On avait envie d’un peu de légèreté. C’est là qu’on a rencontré une musicothérapeute de choc : Katia Coatanea. Mais au fait, qu’est-ce que la musicothérapie ?
Et comme selon l’adage : la musique adoucit les moeurs… Impossible de résister à l’envie de vous faire découvrir Katia Coatanea. Elle est à l’écoute de ses patients, empathique, mais surtout, elle fait preuve d’honnêteté et se remet en question chaque jour. Comment ne pas succomber ?
Notre rédaction fourmille de questions !
Vous êtes Katia Coatanea, musicothérapeute. En quoi consiste votre métier ?
« Bonjour ! J’ai effectivement suivi un cursus de musicothérapie, au sortir d’un lycée spécialisé en Arts et Lettres. Je suis musicienne. Comme tous les musicothérapeutes. Je pratique depuis mes 5 ans, la flûte, le piano et le chant.»
Quelques mots sur la musicothérapie
« Avant tout, il est important de différencier les professions de psychiatre, psychothérapeute, psychologue et psychanalyste. Le premier évalue et traite les maladies et les troubles mentaux, tout en pouvant prescrire des médicaments. Le second accompagne la personne en souffrance dans un processus de changements importants. Le troisième peut pratiquer des suivis thérapeutiques, dans le domaine psycho-légal et neuropsychologique, à travers des évaluations et des diagnostics. Le quatrième a une approche singulière et une méthodologie basée sur la vie psychique inconsciente consciente du patient.
Il faut également préciser autre chose : il existe deux sortes de musicothérapeutes :
- Le musicothérapeute clinicien,
- Le neuromusicothérapeute.
La différence entre un musicothérapeute clinicien et un neuromusicothérapeute
Le premier se base sur l’échange qu’il a avec le patient et choisit un mode d’interaction en fonction de ses observations. Le choix des techniques diffère donc complètement d’un individu à l’autre, s’adaptant aux possibilités et au rythme de la personne en face. Le neuromusicothérapeute interagit en fonction des recherches, des avancées et des études scientifiques menées en amont (sur les réactions cérébrales notamment). Cela oriente la manière d’échanger et le déroulement de la thérapie. »
Des professions encore malheureusement méconnues
« Cette profession est encore peu connue du grand public. Certains de mes proches n’ont pas compris mon choix. Depuis petite, je voulais évoluer dans le monde musical : être professeur de musique par exemple au collège et l’associer au côté social. Au lycée, j’ai découvert cette profession. J’ai rencontré quelques musicothérapeutes pour être certaine de mon attirance. Je savais.
Musicothérapeute était ce que je voulais véritablement être. Comme tous les nouveaux métiers, le grand public le méconnaît. Le monde médical est parfois sensibilisé à cette approche. Nous tendons vers une reconnaissance du métier : certaines étapes sont déjà franchies. Un référentiel métier a été proposé par la Fédération Française de Musicothérapie et validé (exemple : grilles de salaires).
Musicothérapie VS psychologique : Katia Coatanea fait le point
Mais attention. Un psychologue ne fait pas la même chose qu’un musicothérapeute. Le psychologue échange avec son patient et se sert principalement des mots pour le faire cheminer, avancer. Un musicothérapeute utilise deux supports : la musique ou, a contrario, le son, le silence et la reprise verbale, si elle est possible. Ce professionnel peut accès la rencontre sur de multiples jeux musicothérapeutiques et la diffusion d’extraits d’œuvre. Sans qu’il n’y ait de verbalisation associée ».
Un métier formidable oui, mais…
« L’apprentissage de cette discipline ne fait pas de l’élève sortant un thérapeute compétant. Il a des outils, un étayage intellectuel et créatif, bien sûr. Mais un des paramètres les plus importants, je pense, pour quelqu’un qui a des responsabilités thérapeutiques, c’est le travail sur soi. J’ai fait 15 années de psychanalyse lacanienne, une introspection de qualité. Un professionnel de la santé me supervise, durant des rendez-vous mensuels pour permettre un équilibre entre ce qui m’habite d’un point de vue personnel et ce qui se joue dans une relation Soignant/Soigné. Il veille à ce que j’identifie mes émotions, et ce qui m’anime. Cela à travers des associations libres. L’idée étant d’être la plus professionnelle possible. Favoriser une écoute au plus juste de la personne et ses besoins. »
Katia Coatanea
En quoi la musicothérapie consiste-t-elle ?
« Mon métier consiste à proposer un espace d’expression des affects et des émotions à travers différents temps, de les verbaliser si cela est possible comme faire des associations d’idées pour favoriser l’introspection et le déplacement de schémas fonctionnels. Il est donc accessible aux personnes présentant un ou plusieurs handicaps, une ou plusieurs fragilités. J’accompagne actuellement une dame en fauteuil-coquille. Seul son regard et le mouvement des lèvres sont des moyens d’expression physique. »
Katia Coatanea, comment gérez-vous vos propres émotions et les souffrances que vous encaissez au quotidien ?
