L’art parle aux enfants sans filtre… Le beau, l’insolite, attire leurs yeux naturellement! Mais comment, nous adultes formatés, avec nos goûts et influences pouvons-nous éveiller et susciter leur fibre artistique ?
Comme c’est le cas pour la lecture et l’écriture, tout le monde n’a pas la fibre artistique. Difficile dans ces conditions d’intéresser les enfants à l’art. Pour autant, c’est une ouverture vers le monde dont il serait dommage de les priver. L’art est vaste. Ça peut être le musée Vaudou qui reprend les objets rituels africains, le Louvre, qui héberge tant d’œuvres rares, mais aussi des expositions temporaires. Moins connues, elles sont aussi des endroits intéressants, moins chers et plus accessibles pour les petits week-ends.
Bien sûr, on ne parcourt pas un musée de la même manière avec un petit de 4 ans qu’avec un adolescent. On ne leur donne pas les mêmes explications.
À titre très personnel et de manière générale, il ne paraît pas pertinent de faire une visite guidée en bonne et due forme à un petit de 2 ans ou de 3 ans. C’est possible, mais il faut vraiment avoir à ses côtés un caractère calme et sensible. N’oubliez pas que l’ambiance des musées est feutrée, silencieuse. Les hurlements de colère de votre petite de 2 ans dérangeraient les autres visiteurs et vous vaudraient probablement quelques regards furieux, voire une intervention de l’agent de sécurité à l’entrée.
Comment donner envie aux enfants d’en savoir plus sur l’art ?
On vous donne quelques idées pour les inciter à poursuivre dans cette voie.
Intéresser les enfants à l’art, c’est d’abord ne pas les en dégoûter
Rappelez-vous des visites au musée de votre enfance. Un guide pas du tout pédagogue faisait succéder les tableaux à un rythme effréné. Il employait des mots qu’il était le seul à comprendre, et parlait d’une voix monocorde. Conséquence : la classe entière décrochait, le chahut commençait. Mis à part les très bons élèves, personne n’écoutait. Sortie du musée : “t’as écouté quelque chose pour le devoir de Madame Machin ?” “Euuuuh. Bah non. Et toi ?”. Voilà. Une perte de temps.
Nous nous sommes donc attelés à trouver des manières de susciter l’intérêt des plus jeunes vers des concepts parfois abstraits. Nos méthodes ne sont pas très conventionnelles, c’est vrai. Mais au moins, les gamins se le rappellent. Voici un exemple bien concret avec le Cheval majeur (un hommage à Duchamp-Villon, créé par Toni Grand). Il est composé d’os et de polyester stratifié. Eh bien, il est possible de dire d’un air naïf “On dirait que c’est fait avec de la cire d’oreille” (chez les CP-CE1, ça fonctionne bien, car ils savent lire). Alors, oui, ils risquent d’exploser de rire. Pour autant, ils se souviendront de cette statue plusieurs semaines après la visite.
Tout ce qui est humour “pipi-caca-vomi” est universel. L’enfant de base y est sensible, et ce, jusqu’à ses 9 ans (restons optimistes !). Dans une même optique, on retrouve le Monsieur Crotte, qui est en réalité un enchevêtrement de fils de fer. Nous avons nommé Grosse Geister n°11, exposé au Musée d’Arts Modernes de Strasbourg (créé par Thomas Schütte, en 1964). On peut observer sur la photo que oui, les enfants ont raison. La ressemblance est frappante. Mais non, ce sont des fils de fer. On en profite pour Googliser si besoin le mot Geister, qui signifie “fantôme” en allemand.
Deux coups comme ceux-là vous permettent de gagner durablement leur attention.
Prévoyez une après-midi complète minimum… les musées proposent parfois des ateliers pour les enfants
Le musée, ce sont des tableaux et des œuvres d’art, mais aussi de jolies rencontres.
Lors de notre visite, un monsieur a montré le magnifique tableau de Victor Brauner, Chimère. On y trouve un arbre avec, à la place des feuillages, un cœur. Un peu plus loin, il y avait un atelier de découpe créative. Chacun disposait d’une feuille A2 en carton et avait la possibilité de découper et coller. L’objectif ? Créer un monde où l’on aimerait être, ou bien un monde où l’on ne voudrait surtout pas être. Ma fille a, à son tour, créé un jardin et un arbre cœur (dessin du bas). Les enfants sont fiers d’exposer leurs œuvres dans le musée et sont occupés utilement pendant 1h30, loin des écrans et autres agitations habituelles.
Intéresser les enfants à l’art : le plus dur est fait
Vous avez réussi le tour de force de les captiver. Vous pouvez maintenant leur apprendre deux ou trois petites choses, en rapport avec leur âge. N’insistez pas sur le côté très technique, à moins que les enfants ne soient particulièrement connaisseurs. En effet, si vous les lassez, vous avez perdu la partie. Donc, on tente les Picasso, mais si ça n’accroche pas, on passe à “l’évier trop bizarre, avec des bijoux qui pendent” (Precious, de Joana Vasconcelos, 2018).
Retentez de les conquérir en leur parlant de Picasso : “Tu sais qu’un jour, La Joconde a été volée (en 1911) ? Elle a disparu pendant deux ans. Eh bien, à l’époque, la police suspectait Pablo Picasso. Finalement, ils l’ont retrouvée, elle était chez un ancien employé du Louvre, un vitrier italien.
Intéresser les enfants à l’art : on se transforme en un conteur hors pair
Mille histoires gravitent autour de Mona Lisa et de La Joconde (crée entre 1503 et 1506 par Léonard De Vinci). Par exemple, la vraie Joconde avait initialement des sourcils. Mais ils ont disparu au fil du temps (la lumière infrarouge et les rayons ultraviolets ont permis de le prouver). De plus, quel que soit l’endroit où le visiteur se positionne, il a l’impression qu’elle le regarde. C’est une illusion d’optique que personne n’a plus jamais été capable d’imiter. Vous pouvez préciser que Léonard De Vinci a considérablement influencé l’art, mais que pour autant, on ne lui connaît que 22 œuvres. C’est infime si l’on considère qu’on attribue à Pablo Picasso la paternité de 120 000 tableaux.
Un petit tour dans la vie tourmentée de Van Gogh
Essayez de les sensibiliser au pointillisme en leur posant une question simple : “Regarde ce tableau, il est drôle. Comment le peintre a pu faire ça, à ton avis ?”. Et laissez-le se creuser la tête… un peu, mais pas trop pour ne pas le frustrer. Cela doit rester du plaisir, et non de la contrainte. Une fois qu’il a tilté, vous pouvez lui parler de Van Gogh. Il est tout d’abord un peintre incroyable, mais surtout, il présente un intérêt pour les CM1 : celui de s’être coupé l’oreille avec un rasoir et finalement, être mort par balle, sans qu’on sache vraiment pourquoi. Dit comme ça, ça a l’air atroce, mais dans les faits, les enfants adorent ce genre d’histoires. Il n’y a pas de mensonge, et si ça les incite à contempler les Tournesols… Alors c’est un grand oui.
Antibes le soir, de Paul Signac (1914), pour une introduction au pointillisme… tout en douceur
Nous conclurons en vous parlant de la nuit européenne des musées. Cet événement est organisé depuis 29 ans par le Ministère de la Culture. Il a lieu bien souvent dans la deuxième quinzaine de mai. En fait, tous les musées de la ville sont ouverts et gratuits toute la nuit. Préparez-vous à affronter la foule ! Les enfants adorent le concept de nuit blanche, le caractère exceptionnel de la fête… Donc pourquoi pas !