Il y a en France 284 430 logements propres, répartis dans 500 quartiers écoresponsables. La première inauguration de ces logements propres est donc bien loin, vingt ans en arrière (en 2003). On fait le bilan, 20 ans après. 

Le ministre de l’Environnement saluait l’événement. La ville de Grenoble a d’ailleurs reçu le prix du meilleur écoquartier en 2009.

Mais rapidement, les premiers dysfonctionnements ont vu le jour : 

  • Surconsommation de chauffage (entre 5% et 70% de plus que ce qui était attendu),
  • Surconsommation d’eau…

On en constatera bien d’autres par la suite. 

Quels sont les avantages ? Quels sont les inconvénients ?

On a vu au cours de notre enquête que, certes, l’idée est attractive et séduit bon nombre de Français. Oui, elle pallie l’insuffisance de logements salubres, observée en France depuis plus de 20 ans. Mais on a aussi remarqué qu’après 1 ou 2 ans de vie dans ces logements, les locataires les fuient et les propriétaires revendent. Cela pose question quand on sait 51% de ces 284 430 logements sont gérés par des bailleurs sociaux… 

Pourquoi les occupants préfèrent-ils retourner dans des logements plus anciens, plus chers, parfois moins beaux ? 

Qu’en est-il de la politique de mixité mise en place ? Utopie irréaliste ou ingénieuse idée ?  

En quoi les quartiers écoresponsables consistent-ils ?

Les écoquartiers sortent bien souvent de terre : ce sont des constructions neuves. Il existe aussi des rénovations qui ont acquis ce titre. On en trouve dans la plupart des zones tendues, notamment celles qui donnent accès au dispositif Pinel. Ce dernier offre des avantages fiscaux de plusieurs dizaines de milliers d’euros aux propriétaires qui investissent dans du neuf.

Indéniablement, les quartiers écoresponsables provoquent un fort engouement chez les locataires qui aspirent à la propriété et chez tous ceux qui ont, au fond d’eux, une flamme écolo. 

Pour résumer de quoi il retourne, un quartier écoresponsable consomme peu et fait appel aux énergies renouvelables. Il y a d’autres caractéristiques : 

  • Un bilan carbone neutre ou faible,
  • Des zones sans voitures et tout ce qu’il faut mettre en place ce qu’on appelle une mobilité propre,
  • Une récupération et un traitement écoresponsable des eaux de pluie,
  • Idem pour les déchets,
  • Un soin particulier apporté à l’environnement pour que la biodiversité soit la plus riche possible…

Vous l’aurez compris après avoir vu les chiffres, les écoquartiers poussent comme du chiendent. Strasbourg en a vu naître 7 ces 6 dernières années : c’est la ville championne dans cette catégorie. 

Étude de cas de quartiers écoresponsables : on part en Alsace

L’écoquartier du Bohrie, à Ostwald, en banlieue de Strasbourg, a retenu notre attention. Les appartements sont divisés entre des propriétaires, des locataires du secteur privé et des locataires de logements sociaux. La construction des logements a commencé en 2018 et est encore en cours.

Les conséquences de la mixité sociale prévue par les politiques

Cette mixité sociale résulte d’un choix politique… Plus ou moins pertinent selon les citoyens. En effet, les différences de niveaux de vie se font rapidement sentir. Les différences culturelles sont aussi un frein au vivre-ensemble. Il faut savoir qu’à Strasbourg, quelques secteurs sont en cours d’évacuation pour des raisons d’insalubrité. Certains bâtiments ne sont en effet plus aux normes ou alors, ne collent plus avec la loi qui interdit la location d’un gouffre énergétique (diagnostique F ou G). Cela donne lieu à des relogements. 

Ostwald est une ville assez tranquille, proche de Strasbourg, mais très calme. C’est un des arguments de vente qui a été utilisé pour vendre les logements à leur construction. Or, le quartier s’est paupérisé, à tel point que le BioCoop a été mis en liquidation dans les 20 mois qui ont suivi son ouverture. Les prix étaient trop élevés. 

Ce constat ne plaît pas aux propriétaires. 

Dès le début, les plaintes se multiplient. « Les enfants des locataires de logements sociaux font trop de bruit, ils laissent leurs vélos traîner, leur ballon tape sur les murs en bois des bâtiments… Or, dans le contrat de la copropriété, c’est bien stipulé que… »

Première fracture. Cette mixité qui aurait dû être une richesse se transforme en cauchemar, empreint de procédures et de plaintes en tous genres. 

