuel, le premier étant toutefois plus controversé que la seconde.
Regarder dans la même direction mais employer des stratégies différentes
Bien que la liberté d’expression soit un des piliers de la France, les propos de Jean-Marie le Pen, sont juridiquement, humainement et éthiquement répréhensibles.
- Le 13 septembre 1987, l’homme politique estimait que les chambres à gaz de la Seconde Guerre Mondiale n’étaient qu’« un point de détail». D’après Le Point, il a été condamné à 30 000€ d’amende pour ces propos (2018).
- Le 11 décembre 1989, le Parlement européen lève l’immunité diplomatique de Jean-Marie le Pen qui a qualifié le ministre de la fonction publique de «Monsieur Durafour crématoire », un jeu de mot douteux qui ne passe ni auprès de l’opinion publique ni auprès de ses pairs.
- Ou plus récemment : « L’explosion démographique ? Monseigneur Ebola peut régler ça en trois mois » (20 mai 2014). La phrase d’après, l’homme de 89 ans citait Les Yeux Grands Fermés : l’immigration en France, de Michèle Tribalat, ce qui laisse entendre une association d’idées peu délicate…
Marine le Pen est beaucoup plus édulcorée dans ses propos, mais sa perception de la France ne se situe sous le signe de la tolérance.
- « Les grandes lignes politiques que je défends sont celles défendues par Trump et Poutine ». Le premier étant notoirement raciste et intolérant. Le second étant assimilé à un dictateur.
- En 2012, Marine le Pen demande à un homme d’origine maghrébine s’il a « gagné au loto » cette voiture qu’il conduit ou s’il l’a « gagnée avec son travail ». La polémique enfle.
- « Les casseurs étaient évidemment des délinquants d’origine immigrée » (interview à l’émission Questions d’info, en 2013). Le mot « évidemment » montre que malgré la retenue dont elle fait preuve, la président du RN n’en pense pas moins en ce qui concerne l’immigration.
Qu’est-ce que, finalement, se sentir Français ?
Être Français, pour une certaine partie de nos compatriotes implique d’être blanc de peau pour mériter cette « Appellation d’Origine Contrôlée ». Pour d’autres, c’est simplement adhérer aux valeurs du pays et éventuellement, avoir des papiers en règle. Chacun a sa perception de ce qu’est, être français.
Se sentir Français quand on a grandi dans une famille immigrée
Être Français et se sentir Français est aussi possible pour des personnes dont les ancêtres viennent d’autres pays. C’est aussi possible pour des personnes de différentes confessions, et même de confession musulmane. C’est possible, légal, constitutionnel… Cela s’appelle la laïcité. « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Laïcité explicitement présente dans le premier article de la Constitution
Bref rappel des faits
Venus d’Afrique, des anciennes colonies françaises, des territoires ultra-marin, les vagues d’immigration ont permis à la France de faire et gagner des guerres, de se construire : routes, immeubles, infrastructures telles que nous les connaissons. Et leurs enfants ? Nés, scolarisés, installés, eux-mêmes parents d’enfants nés, scolarisés, installés, eux-mêmes parents… en France ! Ces Français maîtrisent la langue, respectent la loi, travaillent. Mais ne mangent pas de porc ! Il semble, même que (Attention, second degrés ! ) certains Français ne boivent pas d’alcool, d’autres ne mangent pas de viande, d’autres encore se passent de gluten. Certaines femmes se couvrent la tête d’un foulard juste parce qu’il fait froid (nos grand-mères ne sortaient pas sans pour leur petit marché !) Rien à voir avec la religion
Certaines familles doublent le prénom de leur enfant avec un prénom français, signe de cette gratitude et de leur intégration. Ainsi, on retrouve des petits garçons prénommés Sékou-Martin, des petites filles prénommées Harouna-Lisa. Que faut-il de plus pour se prétendre Français ? Quel engagement plus profond que celui-là ?
Les personnes qui demandent l’asile politique le font rarement de gaîté de coeur et sont souvent en danger de mort dans leur pays. Leurs filles étaient menacées d’excision (encore pratiquée au Mali, en 2022 par exemple) ou alors Daesh rôdait (Tchad, Niger…). Elles considèrent la France comme une sauveuse, un pays qui leur a offert la sécurité. Leur gratitude est infinie. Et de la même manière, leurs enfants se construisent soit en les imitant, soit en opposition.
Quand les secondes, troisièmes… générations d’immigrés chantent leur ras-le-bol
On retrouve alors la délinquance de jeunes Français qui ne veulent pas se cantonner à des emplois précaires et veulent qu’on leur laisse une chance de s’en sortir, d’accéder au même confort de vie que d’autres classes sociales plus aisées. Ils se révoltent et font du bruit, là où leurs parents restaient discrets. C’est ce qu’on voit dans certains clips de rap français : « Maman je m’charge de remplir le frigo, j’me donne à fond pour t’acheter une belle maison » (Bolémvn, dans sa chanson 13.08).
