Quand le photographe Marc Melki sublime les victimes et leur vie compliquée.

« Une image vaut mille mots. » Marc Melki le sait. Généralement, cette citation de Confucius est utilisée pour vendre.

Les experts du marketing veulent entraîner un achat en suscitant des émotions chez le client. Eh bien pas cette fois. Marc Melki est photographe depuis près de 25 ans. Il a commencé aux côtés du tireur noir et blanc Yvon Le Marlec. Ses thématiques de prédilection sont orientées sur l’humain et le partage. Sa spécificité ? Mettre en valeur ce qu’on cache, susciter les émotions en quelques secondes grâce aux images. Toucher les spectateurs en plein cœur en leur montrant la misère telle quelle. Mais attention : ici, pas de voyeurisme, uniquement de l’art.

Qui est Marc Melki ?

Quel est ce nouveau projet sur lequel il s’engage ?

Quels sont ses objectifs ?

Il répond aujourd’hui aux questions que se pose Rebellissime le Mag’ !

Marc Melki : Cannes et les SDF sont-ils conciliables ?

Marc Melki a commencé sa vie professionnelle comme animateur. Passionné de photo, c’est tout naturellement qu’il s’oriente vers les shootings d’enfants. Il commence par publier ses clichés dans de grands organismes de presse comme L’Étudiant et Nova Magazine…

La condition des SDF est l’une des thématiques qui l’a rendu célèbre. Marc Melki a demandé à plus de 100 personnalités de vivre comme si elles n’avaient plus de toit, de dormir dehors et ensuite de témoigner sur ce que l’on ressent. Le projet rencontre un vif succès : on en parle jusque sur France 3. Il s’illustre dès lors dans la photographie humanitaire.

Et bingo !

Les associations Aurore, Droits d’Urgence, les éditions Actes Sud et même la mairie de Paris y participent de près ou de loin ! L’objectif de Marc Melki à cet instant précis n’est pas de finir à Cannes… mais d’aider les sans-abris à trouver un logement digne. Sa visibilité devient nationale.

Capturer la misère pour le temps d’un instant, la rendre belle

Dans le book de Marc Melki, on retrouve des poussettes défoncées… mais intrigantes. Si vous cherchez un peu sur Instagram, vous trouverez aussi des femmes et des hommes qui portent des pancartes. Un projet ambitieux qui vise d’une part à mettre en lumières les violences faites aux femmes, mais aussi de souligner les défaillances de notre système.

Pourquoi les victimes ne sont-elles pas mieux protégées ?

Comment de tels actes peuvent-ils survenir encore, à noter époque, aux aurores de 2023 ?

Objectif n°1 du mouvement #apreslesviolences : faire cesser l’omerta des violences conjugales et institutionnelles

Lors de notre premier entretien, Marc Melki évoque l’omerta qui règne. L’Aide Sociale à l’Enfance et la justice obligent les mères à ne pas s’exprimer. C’est pourquoi beaucoup de ces femmes n’apparaissent pas à visage découvert mais sont représentées par des personnalités. Ainsi, elles gardent leur anonymat.

Pour autant, le photographe et journaliste estime qu’il est temps de briser cette loi du silence, de faire bouger les choses.

« Des gifles, des coups, des menaces d’être brûlée à l’acide, d’être désenfantée si je le quittais, des ecchymoses sur le corps de mon enfant ! Mes plaintes classées sans suites ! 1 an avec sursis pour non-présentation d’enfant. Il est placé à l’ASE pour conflit. Je suis dévastée ! »

Isabelle Santiago pour Clara et son enfant.

Ce qu’il a mis en place pour y parvenir

Les portraits ont été exposés à l’Assemblée Nationale du 23 au 30 novembre 2022, à l’occasion de la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. De nombreuses associations et victimes soutiennent le projet.

Marc Melki présente ceux qu'on ne voit pas
#Apreslesviolences : de gauche à droite, de haut en bas : Bruno Solo, Mosli, Gaelle Cramer, Sylvie Testud, Anna Mouglalis, Pauline Rongier, Sanseverino, Laura Guérin, Lydie Drame, Bartabas. Copyright : Marc Melki

Après les violences : les remerciements de Marc Melki

Marc Melki profite de cet article pour remercier les personnes qui ont soutenu son projet Après les violences :

  • Les célébrités qui ont posé pour préserver l’anonymat des victimes (parmi lesquelles Eva Darlan et Anna Mouglalis),
  • Madame la Maire de Bourg-lès-Valence Marlène Mourier et à Audrey Renaud adjointe aux violences intra-familiales,
  • Droit d’Urgence,
  • Alison Blondy,
  • L’association Crache ton venin,
  • Tous les bénévoles, donateurs et autres : la liste n’est pas du tout exhaustive !