« Je participe à ce qu’on appelle un Groupe Psychodrame Balint. L’idée est de regrouper des soignants tels que kiné, infirmiers, psychologues, médecins généralistes, musicothérapeutes, … autour de la relation Soignant/Soigné. Les séances de réflexion sont encadrées par deux professionnels. Pour ma part, un médecin généraliste et une psychanalyste. Une situation clinique est présentée par un des participants, jouée à plusieurs reprises, à une place différente à chaque jeu (on appelle cela du Psychodrame). Tout cela est mené afin de mieux comprendre le point de vue de l’autre.
Ça nous permet de prendre de la distance avec nos émotions, de mieux comprendre nos réactions et celles des patients ».
Est-ce que la musique agit sur la production d’hormones, comme c’est le cas pour le sport, ou faites-vous appel à l’émotion et aux associations d’idées générées par certaines chansons pour démarrer une psychothérapie ?
« Des études canadiennes démontrent que la musique entraîne la production de cinq hormones différentes : quatre que l’on assimile au bonheur et au bien-être et une cinquième, qui elle, génère du stress (cortisol). Ces hormones de bien-être sont :
- L’ocytocine (hormone de l’attachement),
- Endorphine (antalgique, anxiolytique et relaxante),
- Dopamine (contrôle moteur, siège de la tension et de la motivation),
- La sérotonine (qui gère la prise de décision et la régulation des actes) ».
En fait, si l’on résume, la musique agit comme un pic d’opiacés naturels. C’est ce que met en évidence Daniel Levitin, psychologue cognitif à l’université McGill de Montréal. Ses études soulignent ce que nous explique Katia Coatanea.
« Dans ma pratique, ce qui m’attire particulièrement, c’est la manière dont les patients ressentent, quels souvenirs ça leur évoque. J’évalue sans cesse de manière subjective la portée émotionnelle du jeu musical ou la diffusion d’une musique. Nombre de personnes âgées que je rencontre se remémore des sorties festives lorsqu’elles étaient plus actives, des valses d’avec leur mari ou femme à présent décédé-e ».
On se demande : faire réécouter cette musique peut les plonger dans une tristesse profonde et provoquer un glissement (le patient se laisse mourir) ?
« Comme toutes les thérapies, la musicothérapie clinique ne peut pas affirmer à 100% qu’un patient réagira d’une façon bien spécifique. Je suis donc constamment dans l’auto-questionnement et une écoute profonde de la manière dont est vécu ce moment. Je pense d’ailleurs qu’elle a toute sa place dans une complémentarité de la prise en soin du bénéficiaire. Cela enrichit les moyens d’accéder à un mieux-être.
Démarrer une musicothérapie passe nécessairement par une volonté de la part du patient. S’il ne veut pas, s’il n’est pas dans le désir, aucun travail n’est possible. C’est valable, quel que soit son âge d’ailleurs ! »
Pouvez-vous nous expliquer le mécanisme, ce qui se joue quand on écoute de la musique ?
« En général, la musique apporte un bien-être ou du moins, un mieux-être. Il arrive pour autant que certaines chansons ou mélodies énervent ou mettent en colère celui qui l’écoute. Mon objectif à moi, en tant que thérapeute, est de susciter les émotions pour pouvoir en parler, les exploiter et les comprendre. »
Sur quel genre de musique travaillez-vous ? Texte, instru, musique classique comme Beethoven ou Mozart, ou bien des mélodies plus récentes ?
« J’utilise tout style de musique (jazz, musique de film, classique, traditionnelles, populaires, …), d’époque et d’influences variées. Ce peut-être du Björk, Boulez, des chanteurs actuels, … Tout sauf la musique Techno où il y a une répétition du rythme, des nuances et du son qui favorisent l’enfermement sur soi. Si la personne est attirée par ce style je vais lui proposer par exemple, la musique répétitive américaine, le Boléro de Ravel, entre autres.
Tout dépend vraiment de qui j’ai en face de moi. Je mène un premier entretien de découverte : le bilan réceptif et actif. J’écoute qui est mon patient, son histoire, son vécu, ses expériences et comment il a perçu tout cela. Il m’arrive également de répondre de manière ponctuelle aux besoins d’une équipe face à un comportement atypique d’un des résidents (Insomnie liée à un stress, retour des Urgences induisant un état d’inquiétude, …
Par exemple, suite à un épuisement d’une dame lié à une déambulation de plusieurs heures durant la nuit, je lui rends visite. Elle est hispanique et je ne parle pas l’espagnol. Dans sa chambre, sont affichées de nombreuses images de Santa Rita. Via Internet, je me suis renseignée sur cette sœur et trouvé des textes lus, des invocations parlées dans sa langue maternelle. Un temps d’écoute s’ensuit. Progressivement, son périmètre de marche diminue, sa respiration est plus fluide. Elle s’allonge sur son lit, sur le côté, le visage moins crispé.