Alors oui, une certaine partie de ce public semble rejeter les valeurs républicaines « la Frane est une garce » (La France du groupe de rap Sniper, chanson pour laquelle ils ont été jugés puis relaxés en 2005). Monsieur R, dans son titre FranSSe, tenait les mêmes propos.
Mais plus question ici de liberté d’expression, ni de défense du blasphème si chère à certains médias et parfois même au gouvernement. Il y a clairement deux salles deux ambiances, deux poids deux mesures ! Comme le dénonce Amnesty international « Le discours des autorités françaises sur la liberté d’expression ne suffit pas à masquer leur hypocrisie éhontée. La liberté d’expression n’a pas de sens si elle ne s’applique pas à tout le monde ». Et pourtant c’est la loi. Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : Art. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
2022 : communautarisme VS unicité ?
Le communautarisme est plus prégnant à l’heure actuelle qu’il ne l’était à l’époque des Black Blancs Beurs. C’est surtout vrai dans les grandes villes.
Pour autant, ce n’est pas représentatif de toute la France. En 2018, le journal Libération titre « Black-Blanc-Beurre : la fin d’une génération » pour signifier que désormais, il n’y a plus de diversité, mais une unicité. Aujourd’hui, nous sommes tous Français, quelles que soient nos origines.
La perception de ce qu’est être Français varie donc selon notre éducation, nos expériences et les modèles que nous prenons. Pour autant, certaines personnes considèrent qu’on ne peut pas être Français si l’on ne mange pas de porc. Des apéro Saucisson et pinard interdits en 2010 parce qu’organisé par des mouvances islamophobes Refuser une invitation à l’apéro’ Beaujolais et saucisson… La suppression par le conseil municipal de Chalon-sur-Saône ( en 2015 Gilles Platret, maire LR), mais aussi en 2018 à Beaucaire dans le Gard (Julien Sanchez maire et président du groupe RN) des menus de substitution sans porc dans les cantines scolaires, alors que le Conseil d’Etat rappelle dans un communiqué de presse du 11 décembre 2020 ses décisions précédentes sur le sujet : » Les menus de substitution dans les cantines scolaires, qui ne sont qu’une simple faculté pour les collectivités territoriales, ne sont pas contraires, lorsqu’ils sont proposés, au principe de laïcité« .
L’importance du porc : toute une symbolique
Tous les regards se tournent vers la viande de porc. « Comment, vous n’en mangez pas ?! » Vous voilà « soupçonné » d’être musulman ou juif. Peut-être même radicalisé ? Et le terrorisme qui n’en finit plus de progresser… Y aurait-il un lien?
Nous caricaturons, mais c’est là que tout prend source.
Le porc, vecteur de fantasmes
En fait, dans certains esprits, le fait de retirer le porc de certaines cantines, le fait d’autoriser le port du burkini n’est pas une avancée du vivre-ensemble mais un pas en arrière dans la laïcité. Or, notre pays prône avant tout la liberté. C’est son socle, la première de nos valeurs fondamentales.
« Liberté, égalité, fraternité » n’est-elle pas la devise française ?
La liberté ne comprend-elle pas le fait de se vêtir et de manger ce que l’on veut?
Quand les médias et les leaders désinforment au profit de leurs intérêts
Tout cela n’est en réalité qu’une symbolique. Les événements antirépublicains commis par une certaine fange de la population sont instrumentalisés par les mouvements d’extrême droite. Certaines images, certains faits, sont sortis de leur contexte. Illustrons avec un exemple concret.
Agressions sexuelles en série : un agresseur tout désigné
De nombreuses agressions sexuelles ont été enregistrées en Allemagne, au Nouvel An 2016.
Pour rappel, à cette époque, la guerre en Syrie faisait rage, et le flot de réfugiés de guerre ne cessait de croître. Les informations montraient des marées d’hommes et de femmes qui fuyaient le terrorisme et les bombardements, et prenaient la direction de l’Europe. Des millions de personnes déplacées.
Les leaders et les faux-sachants prennent la parole
Certains médias ont sous-entendu que le nombre record d’agressions sexuelles enregistrées avait un lien avec cette arrivée massive de Syriens. Or, les chiffres ont montré que seuls 3 agresseurs sur plus de 150 interpellés étaient d’origine irako-syrienne. Et ils n’avaient pas bénéficié de la politique d’accueil car ils étaient sur le territoire allemand depuis plus d’un an. Il n’y avait donc aucun rapport entre ces agressions et l’arrivée des réfugiés syriens, comme le laissaient entendre certains leaders.
Dans la tête d’une personne insécure
Les propos biaisés, les fausses vérités émises par ces leaders dopent la passion des hommes et femmes qui les soutiennent. D’autre part, ils font germer des idées dans le cerveau des personnes qui n’avaient pas de tendances racistes jusqu’alors.