« Il m’étranglait. Je me suis dit : ma fille va me retrouver morte sur le canapé, faut vraiment que je parte d’ici, ce n’est plus possible. 4 mois pour avoir un téléphone grave danger et incarcéré après la septième plainte ! »

Alison Blondy

Ceci fait, nous pouvons passer à l’interview à proprement parler. Car oui, il nous reste des questions…

Marc Melki photographe engagé contre les violences faites aux femmes
Portrait du photographe Marc Melki – Copyright : Audoin Desforges

Interview de ce photographe qui révèle la beauté de ceux qu’on cache

Voici la première !

Quel est le point de départ de votre projet ?

Est-ce une raison personnelle ou une situation, une histoire qui vous a touchée ?

Comment cette idée lui est-elle venue ?

« Le point de départ du projet n’est pas personnel, mais j’ai été sensibilisé aux violences conjugales grâce à la mère de mes enfants. Elle travaillait à la FNSF (Fédération Nationale Solidarité Femmes), pour lequel j’avais été photographe et reporter bénévole. Dans un même temps, en 2003, il y a eu l’affaire Bertrand Cantat : manifs dans la rue, soutien de la cause féministe… Et puis après, il y a eu une petite latence. »

L’aventure commence

« J’ai été sollicité par Droits d’Urgence et son président de l’époque (Jérome Jiusti). Il m’a fait une commande de 6 portraits. Un article de Libé parlait d’une femme qui était sortie des violences conjugales. Elle racontait cette fois où elle a failli mourir sous les coups de son conjoint. C’est ce qui a vraiment donné l’impulsion et l’idée de mettre en mots ce point de non-retour sur les pages blanches d’un bloc-notes. »

« Led by Her est une association qui aide les femmes victimes de violences à s’en sortir par l’entrepreneuriat. La présidente s’appelle Chiara Condi. Elle travaille en collaboration avec Béatrice Borde. Elles m’ont aidé à trouver les 4 premiers portraits, juste après le confinement de mars 2020. »

« La mairie du XXe m’a aussi accompagné, ce qui m’a donné un peu d’écho. »

La machine médiatique s’emballe

« En mars 2022, l’association d’Arnaud Gervais, Aspire prend contact avec moi. Leur objectif est d’aider les femmes victimes de violences conjugales et les sans-abris. Il m’a invité à un colloque sur les violences conjugales. »

« L’ANEF 63 a aussi grandement participé et a financé de nombreux portraits. On peut aussi citer l’association Femmes avec. C’est grâce au soutien de Muriel Reus que j’ai pu exposer l’Assemblée Nationale. Laura Rapp, auteure de Twitter ou mourir a également fortement contribué en faisant la connexion avec certaines institutions. »

Cette aventure compte de nombreux bénévoles que nous n’avons pas la place de citer, mais que Marc Melki tient à remercier sincèrement.

Quelle est l’envergure de cette action ? Combien de personnes y participent exactement ? Y a-t-il des projets pour 2023 ?

« 38 personnes sur Insta, environ une quarantaine. Je voudrais en faire un bouquin, dont le bénéficiaire serait une association. Je vais aussi exposer 30 portraits pour l’inauguration de la maison Gisèle Halimi en novembre 2023 avec le soutien de la mairie de Clermont et de Karine Plassard. L’idéal serait de faire de l’affichage dans le métro ou ailleurs, les portraits chocs que l’on a shootés. »

« Cher beau-père ! J’aurais voulu te cracher dessus comme tu as craché sur ma mère. J’aurais voulu t’insulter comme tu l’as insultée. J’aurais voulu te cogner comme tu l’as cognée. Et j’aurais voulu que tu meures quand tu l’as défigurée. 6 ans après, tu continues à la harceler. Je te vomis, je te hais. »

Océane Al-Ayash.

À qui vos images s’adressent-elles ? Il y a forcément quelqu’un que vous souhaitez interpeller en faisant cela ?

« Le gouvernement. Nous voulons mobiliser un maximum d’énergies pour faire bouger les choses. Je ne suis pas hyper qualifié en droit, mais on voit bien tous les dysfonctionnements. »

Vous êtes-vous heurté à des freins ?

« Au début de l’action, personne ne voulait témoigner à visage découvert ou même témoigner tout court. Les femmes avaient peur, c’était trop compliqué. Ce frein a complètement sauté par la suite. »

« Le fait de ne pas avoir de financements pérennes nous empêche également de consacrer le temps qu’on voudrait à cette action ».

Avez-vous quelque chose à ajouter, une remarque ?

« Le pire, c’était le silence. À terme, les choses devraient bouger. »

Retrouvez Marc Melki sur les réseaux sociaux (Instagram et Facebook) ou sur son site professionnel. Partagez vos histoires en commentaires et surtout, diffusez nos deux précédents articles auprès des victimes de violences conjugales :

Violences conjugales : les dispositifs pour s’en sortir

Femmes battues : comment trouver un logement rapidement ?