Katia Coatanea
Le choix de la playlist du jour se fait en fonction des besoins
« Tout à fait … L’essentiel est d’être là. Là où se trouve la personne : ce qui l’habite sur le moment, l’instant T. Quoi que je choisisse, il est important de rencontrer l’autre, de susciter une réaction, pour apporter une base de réflexion et de questionnement de l’autre.
Actuellement, j’accompagne une dame, vivant en EHPAD. Elle ne tient pas en place, semble vivre une agitation interne et ne sait pas comment la sublimer, voire la dépasser. Elle déambule beaucoup. Dans ce cas précis, je calque la musique à son rythme cardiaque, et j’induis des mouvements de marche. Si elle est très énervée, je mets une musique assez tonique, mais dont le rythme reste légèrement inférieur à celui de ses pulsations cardiaques. Les musiques d’après sont plus calmes et in fine, elle s’apaise. En général….»
Katia Coatanea explique que son métier de musicothérapeute entre en conflit avec sa formation de musicienne
« En tant que musicothérapeute, j’ai dû apprendre à ne pas toujours produire du beau. Par exemple, il m’est arrivé de créer une ambiance à partir d’une cacophonie pour imager au plus juste le chaos interne que ressentait un des bénéficaires. L’entendre là où il est et l’accompagner vers un lâcher-prise des tensions qu’il vit. Aller d’un état où il se sent dispersé pour progressivement focaliser son attention sur un instrument unique, une diffusion chantée par une seule voix, par exemple.
Ne plus nécessairement faire du beau
La prise de parole n’est pas nécessaire. Une autre fois, il m’est arrivé de retourner un djembé, la peau contre le sol et de gratter simplement dessus, face à quelqu’un pour qui le contrôle était salvateur. Face à une façon complétement différente d’utiliser cette percussion, il a du s‘adapter, s’obliger à voir et penser différemment. Être dans la créativité. D’abord surpris et gêné, il a ensuite pris plaisir à échanger. On n’a pas le même objectif que le musicien, qui tient à produire une mélodie harmonieuse.
Lors d’un suivi en individuel auprès d’une jeune fille de 11 ans, j’ouvre l’espace à ce qui l’attire, ce qui l’anime. Pour elle, écouter la radio Skyrock est salvateur. A partir de mouvements corporels sur un support musical de rap et R’n’B, elle exprime une agitation motrice, avec des gestes saccadés et anguleux. Au fur et à mesure des rencontres, cette enfant introduit du liant, des rondeurs dans ses mouvements, quelque chose de plus féminin et plus centré ».
« A mon sens, il n’y a pas de chanson-médicament »
« En plus des musiques et des chansons, il m’arrive d’avoir recours à des ambiances sonores. Le bruit de fond d’un restaurant ou du trafic autoroutier par exemple. J’accompagne un garçon autiste. Il ne supporte pas les cris, les sons intenses et forts. Chaque séance est basée sur une scénette qu’il imagine, où chacun de nous évolue. Pour l’accoutumer aux bruits, j’introduis des arrière-plans sonores. Nous devons donc nous adapter, desserrer les dents, parler fort pour être entendu de l’autre… »
Comment faire quand le patient n’aime pas la musique ?
« Recevoir et soutenir quelqu’un qui n’aime pas la musique. Eh bien c’est possible ! J’ai rencontré une dame qui venait de faire un A.V.C., très inquiéte des conséquences sur son état physique. À travers un enregistrement créant une ambiance estivale de sa région : Le Sud, la dame a accepté ma présence. Elle s’est installée face à l’enceinte, le corps penché en avant, captivée par le chant des cigales. Un environnement sécure et enveloppant lui facilitait alors un accès à un lâcher-prise. La rencontre a pu émerger.
Avant de proposer une séance de détente psychomusicale, je me renseigne sur de nombreux points pour ajuster au mieux l’outil « Musique » aux besoins. Quelqu’un qui a failli se noyer lorsqu’il était jeune aura des difficultés à être dans un relâchement des tensions si des bruits d’eau, d’océans sont présents dans le montage musical.
Parfois j’utilise des montages de bruits colorés, entre autres des bruits blancs. »
On n’y connaît rien : Katia Coatanea nous explique ce que sont des bruits blancs !
« Le bruit blanc fait référence à des fréquences sonores spécifiques masquant, donc modifiant notre environnement naturel. Ils sont utilisés par exemple dans la mise en détente pour les tout-petits. »
Un pic de téléchargement a été enregistré pendant le confinement : les Parisiens écoutaient alors des bruits de métro et de foule pour supporter la monotonie, l’absence d’un rythme de vie et donc de repères quotidiens. Cela permettait de ne pas plonger dans une mélancolie, une tristesse.
Vous souhaitez découvrir les techniques de Katia Coatanea ? Elle vous les donne dimanche prochain ! Ne ratez pas le rendez-vous avec notre musicothérapeute préférée !