L’esclavage moderne est un fléau qui concerne 49,6 millions de
personnes en 2021 (source : ILO). 12% d’entre eux sont des enfants. Il paraît incroyable qu’en 2023, de telles choses se produisent encore.
C’est pourtant le cas. Rebellissime le Mag’ s’interroge.

Cette expression désigne, selon Novethic « les pratiques d’exploitation par le travail qui mettent en péril la dignité et les droits humains : travail forcé, privation de liberté, déshumanisation, etc. » En bref, la victime enchaîne les heures de travail, n’a plus ses papiers d’identité et est traitée comme si elle était un objet, parfois pire qu’un animal. Folake, une jeune femme nigériane, témoigne en exclusivité pour notre journal. Toute la rédaction la remercie d’ailleurs pour cela.

Comment l’esclavage moderne se met-il en place ?
Comment expliquer que la victime n’arrive pas à partir ?

Est-ce la peur, les menaces ?

Nous verrons que la pression est parfois familiale, les bourreaux
menacent de raconter des mensonges à la famille de la victime et de salir sa
réputation. Bien souvent, ces hommes et femmes n’ont plus de papiers.
Comment dès lors s’échapper ?

Qu’est-ce que l’esclavage moderne ? Définition

Malgré le fait que l’esclavage fasse partie de l’histoire. On le croyait aboli depuis plusieurs années. Pour autant, il en existe une nouvelle forme, qui
s’appelle l’esclavage moderne. Il est de plus en plus présent en France et se remarque sous diverses formes :
– l’esclavage domestique,
– les ateliers clandestins,
– la mendicité forcée,
– Et la prostitution forcée.

Esclavage moderne en France: des témoignages pour mieux comprendre

Le témoignage d’Inès, publié par Esclavage Moderne nous en dit plus sur les
méthodes employées par les auteurs. Elle explique notamment que ses
papiers lui ont été confisqués. La suite du témoignage se trouve sur Vice et
raconte qu’elle a subi de nombreuses humiliations (manger les restes de ses
tortionnaires par exemple), comme c’était le cas pour les hommes et les
femmes du XVIIIe siècle.

Le Comité Contre l’Esclavage Moderne s’occupe de sa situation et lui permet de se sortir de cette situation. Elle a trouvé la paix lorsqu’elle a rencontré son conjoint, avec qui elle a eu un enfant.

Quelques chiffres sur l’esclavage moderne en France

Dans un article publié par le Comité Contre l’Esclavage Moderne, il a
été affirmé que les victimes d’esclavage en France viennent généralement du
Maghreb, de l’Afrique de l’Ouest et de l’Asie du Sud-est. Selon l’Organisation
Internationale du Travail (OIT), 129.000 étrangers sont dans cette situation en
France. Les concernés rêvant de traverser la Méditerranée à la recherche
d’une vie meilleure se font berner par les promesses et les belles paroles de
leurs gourous.

Tina Okpara réussit à mettre en lumière les esclaves modernes de France.

Chaque année, de nombreux journalistes recueillent des témoignages
d‘anciens esclaves à travers la France. L’un des témoignages les plus
médiatisés reste celui de Tina Okpara, une ex-esclave d’origine nigériane. Son
livre ‘’Ma vie a un prix’’ dans lequel elle raconte son calvaire dans sa famille
adoptive a créé un choc immense à la population. Maltraitance, violences
physiques et abus sexuels sont les réalités inattendues auxquelles elle a été
confrontée.

Cover du livre Ma vie a un prix de Tina Opkara. Rebellissime en parle
Ma vie a un prix de Tina Opkara

« Quand je me suis retrouvée à la cave, j’ai compris ce que ça allait être mon quotidien. » Tina Okpara

Quelles sont les méthodes utilisées par les gourous pour convaincre leurs
victimes ?
Comment sont traitées les victimes une fois arrivées en France ?
Comment leurs tortionnaires font-ils pour les soumettre ?

Traite des êtres humains : quels sont les mécanismes ?

Plusieurs africains ont subi l’esclavage moderne en France car ils ont fait
confiance à des personnes qu’ils jugeaient être de bonne foi. La famine et la
recherche d’une vie meilleure les poussent à prendre de nombreux risques.
Nous avons recueilli les propos de quelques personnes concernées par cette
réalité. Ils abordent les causes et expliquent ce qui fait que certains se
retrouvent dans cette situation.

