On entend de plus en plus parler de la musicothérapie. À Montpellier comme ailleurs, les hôpitaux vous proposent votre musique préférée pendant les opérations. De même, les mutuelles commencent à rembourser ce soin, signe de sa reconnaissance et de son efficacité. La semaine dernière, Katia Coatanea nous parlait des bienfaits de la musique, de son vécu professionnel. Mais nous avions encore des questions ! Alors nous l’avons rappelée !
Elle se confie à présent sur ces expériences qui l’ont le plus touchée.
Une chose est sûre : à la fin de l’article, vous ne verrez plus son métier de la même manière !
Musicothérapie à Montpellier : quelles sont vos techniques, Katia Coatanea ?
« Tout d’abord, j’interviens à la demande des équipes soignantes, des familles ou des patients eux-mêmes. Un bilan et un entretien évaluent le champ des possibles et des indications (ou pas). Ensuite, je propose à la personne un suivi en groupe ou en individuel.
Il y a 3 techniques spécifiques, induisant une prise de parole par la suite :
- La musicothérapie réceptive : Basée sur l’écoute musicale.
- La musicothérapie active : Basée sur des jeux musicaux (avec l’utilisation d’un instrumentarium, de la voix et/ou des percussions corporelles) et une mise en mouvements.
- Ensuite, il y a la détente psychomusicale : c’est notre terminologie pour désigner la relaxation en musicothérapie.
Enfin, j’ai suivi un module de formation professionnelle complémentaire en approche multisensorielle (Méthode Snoezelen). Dans ce cas, j’intègre des jeux associant production et objets tels que des balles, des foulards en soie, des plumes pour favoriser l’enveloppement, le lien à l’autre et à soi-même. »
Êtes-vous reconnue profession libérale ? Quel est le cursus pour devenir musicothérapeute ?
« Je suis mi-salariée mi-entrepreneur. J’interviens uniquement dans les structures et à domicile. L’installation en cabinet est en devenir. »
Contrairement à ce que pensent bon nombre de personnes, les séances peuvent être partiellement, voire totalement remboursées en cas de handicaps lourds tels l’autisme. « Oui, on ne le sait pas, mais les mutuelles, CCAS, MDPH, CPAM, allocations d’éducation… peuvent financer une thérapie par la musique : il faut simplement en faire la demande » explique Katia.
« J’aime travailler en équipe pluridisciplinaire, où le pôle thérapeutique est riche de ses différences (ergothérapeute, psychologue, psychomotricien, zoothérapeutie, etc.). Cela facilite un éclairage différent d’une situation thérapeutique spécifique, favorise l’échange et la remise en question, et parfois la prise de relais par un collègue. On est dans une dynamique de qualité. »
Où bénéficier d’un bon enseignement en musicothérapie à Montpellier ou ailleurs ?
Les 4 centres de formation les plus connus en France sont :
- Atelier de musicothérapie de Bourgogne
- Institut de musicothérapie de Nantes
- Université Paul Valery, à Montpellier,
- Et l’université Descartes à Paris. »
Attention aux formations courtes ! Si vous voulez exercer, sachez que dans ce métier, il y a un diplôme universitaire mais pas de diplôme d’État. La formation se décompose en deux cycles : une partie théorique, une seconde qui mêle la théorie et la pratique. L’art thérapie et la dansothérapie se heurtent à un problème similaire : n’importe qui peut se déclarer thérapeute, sans aucune évaluation ou indice objectif de compétences.
Y a-t-il plusieurs stratégies, à adapter selon le patient et son profil ou s’agit-il d’un « protocole » identique à tous ?
« J’adapte vraiment chacun de mes accompagnements thérapeutiques à la personne que j’ai en face de moi. Pour autant, il existe des similitudes dans toutes les prises en charge :
- L’entretien musico thérapeutique et le bilan
- Les séances hebdomadaires (voire deux fois par semaine en cas de crise),
- Puis pour finir, le bilan final, grâce auquel je mesure les résultats de mon travail, les avancées du patient.
Précision : la réussite n’est pas le fait de la musicothérapie uniquement ; C’est l’action de toute une équipe pluridisciplinaire. Si je viens de faire une séance éprouvante avec pour l’un des patients vivant en EHPAD, je le précise dans les transmissions, (on utilise un logiciel informatique pour permettre une meilleure transparence de ce que vit l’habitant au quotidien (que ce soit d’un point de vue médical, social et/ou familial de maintenir une vigilance) »
Katia Coatanea, quelles sont les demandes et attentes de vos patients, sans rentrer dans les détails : auriez-vous un exemple de prise en charge réussie de musicothérapie à Montpellier ?
