Medias et réseaux sociaux : l’importance du discernement

Médias et réseaux sociaux… Ils deviennent de véritables armes psychologiques. Confondre information et opinion, un mélange des genres dangereux pour la société !
Alors que les professionnels de l’information, les médias sont tenus à code déontologiques, les réseaux sociaux non. Pourtant entre les deux le flou s’installe. Les rumeurs et opinions sont parfois prises pour des vérités. L’information concède des entorses à sa déontologie pour faire le buzz. Nous voilà noyés sous le flots des images, des commentaires. Alors que nos grands-parents affirmaient « c’est vrai je l’ai vu à la télé », les milleniums prennent pour argent comptant tout ce qui circule sur les réseaux sociaux. Sources, vérification de l’information, objectivité… Quésako ? D’où l’importance du discernement et peut-être même d’une éducation à l’information, et pas que pour les plus jeunes!
Nous avions déjà alerté dans notre article Doit-on manger du porc pour être Français, sur les risques d’une mauvaise appréhension des informations délivrées par les médias. Dans l’article sur Pierre Palmade, nous vous rappelions la déontologie que doivent adopter les journalistes. Plus que jamais aujourd’hui, il semble essentiel de faire preuve de transparence et de mettre en garde les parents de mineurs, en âge d’aller sur les réseaux sociaux.
Tout a commencé par un échange avec un adolescent, le mien en l’occurrence. Il est âgé de 15 ans, a pas mal de contacts sur différentes plateformes. Pouvant difficilement aller à l’encontre de cela, j’ai exigé de pouvoir accéder à ses comptes quand je le demande, sans prévenir. On a pu établir un rapport de confiance. Dans ce contexte, mon fils me montre quelques images, qui tournent actuellement sur les réseaux sociaux. Elles l’ont, apparemment, choqué, puisqu’il prend la peine de m’en parler, alors qu’”avec tout ce qu’[il] voi[t] circuler, [il a] l’habitude”.
Je découvre avec horreur que des vidéos de l’égorgement du professeur d’Arras, monsieur Dominique Bernard, circulent, de manière tout à fait décomplexée, sur les réseaux cryptés comme Telegram.
De cette conversation, ont découlé plusieurs observations qu’il paraît, au vu des actualités et de la dégradation de la communication, essentiel de partager.
Il y a une forte différence entre donner des informations dans le but de faire du clic, et donner des informations pour informer.
La langue française est riche. Il est tout à fait possible de délivrer une information juste sans pour autant dévoiler des détails qui n’apportent rien au lecteur et surtout, qui nuisent à la vie privée de la personne concernée.
L’affaire Pierre Palmade en était la parfaite illustration. Les grands médias retraçaient heure par heure, les dernières 24 heures de l’humoriste, sans même attendre que les rapports d’accidentologie soient commencés. Tous les experts, qu’ils soient compétents ou non, se relayaient sur les plateaux TV pour donner leur avis. Ainsi, on a vu des consommateurs de 2MMA, les addictologues, les spécialistes des bébés, des femmes enceintes et toute leur cohorte de professionnels, défiler dans les émissions de forte audience. Quelle valeur ajoutée à cela ? Aucune.
Ce qui est plus surprenant, c’est que peu de monde s’est exprimé sur les sujets plus importants, plus profonds, comme le vide juridique qui existe entre le quatrième mois de grossesse et l’accouchement : “un flou artistique”, selon l’avocat des victimes, Maître Mourad Battikh. Oui, ça a été évoqué, mais, finalement, personne ne s’est appesanti ou ému de cette curiosité légale.
En effet, le bébé, lorsqu’il est dans le ventre de sa mère, ne devient une personne juridique qu’à partir du moment où il respire en dehors de l’utérus. Avant cela, il est considéré comme appartenant au corps de la femme. Or, cette dernière ne peut avorter que jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse, soit avant son quatrième mois révolu. Elle n’a plus le droit de lui porter atteinte passée cette date. Le bébé qu’elle porte ne lui appartient donc plus tout à fait. En cas de décès du fœtus, on ne parle plus de “fausse couche” mais de “mort in utero”. À ce stade, son visage est dessiné, ses membres sont formés, il est en capacité de bouger ses bras et de se mouvoir dans le ventre.