Le vieillissement et la construction des bâtiments

À leur construction, les bâtiments sont, en toute logique, flambants neufs. On a envie d’y vivre. La vue est idyllique. On fonce. Puis, les années passent. Le bois couleur or des logements sociaux ternit, puisqu’aucun entretien ne leur est apporté. La couleur devient “sale”. On atteint le point culminant le 14 juillet 2022. 

L’incendie qui nous inquiète sur la sécurité des écoquartiers

Un incendie se déclare en milieu d’après-midi. La cause reste, à l’heure qu’il est, inconnue. Les autorités restent discrètes. Aucune version officielle n’est publiée. Nous ne manquerons pas de solliciter la municipalité pour leur demander des réponses. Bilan : trois maisons et un immeuble rasés par les flammes en moins d’un quart d’heure. La vidéo se trouve sur le site de France 3

Les logements n’ont pas l’air d’être reconstruits. L’écoquartier du Bohrie a perdu de sa splendeur. Les départs s’accélèrent.

Soulignons toutefois le comportement exemplaire de l’Eurométropole de Strasbourg, qui a relogé immédiatement les sinistrés et mis l’école du quartier à leur disposition. Aucun mort n’est à déplorer, hormis un chat, porté disparu.  

Pour autant, nous allons voir que l’incendie n’est pas la seule raison de ce flot de départs.

Le propre des quartiers écoresponsables : respecter la biodiversité
Respecter la biodiversité est l’un des fondements des quartiers écoresponsables. Il subsiste quelques points sur lesquels nous nous interrogeons…

Les défauts structurels

En effet, les logements sociaux sont construits avec des matériaux bas de gamme. Par exemple, les coupures de chauffage sont systématiques au début de l’hiver. Les logements descendent à 15°C, car les hivers sont rudes en Alsace. La cause ? Les canalisations sont trop petites et s’embouent. Le temps que des experts soient déployés par l’office HLM et qu’ils trouvent la solution, le mois de février pointe déjà le bout de son nez. Les locataires multiplient les plaintes, mais chaque année, tout recommence. 

Enfin, la structure en elle-même est loin d’être optimale. Les logements ont été construits à la va-vite : les murs en béton sont recouverts d’une fine couche de peinture. Les pièces ne sont pas fonctionnelles. Certaines cuisines font 9 ou 10m², et les salles de bain ne sont pas disposées de manière à ce qu’on puisse placer une machine à laver. Il faut donc la mettre dans la cuisine… de 9 m². Pas top. 

Alors, on se demande : quels sont les avantages de tels logements ? 

Les points forts des quartiers écoresponsables français

Malgré tous leurs défauts, les quartiers écoresponsables présentent différents avantages. Tout d’abord, ils sont neufs. Donc, ils répondent aux normes RT2012 et même, pour les plus récents, à la RE2020. Ces deux lois exigent que le bâtiment soit passif, c’est-à-dire qu’il n’émette pas de C02. Pour cela, les ingénieurs rivalisent d’idées. Les toits de verdure, qui conservent la chaleur et la fraîcheur tout en limitant les déperditions énergétiques, comptent parmi nos favoris. 

En découlent des factures énergétiques vraiment basses par rapport à un bâtiment plus ancien. Un logement de 3 personnes (65 m²) compte une facture de 50€ par mois grand maximum. 

Les logements ne sont pas chers. C’est un autre de leurs avantages. Mais en réalité, c’est surtout une stratégie marketing. Les promoteurs titillent votre fibre écoresponsable, votre envie de faire bien, d’investir dans du propre. Et ça marche. Nous étions sur place le jour de l’incendie. Les témoins échangent au sujet des prix. Ils parlent d’une maison vendue à 150 000€ (Strasbourg est une ville habituellement assez chère). Désespéré, le propriétaire d’une des maisons brûlées réalise que son patrimoine est parti en fumée, en moins de 15 minutes et ce, malgré l’intervention de 30 camions de pompiers. 

Les locataires préfèrent une ambiance plus naturelle, moins conflictuelle. Ils voguent vers d’autres horizons. Donc écoquartier ? Pour ou contre ? Nous dirons pour… Comment s’opposer à la préservation de l’environnement ?

Il y a pourtant quelques progrès à faire ! Tirons leçons de nos erreurs pour faire mieux les prochaines fois…