Mohamed évoque le fait que peut-être, la mentalité africaine pourrait favoriser la mise en place d’un esclavage

Nous avons tout d’abord interrogé Mohamed, expatrié et en France depuis 8
ans. Il a vu l’esclavage chez l’un de ses proches et analyse.

« En Afrique, on imagine toujours que l’Europe, c;’est le paradis. On se dit entre nous que les pauvres de France ne sont pas de vrais pauvres ! Et que même le plus pauvre des Français est plus riche que nous. On rêve. Tellement qu’on est prêts à monter dans un bateau et à se noyer pour y arriver. C’est arrivé avec une de mes proches. On lui avait dit de ne pas prendre le bateau. Elle l’a pris. Depuis 1 an et demi, on n’a plus de nouvelles. »
Mohamed

Beaucoup sont sensibles à cette prétendue richesse. Les prédateurs en
profitent. Ils promettent une scolarité, des repas, un toit. Leur victime en
rêve. Elle accepte au début, d’aider à la maison. Mais une fois arrivée en
France, personne ne l’inscrit à l’école. Le geôlier confisque les papiers
d’identité, le temps passe. Le VISA n’est plus valide. La victime est en
situation irrégulière sur le territoire français. Elle a peur de la police, peur de
ses bourreaux et n’ose plus sortir.

Folake témoigne : Rebellissime veut comprendre

« Je me présente, je m’appelle Folake et je suis d’origine nigériane. J’ai été réduite à l’esclavage par ma famille d’accueil en France. Mon parcours est assez long et semble inimaginable. Je suis issue d’une famille de 4 enfants dont je suis l’aînée. Nous avons tous été élevés par notre mère car notre père est parti beaucoup trop tôt. Ma mère faisait ce qu’elle pouvait pour subvenir à nos besoins mais c’était insuffisant. En tant qu’aînée, j’ai senti qu’il fallait que je trouve un moyen de gagner de l’argent puisque j’étais déscolarisée. »
Folake aide sa mère du mieux qu’elle peut

« J’avais des mauvaises compagnies à l’époque, c’est ainsi que deux amies de l’époque m’ont conduit dans la prostitution qui est d’ailleurs très répandue au Nigéria. J’ai fait cela durant 5 à 6 mois pour aider ma mère jusqu’à ce qu’un jour, l’une de nos camarades nous annonce qu’elle a rencontré une dame au marché qui lui avait promis de l’aider à voyager. »
L’opportunité de partir et sortir définitivement sa mère de la misère.

« Mes autres amies ne s’y sont plus intéressées que ça mais j’ai toujours rêvé
de quitter le pays alors j’ai vu cela comme une opportunité pour moi
également de sortir de la misère de mon pays. Le lendemain, je décide d’aller
à la rencontre de cette dame avec mon amie. C’était une grande
commerçante. Elle choisit de me parler en privé, uniquement elle et moi. Je
lui fais savoir que j’aimerais également quitter le pays et que je rêve d’aller
chez les blancs parce que là-bas il y a beaucoup d’argent. »

Esclavage moderne : quand le piège se referme

« Elle arrive à me convaincre que la vie que je mène est néfaste et qu’elle
peut m’aider à quitter le pays, elle me promet qu’avec elle je suis sûre d’avoir
une meilleure vie. La dame m’informe qu’elle a un énorme restaurant en
France avec son frère, qu’il a besoin d’une jeune et belle serveuse comme moi
et qu’en plus il m’hébergera chez lui avec sa famille. Mon salaire serait en
euros, une monnaie qui est au dessus du naira. J’étais super heureuse, je me
suis juste contentée d’expliquer à ma mère que j’avais eu une magnifique
opportunité et que j’allais en Europe pour mieux m’occuper d’elle. »
Folake rend son départ officiel : sa mère fait confiance à cette « honnête commerçante »

« Elle était très inquiète puis elle s’est détendue après avoir eu la dame au
téléphone, elle l’a rassuré et lui a fait comprendre que cette opportunité
allait lui changer la vie à elle et à sa fille. Environs 6 mois mois plus tard, tous
mes papiers étaient prêts et je pouvais enfin m’en aller« .

