« Quand la France va légaliser le cannabis ? » C’est la question que se posent les Français, tout de même élus plus gros consommateurs d’Europe. Et pour cause, 47% de nos concitoyens ont déjà tenté une fois le shit ou la weed… soit près de 10% de la population qui se déclare consommatrice régulière. Certes, il y a moins de femmes que d’hommes, mais cela représente un chiffre d’affaires global de 3,2 milliards d’euros en 2021… Soit près du double de l’année 2017. En liquide, of course ! 39,5 tonnes d’herbe ont été saisies par les douanes et la police, toujours en 2021…
Pour autant et malgré la lutte acharnée que les autorités mènent à l’encontre des stupéfiants, le Conseil Économique Social et Environnemental, le CESE, s’est réuni en ce mois de janvier 2023 et a voté le 24 janvier… ils envisagent une dépénalisation encadrée du cannabis.
Quels sont les avantages et les inconvénients d’opter pour une dépénalisation et non une légalisation ?
Comment cela se passe-t-il en 2023, dans les autres pays ?
Nous prendrons par exemple appui sur les Pays-Bas, haut lieu de la consommation de cannabis. Nous parlerons aussi de l’Allemagne et des dispositifs mis en place pour trier les usagers récréatifs (qui consomment pour le plaisir) de ceux qui s’en servent pour contrer une maladie.
Car le cannabis est sérieusement diabolisé dans notre pays, contrairement à ses pairs européens. Il prévient des maladies, apaises les effets secondaires des chimiothérapies, apaise les scléroses en plaque… mais constitue tout de même un réel danger au volant et pour les poumons…
France cannabidiol (CBD) et cannabis : quelles sont les différences ? Bref récap pour les néophytes
Le cannabis se présente le plus souvent sous trois formes :
- L’herbe, appelée beuh, weed, gandja…
- La résine, également connue sous le nom de shit, charass, ou chichon,
- L’huile, qui est beaucoup plus forte, plus chère et moins répendue.
Il peut être consommé en joints, qui sont des cigarettes artisanales, avec des pipes à eau ou la solution la moins dangereuse car dépourvue de tabac, le volcano. Cet appareil électrique gonfle un gros ballon de plastique et brûle l’herbe de cannabis. Le ballon se remplit de fumée : l’usager n’a plus qu’à aspirer. Il est aussi possible d’en manger, dilué dans un corps gras : c’est ainsi qu’on fait les fameux space cakes, le beurre de Marrakech et les tisanes améliorées.
Pas de psychoactif dans le CBD, mais une ressemblance frappante avec son cousin !
Le CBD est une plante cousine du cannabis. La différence majeure est qu’il n’y a pas de principe psychoactif dans le CBD. En d’autres termes, fumer un joint de CBD même pur apaise légèrement mais ne « défonce » pas. Pour autant, il est difficile pour un œil et un nez non avertis de faire la différence : tous deux ont exactement le même aspect. Impossible aussi des les différencier par les plantes ou les graines.
Quand la France va légaliser le cannabis ? Quand il sera exempt de THC ? Ou avant ?
La molécule qui provoque cette sensation d’euphorie s’appelle le THC. Certains psychiatres la disent addictive et de fait, la dépendance psychcologique est assez forte.
En fait, les experts disent que ce n’est pas le produit en lui-même qui pose le plus problème : c’est l’usage qu’on en fait. À haute dose (10 joints par jour ou plus), le cannabis est assimilé et traité comme une drogue dure. Ce n’est pas le cas du CBD, qui a peu d’effets indésirables et aucune dépendance.
Enfin, dernier point à noter : la loi n’est pas la même si vous êtes en possession de cannabis que si vous détenez du CBD. Au vu de la ressemblance, n’oubliez pas de garder la facture de quand vous sortez de chez CBD’eau , ou autre magasin et bureau de tabac !!! Car en France, le CBD est désormais en vente libre.
La loi CBD et la loi cannabis : qu’en est-il en France, à l’aube de 2023 ?
Le cannabis, et plus particulièrement le THC qu’il contient, est classé comme un stupéfiant. Par conséquent, il répond à l’article 3421-1 du Code de la santé publique qui dit : « L’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende. »
Il existe une autre loi, plus souvent appliquée lors des saisies de petites quantités. Elle permet de payer directement une amende à la police (c’est évidemment déclaré). Cela met fin aux poursuites judiciaires et évite de passer au tribunal. Les forces de l’ordre confisquent le produit. Les plus de 80 tonnes de cannabis saisies en France chaque année sont brûlées dans des incinérateurs agréés en présence d’un officier de police judiciaire.