Pourtant, il n’est pas une personne juridique, et ne peut donc pas être victime d’un homicide.
Le bébé n’ayant pas respiré en dehors du ventre de sa mère, il était viable, mais pas vivant. Pierre Palmade, reconnu entièrement responsable de l’accident, sera donc seulement poursuivi pour blessures involontaires, et non pour homicide involontaire. En bref, d’un point de vue strictement juridique, il a blessé les trois occupants de la voiture, mais il n’a tué personne.
Ça, ça aurait été une information qui fait avancer les choses. Mais non, on a préféré mettre l’accent sur les seringues qu’il serait allé acheter avant le drame, filmer la pharmacie dans laquelle il est allé, retracer le nombre d’injections qu’il s’est administrées avant le drame, ce qu’il a ressenti pendant sa défonce… Des détails dont on pouvait clairement se passer.
Il suffisait de dire que Monsieur Palmade était sous l’emprise de stupéfiants, et éventuellement préciser lesquels pour alerter les usagers de ses effets.
Revenons-en à mon adolescent. Il me montre donc des contenus, parmi lesquels :
Ces images paraissent authentiques. Oui, c’est la réalité. Ce qui est problématique, c’est qu’elles sont à la portée des plus jeunes. Elles sont extrêmement choquantes pour tout adulte doté de sensibilité. Que dire des adolescents, qui ne comprennent pas les enjeux, moins avertis et moins équilibrés dans leurs têtes ? Et surtout, qu’est-ce que ça nous apporte à nous, qui visionnons cela ?
Se pose donc une question. Qu’est-ce qui motive le voyeurisme ? Pourquoi tant de monde a besoin de regarder des contenus dramatiques, de se délecter, voire se gausser devant des images épouvantables ? La rédaction Rebellissime tente de comprendre.
Le psychologue clinicien Thierry Jandrok émet l’idée que les “malheurs des autres ont une fonction rassurante pour tout un chacun”. En effet, de manière très égoïste, on a tendance à comparer nos vies et à se dire “que c’est moins pire chez nous”. “Heureusement que ça ne m’est pas arrivé à moi”.
On dirait que c’est de la méchanceté. Il n’en est rien. En réalité, c’est une manière d’affronter nos angoisses les plus profondes. C’est, par exemple, ce qui nous pousse à regarder lorsqu’on est témoin d’un accident de la route.
Ce qui pose un problème, depuis la démocratisation des réseaux sociaux, c’est que le voyeurisme devient pathologique. Les spectateurs, à l’abri derrière leurs écrans, cherchent les détails les plus croustillants, sans même réaliser de quoi ils parlent. Il n’y a qu’à lire les commentaires en dessous des faits les plus graves… Monsieur et Madame tout le monde deviennent, le temps d’une soirée, inspecteurs.
Ensemble, ils mènent l’enquête et détectent la moindre incohérence avérée ou supposée des auteurs, mais aussi des victimes. Les remarques sont exceptionnellement pertinentes, mais bien souvent, elles sont sans queue ni tête.
Prenons l’exemple de la disparition de Lina. Les commentaires jugeaient sa maman “froide”, alors même que cette femme contenait visiblement son émotion. Sa gorge était serrée d’angoisse, elle avait du mal à déglutir tant elle avait peur pour sa fille. Mais ça, ces personnes médisantes ne le perçoivent pas… Peut-être n’ont-ils jamais été confrontés à une telle détresse ? Mais dans ce cas, à quel titre se permettent-ils de juger et surtout, de propager des doutes complètement infondés ?
Cela nous mène à la prochaine réflexion : la responsabilité des médias et des plateformes qui diffusent de telles informations.
En tant que professionnelles de la presse, nous avons été amenées à travailler dans d’autres organismes que Rebellissime. Que se passe-t-il dans l’arrière-salle de nos journaux ?
Parfois, nous vous le prouvons chez Rebellissime, tout se passe bien. L’information peut être diffusée de manière claire, pas de fake news. Chaque article est argumenté et vérifié.
Malheureusement, cette liberté de rédaction n’est pas systématique.