« Je suis arrivée pour la première fois à l’aéroport de Charles De Gaulle de Paris
toute contente, au bout de 15 à 20 minutes, je tombe sur un homme qui tient
une pancarte avec mon nom inscrit. Je comprends qu’il s’agit du frère de la
dame, il me ramène dans son domicile à Cergy où il vit avec sa femme et 3
autres jeunes filles qui étaient nigérianes comme moi. »

Arrivée en France et début de l’esclavage moderne : le choc est rude… Mais c’est trop tard

« Dès mon arrivée, il me confisque mes papiers et mon téléphone et me fait comprendre qu’il n’y a que lui et sa femme qui ont le droit au téléphone et que mes papiers étaient en sécurité. J’ai tout de suite compris que quelque chose clochait mais je comptais avoir des réponses en interrogeant les 3 autres filles. La journée s’écoule et lorsque je demande à l’une d’elles : ‘’Est- ce que tu sais à quel moment on doit se rendre au restaurant ?’’, je me rappelle qu’elle m’a souri et m’a dit qu’il n’y avait pas de restaurant. »

Esclavage moderne : quand le piège se referme.

Esclavage moderne : un aller simple pour l’enfer

« Aux environs de 22h, les filles se sont habillées comme si elles allaient en soirée et ont été transportées par l’épouse du Monsieur. Il m’a alors invitée à discuter avec lui, il me fait comprendre que dès aujourd’hui ma vie allait changer et que désormais j’avais une dette envers lui et sa sœur. Si je voulais retrouver mes papiers, ma liberté et pouvoir recontacter ma famille au pays, je devais d’abord rembourser les frais qui s’élèvent à 9000€. Ces frais je
n’allais pas les obtenir en servant dans un magasin mais plutôt en servant d’escort toutes les nuits pour les clients de leur bar clandestin. »
Folake vit l’horreur de plein fouet
« J’ai senti le monde s’écrouler autour de moi, j’avais l’impression de devoir revivre cette vie que je fuyais dans mon pays. Je me souviens être remontée dans la chambre commune et avoir pleuré toutes les larmes de mon corps en espérant que ça soit un rêve.
Je me suis réveillée avec les autres filles autour de moi entrain de papoter. La maison était vide, j’ai donc cherché à avoir des réponses. L’une était là depuis 3 ans et les deux autres depuis 2 ans, elles m’ont dit que depuis leur arrivée, elles n’ont jamais pu savoir combien il leur restait à payer car personne ne voulait leur dire. Le Monsieur et sa femme allaient tous ensemble au travail
et les enfermait jusqu’au soir avant de venir les récupérer pour les ramener dans le bar. »

Premier soir d’activité : l’impensable se produit aujourd’hui, à Paris
« C’était mon premier soir et nous avons toutes été conduites dans le bar. Un
bar particulièrement fréquenté par les africains de la région, il y avait
rarement de personnes blanches. On devait juste danser ou rester dans un
coin et si un homme s’approchait de nous, on était obligées de le suivre. J’ai
passé la nuit avec un homme, je crois qu’il m’avait payé 25€. Encore heureux
d’ailleurs, car parfois on était abusées ou droguées par certains hommes qui
n’ont pas d’argent. De l’argent qu’on faisait dans la nuit, il fallait
payer 15€ par jour pour les frais d’hébergement et de nutrition.
Ensuite, le reste servait à rembourser notre dette interminable. »

Impossible de quitter le territoire, aucune information pour rembourser la prétendue dette : Folake est bloquée

« C’était devenu mon quotidien et je savais que je ne pouvais pas me plaindre par peur de me faire battre. J’avais besoin de mes papiers et surtout d’entrer en contact avec ma famille alors j’ai continué. Je priais pour avoir une porte de sortie sauf qu’une année s’est écoulée et je savais désormais que je n’étais plus en règle sur le territoire français. Je sentais que je n’avais plus aucune option possible mais un jour, un homme complètement saoul a abusé de moi puis s’est endormi. »