Enfin, il y a la solution de faire une reconnaissance préalable de culpabilité, et de se faire soigner. Cette décision concerne bien souvent les personnes addictes et donc malades.
Toutes ces galères judiciaires et administratives n’ont pas lieu d’être avec le CBD. Jusqu’en 2022, date de sa légalisation, ce dernier profitait d’un flou juridique. Or, en droit, tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé.
Il serait tout de même dommage de se priver d’une telle manne financière : environ 150 millions de CA en 2021… La flambée s’annonce pour 2022 puisque le chiffre d’affaires de cette plante aux mille vertus passe à 1 milliard d’euros en 2022 (selon CBD actu).
Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Avant de nous intéresser à la décision prise par le CESE, intéressons-nous d’un point de vue pratique, aux avantages et inconvénients d’une légalisation ou, à défaut, d’une dépénalisation.
Quand la France va légaliser le cannabis… avantages et inconvénients
Le cannabis a toujours fait couler beaucoup d’encre. Le club des hashishiens du XIXe siècle est aujourd’hui fort connu : on comptait notamment parmi eux Baudelaire, Victor Hugo et Théophile Gautier… Pour la petite histoire, la Reine Victoria et le premier président américain, George Washington étaient de fervents consommateurs… Ce dernier avait d’ailleurs une petite serre personnelle, dans laquelle il ne faisait pas pousser que des tomates ! Comme quoi, l’habit ne fait pas le moine. Trêve de plaisanteries.
Les avantages d’une légalisation du cannabis
Tout d’abord, on pense à la traçabilité et à la qualité. Ensuite, on se dit qu’ainsi, on contrôlerait l’accès aux mineurs. Enfin, les filières d’approvisionnement, souvent liées au crime organisé, seraient déficitaires de plus de 3 milliards d’euros.
Quand la France va légaliser le cannabis : adieu les produits coupés
À l’heure actuelle, certains shits sont coupés à la paraffine (comme les bougies). Certains paraît-il, sentent l’essence en fonction des conditions de transport. Toujours est-il qu’il n’y a ni traçabilité ni gage de qualité. La beuh n’est pas en reste : elle fut, à une époque et toujours selon les personnes que nous avons interrogées, coupée avec du verre pilé (pour la rendre plus lourde et donc la vender plus cher).
Au contraire, les coffee shop se fournissent auprès de filières légales, qui répondent à toutes les normes sanitaires en vigueur pour les produits pharamaceutiques ou alimentaires. La qualité est, selon les dires des clients, optimale.
Quand la France va légaliser le cannabis, les seront prix fixes et l’accès, limité aux mineurs
Comme c’est le cas du tabac en France, les coffee shops néerlandais sont interdits au mineurs. En enquête sur place, nous avons d’ailleurs vu une maman se faire refouler de l’établissement… Motif ? Le bébé, son enfant, dans le sac à dos.
Les prix sont élevés selon nos sources : 14€ le gramme d’herbe en 2021, soit 4€ de plus qu’au marché noir. C’est donc aussi un inconvénient. Pour autant, nous avons calculé qu’entre le prix d’arrivée et le prix de vente au détail, les dealers pouvaient faire un bénéfice de plus de 200% par rapport au prix initial. En d’autres termes, un produit vendu 100€ au client sera payé 40€ par l’investisseur. Donc… C’est un inconvénient sans en être un.
Couper l’herbe sous le pied des réseaux clandestins
On le voit à Marseille, le CA généré par le trafic de cannabis déclenche de nombreuses violences. Nous sommes le 30 janvier et déjà, 2 morts par balles classés en règlement de compte. Sur l’année 2022, on a répertorié 31 morts rien que sur la ville et sa périphérie immédiate.
Les réseaux échappent complètement au regard de la police. Problème : tout se règle par la violence. « Une dette ? J’entaille ton bras avec une lame de cutter. Tu balances ? Je t’en cause même pas ! ». Dans ce milieu, c’est l’omerta. Nous avons interrogé de nombreuses personnes. Toutes ont souhaité garder l’anonymat ou pire, se cagouler. Impossible d’identifier qui que ce soit.
Tout le monde sait que les réseaux de trafic de drogue sont proches des trafiquants d’armes, qui eux, travaillent avec d’autres personnes assez mal intentionnées. Le manque à gagner peut donc fortement affaiblir les dispositifs. Et désengorger les tribunaux, par la même occasion. Ça tombe bien, ils se plaignent d’être en sous-effectifs…
Les inconvénients d’une dépénalisation ou d’une légalisation
Nous sommes un média neutre et indépendant. A ce titre, nous estimons important de mettre autant d’inconvénients que d’avantages. Les voici.