Je peux par exemple, à titre personnel, parler d’une expérience (brève) au sein d’un magazine people connu. J’ai mis en avant, de manière tout à fait objective, les propos d’une conjointe de réalisateur, qui légitimait les rapports sexuels de son homme avec des mineures moins de quinze ans. Le tout, cité entre guillemets, évidemment. Son argument ? Dans ce milieu, c’est assez courant.
Je cite cette femme et joins la vidéo à l’appui (émission 7 à 8, sur TF1, en 2022) : elle est donc visible des internautes, qui peuvent vérifier mes propos.
En dessous de cette vidéo, je précise que “Pour rappel, d’après l’article 222-22 du Code pénal, un rapport sexuel avec un mineur de 15 ans ou moins constitue un viol.”.
Il n’y avait aucune accusation dans mes propos. Juste un rappel de la loi française. Les lecteurs sont ainsi libres d’en déduire ce qu’ils veulent. Je les ai informés, de manière transparente.
Ce contenu a été supprimé en urgence, retiré du web. J’ai été interdite de shifts (quand le journaliste publie les actualités en live, sans corrections). Les cadres m’ont plus ou moins gentiment orientée vers les diaporamas… “Tu me feras les 25 coupes au carré de Sophie Marceau, on corrigera derrière”. Ce qui, dans le langage feutré des grands organismes de presse, veut dire “au placard, vous auriez mieux fait de vous taire !”.
C’est un exemple parmi d’autres…
Tout cela soulève de nombreuses questions sur les informations qu’il est permis de diffuser ou non, quand on est professionnel.
Il est essentiel, quand on découvre un contenu, de regarder qui est la source et surtout, qui finance la source. Vous aurez ainsi beaucoup plus d’informations sur ce qui a motivé la publication de l’image / de l’article, sur les enjeux du créateur dudit contenu.
Pour reprendre un exemple donné dans Doit-on manger du porc pour être Français, vous voyez cette vidéo de femmes soi-disant agressées pendant la Saint-Sylvestre et les commentaires qui dénoncent l’implication de réfugiés Syriens… Prendre le temps de se renseigner, et constater que les groupes d’extrême droite sont à l’origine du post permet de prendre un peu de distance et comprendre les motivations de ceux qui ont publié.
Une petite recherche Google plus loin… On apprend que seuls 0,2% des agresseurs étaient originaires de Syrie… En réalité, on parle de même pas un mec entier !
Ces derniers jours, on voyait circuler des images d’enfants encagés, sur les réseaux sociaux. Selon l’identité et les convictions de la personne qui diffuse, on peut lire que :
Problème : la photo a été prise avant l’attaque de la rave-party.
Dernière hypothèse : ce sont des enfants encagés en Syrie.
On peut aussi citer cette photo de petite fille de 9 ans, d’origine ukrainienne, montrée sucette à la bouche et fusil d’assaut dans les mains, assise au bord d’une fenêtre.
Émouvant n’est-ce pas ?
Eh bien ces deux images ont deux points communs : elles ont suscité l’émoi de l’opinion publique… mais étaient sorties de leur contexte, donc interprétées de manière erronée.
Bref, on ne sait pas. Il faut absolument se préserver des émotions fulgurantes provoquées par ces images choquantes. N’oublions pas que certaines personnes mal intentionées sont expertes en trucage de photos… Il est aussi possible de faire des miracles avec l’IA.
Nous appelons donc nos lecteurs à faire preuve de la plus grande vigilance, en ces tristes temps de désinformation. Prenez plusieurs sources fiables, recoupez leurs déclarations, étudiez les documents dont il est question. En résumé, faites preuve d’un grand discernement.
Dernier exemple bien triste de ce qui tourne actuellement, sur nos réseaux sociaux. Une de mes sources me montre la vidéo NON FLOUTÉE d’une victime de viol et de séquestration, prise en charge par les pompiers. La gamine a 15 ans, elle est assise dans le camion, en bas du bâtiment d’un quartier sensible.
Je m’interroge sur le but de la personne qui a tourné et diffusé cette vidéo. J’en apprends alors plus sur le contexte du tournage.
La gamine avait quitté son village de résidence pour “s’encanailler” dans une ZUP. Elle a été séquestrée par un trentenaire et a pu s’échapper.
“Elle voulait être une star sur les réseaux… La voilà célèbre maintenant.”
Nous vous le disions… C’est triste.