« La demande ultime, c’est, je pense, d’être entendu, reconnu et d’accéder à un mieux-être. »
L’un des souvenirs les plus touchants de Katia Coatanea
« Une prise en charge réussie, est selon moi, là où la rencontre a pu émerger. L’autre jour, j’ai visité une dame en fin de vie. Alitée, elle somnolait, les poumons encombrés. Elle cherchait à mieux respirer. Elle se grattait souvent la poitrine. Je me suis mise à fredonner, à improviser une mélodie douce dans des nuances piano. Elle a ouvert légèrement les yeux et a cherché ma main. J’ai chanté un peu plus fort, quelque chose d’harmonieux et de doux. Dans un râle, quelques sons sont sortis de sa gorge sur la la la. C’était juste beau.
Chez certains patients dont les constantes sont faibles, on observe une augmentation des pulsations cardiaques lorsque la musique préférée est diffusée.
J’ai accompagné une autre patiente qui avait fait plusieurs tentatives de suicide : elle a cultivé l’idée de projets de vie durant son suivi en hôpital de jour, et entre autres, dans mes séances. Avec son compagnon, elle est partie sur l’idée et l’organisation de leur union. Et elle s’est mariée ».
Musicothérapie à Montpellier : pour quoi faire ? Principalement échanger et se rencontrer
« Dans un IME (Institut Médico-Éducatif), je proposais une musicothérapie groupale et vocale. L’indication était de trouver sa place, ajuster ses comportements et dans un idéal s’affirmer. Au bout d’une dizaine de rendez-vous, leurs voix résonnaient plus facilement. Les jeunes ont pris du plaisir à bouger, à se mouvoir, alors qu’ils étaient initialement très mal à l’aise.
D’une manière générale, les patients espèrent accéder à un lieu d’échange et être accompagné dans le lâcher-prise. Ils ne savent pas ce qu’ils veulent profondément. En effet, leur mal-être est tel que leurs pensées sont confuses. C’est à force d’échanges et de discussions que nous parvenons à détricoter tout cela et à déterminer ce qu’ils aimeraient effectivement pour l’avenir. »
Katia Coatanea, vous intervenez aussi bien auprès des bébés, des enfants que la personne vieillissante.
« En ce qui concerne les enfants, la musique est un moyen de communication, un facilitateur d’apprentissage (comptines), et une aide au développement du langage. On se sert de la musicothérapie pour mieux échanger. Par exemple, en crèche, dans un CCAS, à l’école avec ses pairs. Il peut aussi rencontrer des difficultés relationnelles avec les parents. J’utilise souvent des techniques d’enveloppement sonore, gestuel et moteur, dont finalement, petits comme grands, nous avons tous besoin.
Des études montrent notamment que les prématurés s’alimentaient mieux, dormaient mieux et stabilisaient leurs battements de cœur grâce à la musique. »
Il a été prouvé que les fœtus entendaient la musique in utero et que cela favorisait leurs compétences musicales une fois enfant. Travaillez-vous sur des musiques entendues dans ce contexte ou proposez-vous de nouvelles mélodies ?
« Je n’ai pas encore eu la chance de travailler dans ce domaine bien précis. Je partirais de que ce que vit la maman, du vécu de la grossesse par les deux futurs parents et leur entourage, l’histoire familiale, les goûts des parents, leurs origines. J’utiliserais ce qui m’a été confié pendant l’évaluation pour adapter ma prise en charge ».
Musicothérapie à Montpellier : l’expérience professionnelle de Katia Coatanea
« Dans le passé, j’ai travaillé en chirurgie orthopédique à l’hôpital Necker, dans un service où le pronostic vital des enfants pouvait être engagé. Parfois, ils subissaient des opérations tous les trois ou quatre jours. Eh bien, l’équipe médicale et moi avons remarqué qu’il y avait moins d’incidents pendant l’endormissement et l’acte opératoire (vomissements…). La phase de réveil se passait mieux. Les complications étaient moindres, voire inexistantes quand de la musique était diffusée, soutenue par la relation d’aide. La quantité de drogues anesthésiantes diminuait. Des études portées sur le sujet de l’accompagnement de la douleur et du stress associé en chirurgie ont d’ailleurs été effectuées ».