Quand la France va légaliser le cannabis, ça va être Bagdad sur les routes
Le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin, se voulait alarmiste : « Le cannabis sème la mort ». Oui, il est responsable d’un accident mortel sur 25 d’après le bilan de l’ONISR de 2019.
C’est un peu moins élevé que le chiffre pharamineux annoncé (un accident mortel sur cinq). L’année 2020 et son confinement ne sont pas représentatifs. 230 personnes meurent chaque année sur les routes à cause de cette drogue. À titre comparatif, l’alcool tue plusieurs dizaines de milliers de personnes chaque année (11 000 femmes et 30 000 hommes en 2015 selon Sante-publique France).
Oui, mais voilà.. L’alcool Madame, c’est culturel ! On parle du patrimoine Français … La classe quoi !
Les problèmes de santé publique
90% des consommateurs fument le cannabis. Et fumer, c’est la porte ouverte aux maladies pulmonaires :
- Asthme,
- Bronchite chronique,
- Bronchiolite du fumeur,
- Emphysème (trou dans le poumon).
Certains spécialistes disent qu’un joint équivaut à dix cigarettes. Un problème de santé majeur en perspective, mais ne se ruine-t-on déjà pas avec le tabac et l’alcool ?
Aux problèmes pulmonaires s’ajoutent les troubles de la concentration, et de l’attention. Sans oublier les personnes qui réagissent mal et peuvent déclencher des maladies mentales de manière plus intense et plus brusque que si elles ne fumaient pas.
Quand la France va légaliser le cannabis… et cette économie parallèle qui fait vivre tant de quartiers ?
Il ne faut pas se leurrer, les 3 milliards de chiffre d’affaires sont une aubaine pour les plus grands trafiquants, mais ils permettent surtout aux quartiers et zones les plus pauvres de vivre. Le trafic de drogue fonctionne désormais comme une entreprise : cahier des comptes, objectifs, marketing, course à la rentabilité, heures d’ouverture « du four », promotions et autres procédés.
Comment les quartiers et ZUP vont-ils gérer ce manque d’argent ? Vont-ils profiter de cette nouvelle loi sur la dépénalisation de l’herbe et rebondir pour créer leur propre structure ? Ou préfèrent-ils rester en dehors du système ? Ce qui les obligerait à trouver une autre activité illégale… Peut-être plus dangereuse que vendre des barrettes à 10€ en bas d’une tour.
La décison du CESE : quand la France va légaliser ? Bientôt : pour l’instant, on dépénalise !
Le CESE pense donc à dépénaliser l’usage récréatif du cannabis. En d’autres termes, les consommateurs festifs ne seraient plus inquiétés par la justice…
Comment cela se passe-t-il dans les autres pays ?
En Allemagne par exemple, il est interdit de fumer des joints (tabac + cannabis). C’est illégal. Au contraire, un joint pur, sans tabac ajouté est considéré comme un médicament et est donc toléré.
En Hollande, c’est pareil. Les témoins disent que les coffees shops proposent de petits pots d’herbe neutre (du chanvre selon toute vraisemblance). L’ajout de tabac est strictement interdit : vous osez ? L’agent de sécurité vous oriente vers la sortie.
Allons-nous nous inspirer de ces modèles qui semblent fonctionner ?
Pour l’heure, en France, il sera bientôt possible d’acheter son cannabis dans des magasins spécialisés. Le CESE préconise des plantations collectives, comme c’est le cas en Espagne. Bientôt, la détention et la culture de cette plante ne seront plus passibles d’amendes ou de poursuites pénales. L’idée de débat « dépassionné » a porté ses fruits. Les citoyens ont enfin pu faire entendre leur opinion, pourtant complètement déraisonnable aux yeux des dirigeants il y a encore quelques années de cela !
Yannick Jadot, cet homme politique orienté « vert » rappelle que ce la France, c’est tout de même 1 million de consommateurs quotidiens et 5 millions d’usagers réguliers. Cela fait 51% de la population en faveur de la légalisation. Dans En vert et contre tous, l’homme confirme les avantages que notre enquête a mis en évidence. Sera-t-il disponible pour une interview ?
Le vice-président du CESE Jean-François Naton, admet d’ailleurs « l’échec cuisant » de la France dans ce domaine bien précis. Nous vous avions promis un article… le voici ! Rebellissime continue de mener l’enquête. Comme vous, on se pose des questions sur ce sujet de société. La rédaction cherche et vous livre les réponses dans de prochains articles !