Émergence du racisme : un mécanisme gouverné par la peur
Ces personnes étaient dans ce qu’on pourrait appeler une zone grise. Elles étaient ambivalentes et avaient des craintes sous-jacentes qu’elles n’exprimaient pas. Puis un événement semble donner raison à ce leader. Dans l’esprit de ces gens, le lien est vite fait, et la balance pèse d’un côté ou de l’autre.
Exemple d’actualité
On retrouve ce phénomène avec la mort tragique de Lola, la petite fille assassinée par une ressortissante algérienne visée par une OQTF (Ordonnance de Quitter le Territoire Français). En novembre 2022, juste après les faits, Le Média pour Tous a interviewé les habitants, sous le choc. L’un d’entre eux, une femme, donnait raison à Marine Le Pen. Elle disait qu’avec une politique plus sévère, la présumée coupable n’aurait pas été sur le territoire et que la petite fille aurait échappé à ce drame. Le RN gagne du terrain, doucement mais sûrement.
Revenir à la réalité pour mieux vivre ensemble
Il convient tout de même de rappeler que ce meurtre n’a rien à voir ni avec les origines de la présumée auteure des faits, ni même avec l’Islam.
Meurtre et homicide : ce que dit le Coran
L’Islam interdit de tuer. De nombreuses sourates du Coran vont dans ce sens :
- « Quiconque fait périr une vie humaine non coupable de meurtre ni de corruption sur terre, c’est comme s’il avait tué l’humanité entière. Et quiconque sauve une vie humaine, c’est comme s’il avait fait don de la vie à l’humanité entière. » (Sourate 5, La table servie, verset 32)
- « Ne tuez pas la personne humaine car Allah l’a rendue sacrée » (sourate 6, Les Bestiaux, verset 151),
Les textes sacrés qui complètent le Coran (hadith) précisent eux aussi que même en temps de guerre, les enfants, les personnes âgées et les arbres doivent être épargnés. Il n’y a donc aucun fondement religieux dans ce drame. C’est simplement le passage à l’acte d’une personne déséquilibrée, une issue tragique que personne n’a été en mesure de prédire.
Conséquences et dangers de l’amalgame
Dans ces moments d’émotion, nous cherchons un responsable et c’est naturel. Mais il est vraiment important de veiller à ne pas faire d’amalgames, de confusions erronées qui peuvent s’avérer dangereuses pour le vivre ensemble.
Ces manipulations médiatiques ont créé un clivage. La crise économique et le terrorisme ont accentué cette fracture.
Qu’est-ce qu’une côte de porc vient faire là-dedans ?
Certains considèrent l’immigration comme un envahissement de leur territoire. Ils ont peur. Car oui, le racisme trouve bien souvent son origine dans la peur de l’Autre. Ils ne le connaissent pas et projettent sur lui des fantasmes bien souvent irréalistes « Ils prennent tout notre argent, nos emplois », « ils sont responsables de tous les vols »…
« Nous sommes tous des mangeurs de cochon » : les raisons de cette adoration
Pour résister à cet « envahissement », ces personnes extrêmes durcissent leur position. Elles revendiquent haut et fort leur consommation de porc et d’alcool, pour se mettre en opposition avec l’Islam, qui l’interdit. Rappelons que malgré l’interdiction de comptabiliser les Français par religion, on estime à 4,1 millions (selon l’Observatoire de la laïcité) le nombre de musulmans en France, soit 6% de la population.
S’affirmer dans ce contexte est devenu tellement difficile qu’aujourd’hui, certains d’entre nous se demandent « Faut-il manger du porc pour se sentir Français ? ».
Finalement, le porc : pour ou contre quand on est Français ?
On pourrait répondre à cela par des banalités : des végétariens et végétaliens sont Français de souche, cela n’enlève en rien leur sentiment d’appartenance, ni leur nationalité. Et eux, ne mangent pas de porc.
Ou dire qu’en fait, la viande de porc et le burkini n’ont rien à voir avec le fait de se sentir ou non Français.
Quand adhérer aux valeurs d’un pays devient moins important que ce qu’on mange
Être Français, c’est peut-être tout simplement respecter et croire aux valeurs républicaines et ce, quelles que soient nos origines. Être Français en 2023, c’est tout simplement être quelqu’un de libre, qui traite ses pairs avec égalité et fait preuve de fraternité envers ses semblables.
Ces valeurs nous sont chères, quelles que soient nos origines. Nous l’avons vu lors des attentats de janvier 2015 sur Charlie Hebdo et l’Hyper Casher. Les Français de toutes origines se sont réunis, soit plus d’1,2 millions de personnes comptabilisées à Paris pendant la Marche Républicaine qui a suivi. Ces personnes rassemblées, choquées, étaient de tous horizons. Certaines n’avaient qu’un titre de résident. N’est-ce pas là encore une fois la preuve qu’une unicité est possible, au-delà de la viande de porc ?