L’expérience personnelle de Katia Coatanea, musicothérapeute clinicienne à Montpellier
« Quand j’étais enceinte, je n’ai pas fait écouter de Mozart tous les soirs au foetus ! De par ma profession, évidemment, elle a perçu de la musique, ressenti les rythmes frappés sur les percussions et les refrains entonnés. Le bébé en devenir grandissait dans un environnement riche d’un point de vue musical. Mais surtout, j’avais une boule bola ».
Note : C’est un collier avec un grelot, un pendentif sonore traditionnel indonésien attaché à une longue chainette.
« Plus le ventre s’arrondissait, plus le grelot tintait, rebondissant de plus en plus haut. Cela occasionnait une vibration très importante. Un jour, au cinéma, j’ai senti une sensation désagréable au niveau du ventre. Le volume sonore du film diffusé dans la salle était très fort. Trop pour moi déjà. J’ai eu la sensation que ma fille n’était pas bien. Je tapotais la boule bola sur mon ventre et j’avais l’impression que ça l’apaisait. L’inconfort était moindre. Une fois née, en plus de ma voix et des bercements, ce bijou atypique semblait la calmer lorsqu’elle pleurait.
Elle terminait par des onomatopées lorsque je fredonnais et qu’elle était allongée sur la table à langer. Le tout, avant même de savoir parler. Et aujourd’hui, elle chante de manière innée et est à l’aise au niveau du mouvement dansé. En revanche, elle n’est pas attirée par les instruments, même s’il y en a dans chaque pièce de notre logement. »
Cette discipline ne pourrait-elle pas être bénéfique sur les victimes de violences / de maltraitance ? Dans quelle mesure cela peut-il les aider ?
« En effet, cette modalité thérapeutique peut faciliter l’expression des affects ressentis lors des trauma à travers des jeux de musicothérapie actif par exemple. Ou la mise en mots du choc subi et de la douleur associée, pouvant ainsi palier aux États de Stress Post Traumatiques (défini dans notre article Maltraitance infantile : comment se reconstruire ?).
Musicothérapie à Montpellier : mise en contexte pour mieux comprendre l’ESPT
« Les victimes ont souvent des flashs et la reviviscence de l’évènement, associés à une trace sensorielle de l’expérience en elle-même. La régularité des rendez-vous, l’implication de leur contenu, l’intégration du média « Musique » et la relation thérapeutique seront des facteurs permettant une prise de conscience de la violence subie, un recentrage de ce qui s’est joué et un repositionnement de la victime dans ce qu’elle est profondément ».
Quelle est votre stratégie dans ce cas ?
« Les temps d’improvisation et de créativité autour de la mise en mouvement corporel, l’implication de la voix et celle d’instruments de musique seront plus adaptés, selon moi, qu’une écoute musicale à proprement dite. Permettant l’accès aux étapes de deuil nécessaires. La douleur sera détournée. La souffrance apaisée ».
Comprendre la théorie de la porte en 1 minute
L’idée s’apparente à celle de la Théorie de « La porte », la « Gate Control » (théorie proposée par Wall et Melzack pointant le chemin du douleur physique ressentie. Idée qui a induit une meilleure qualité de la prise en compte de la douleur).
Katia Coatanea poursuit.
« C’est comme quand on vous prévient que vous allez avoir une piqûre. Votre attention se concentre dessus, et vous sentez la douleur décuplée. En revanche, si on vous donne un coup de couteau, vous sentirez la douleur, pourtant plus importante, avec moins d’intensité. »
« L’art est un chemin de retour qui conduit de la fantaisie à la réalité.»
Freud
« En musicothérapie, on ne parle pas de prescription (qui fait référence à un acte médical consistant à prescrire un traitement sur ordonnance). On utilise le terme indication (= recommandation de bonnes pratiques, vers une thérapie médiatisée, ajustée aux besoins et aux possibilités du sujet). C’est différent. »
La conversation avec Katia Coatanea se poursuit… On pourrait continuer encore longtemps. Plein de choses à dire sur ces nouveaux métiers qui font du bien et prennent soin des autres. Nous commençons à parler de la psycho-boxe, qui voit le jour et s’étend de plus en plus… Mais ça fera l’objet d’une autre interview!