Une lueur d’espoir dans cet esclavage moderne : la rencontre qui change tout

« En sortant de sa chambre toute désorientée, j’ai fait la rencontre d’un
homme maghrébin qui en voyant mon état m’a demandé où j’allais et m’a
proposé de me ramener au bar. Il m’a interrogée en cours de chemin et je me
suis complètement ouverte à lui. Je ne sais toujours pas aujourd’hui pourquoi
je lui ai fait confiance. Il m’a dit qu’il pouvait m’aider à avoir des faux papiers
et quitter le territoire mais je devais payer 300 euros. J’ai donc commencé à
épargner en gardant une partie de ce que je gagnais sans donner la totalité.
Mon sauveur avait l’adresse du bar donc il passait tous les soirs savoir si
j’allais bien. Au bout de 5 jours, je lui ai remis la somme qu’il m’avait
demandé et il m’a donné un petit téléphone avec une carte sim prépayée
pour que nous restions en contact. 3 jours plus tard, les papiers étaient prêts
et il a demandé à ce qu’on se rencontre pour que je les récupère. »

Le « sauveur » de Folake parvient à lui donner de faux papiers : elle s’échappe
« Il a dû se faire passer pour un client afin de pouvoir se retrouver seul avec
moi pour discuter. Il y avait un passeport français et un billet de train pour
Milan. Le lendemain, j’ai fugué une heure avant le départ de mon train en
passant par la fenêtre des toilettes en dessous de laquelle j’avais déposé mon
sac de voyage sans attirer l’attention des filles. Mon sauveur était là pour me
ramener à la gare, il avait réussi à me trouver une adorable famille d’accueil
qui a été mise au courant de ma situation. J’ai été super bien accueillie par
cette famille. Un Rwandais et son épouse polonaise qui avaient
une fille de 12 ans. »

La rédaction est heureuse d’apprendre qu’il existe encore des gens biens…

« Ils m’ont traitée comme leur propre fille, sur mon passeport, il était marqué
que j’avais 14 ans alors que j’en avais 19 à l’époque. Étant petite avec un
visage de fillette, cela n’était pas difficile à avaler. J’ai pu intégrer un collège
et aller à l’école comme leur fille, j’ai retrouvé une amie d’enfance sur les
réseaux sociaux et j’ai pu enfin rentrer en contact avec ma mère et mes
frères. Ils me croyaient tous morte, c’était un moment très intense. Je n’ai
plus jamais eu des nouvelles de ceux qui faisaient de ma vie un enfer. »

Folake est non seulement sortie de l’esclavage moderne. Elle est aussi heureuse!

« Aujourd’hui cela fait 12ans et je pense avoir laissé tout ça derrière moi. J’ai désormais la nationalité italienne, une magnifique fille et un fiancé qui partage ma vie. Je suis rentrée 3 fois au Nigéria pour voir ma famille. J’ai vécu un calvaire mais je suis heureuse de ce qu’est ma vie aujourd’hui et j’espère que mon témoignage servira de leçons à de nombreux africains qui se font promettre le paradis.»

Face à ces différents témoignages, on comprend très vite que l’un des plus grand facteur de l’esclavage moderne réside dans la position de faiblesse des victimes. La pauvreté, la méconnaissance des réalités économiques, la crédulité… Mais surtout l’inhumanité des personnes et réseaux exploitant la misère au service de l’esclavage moderne.

Les manipulateurs se concentrent sur des personnes vulnérables et leur disent ce qu’ils ont envie d’entendre. Des personnes pour qui l’Europe est le paradis et
qui se voient dire au revoir à leur vie de misère en partant de leur pays. La
réalité est toute autre, ils sont réduits à l’esclavage. Leurs bourreaux confisquent leurs papiers d’identité. Les victimes sont menacées. Les auteurs des faits profitent de cette soumission pour les exploiter et se faire un maximum argent.

On voit que, seule dans un pays qu’elle ne connaît pas, Folake n’a, dans un
premier temps, pas le choix que de se soumettre. Son seul tort ? Avoir voulu
offrir une vie meilleure à sa mère.

La rédaction de Rebellissime remercie cette jeune femme pour son témoignage et lui souhaite tout le bonheur qu’elle mérite avec sa petite fille et son fiancé.

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