Selon le bord politique, rendre hommage peut avoir deux significations diamétralement opposées. Et cela se précise en donnant à une esplanade le nom d’un écrivain pro-O.A.S*. Et c’est bien ce que reproche S.O.S Racisme à Louis Aliot et sa majorité à la municipalité de Perpignan
Jeudi 22 septembre, lors de la séance du conseil municipal de la ville de Perpignan, Louis Aliot et sa majorité ont tenu à rendre hommage à Pierre Sergent, en donnant à une esplanade de la ville le nom de celui qui, selon S.O.S Racisme « participa activement au putsch des généraux en Algérie en 1961 et qui mit en place la branche métropolitaine de l’organisation terroriste connue sous le nom d’OAS ».
La réaction d’S.O.S Racisme
Face à cette décision typique des offensives de l’extrême-droite, SOS Racisme a saisi le 25 septembre le préfet des Pyrénées Orientales afin de lui demander d’exercer de façon rigoureuse et diligente le contrôle de légalité auquel la loi l’astreint. « Au regard de la personnalité de Pierre Sergent et du sens donné par les porteurs et défenseurs de cet hommage public à la délibération par laquelle Pierre Sergent se trouve honoré, la décision prise par le conseil municipal nous semble entachée d’illégalité et donc devoir être déférée devant le juge administratif afin que celui-ci en prononce l’annulation » réclame l’association S.O.S Racisme.
Mais qui est Pierre Sergent ?
Résistant, officier français de la Légion étrangère… Il figure également parmi les chefs de l’Organisation de l’armée secrète (O.A.S). Il a notamment créé la branche métropolitaine de l’O.A.S. en juin 1961 dont il a créé la branche métropolitaine en juin 1961. Pour faire court, et un peu réducteur mais concret : un jour il se bat pour libérer son pays, l’autre il se bat pour envahir et coloniser un pays étranger.
Décision d’intérêt public ?
Cette notion, devant ressortir de chaque décision d’une collectivité locale, peut en effet sembler à l’opposé d’une réhabilitation de l’action putschiste et terroriste. Lorsqu’une telle délibération se tient en séance du conseil municipal, on peut s’inquiéter qu’elle ne dissimule une remise en cause de la légitimité des institutions républicaines. Rappelons que le Président Macron affiche une politique mémorielle dénonçant la colonisation « La colonisation est un crime, un crime contre l’humanité et une vraie barbarie » et demandant pardon aux Harkis « victimes de la trahison de l’État français ». Dans un tel contexte, cette délibération peut se comprendre comme un signal envoyé à une partie de l’électorat perpignanais sensible aux thèses de l’Algérie française.
Marlène Schiappa a trouvé l’argument massue contre l’extrême droite 🙃#Quotidien pic.twitter.com/PoedU3D7E5
— Quotidien (@Qofficiel) April 11, 2022
Et en même temps...
Louis Aliot, Maire de Perpignan conviait la presse ce dimanche 25 septembre à « la cérémonie solennelle aux anciens harkis et aux autres membres des formations supplétives qui ont combattu pour la France au cours de la guerre d’Algérie« . C’est le terme « formations supplétives qui ont combattu pour la France » qui peut poser question. Est-ce que la nouvelle majorité de la municipalité y inclut l’O.A.S ? Du coup la stèle en l’honneur des harkis soldats de la France, et le rond-point des harkis à Perpignan, en prennent un coup. L’hommage qui leur avait été ainsi initialement rendu est à l’opposé de cette « cérémonie solennelle ».
Décision politicienne
Cette délibération peut aussi se comprendre comme une stratégie de Louis Aliot dans sa tentative de prendre la présidence du Rassemblement national en se présentant comme celui qui serait le meilleur défenseur des fondamentaux d’un parti d’extrême-droite. Un parti dont il est de bon ton dans une certaine presse et certaines sphères politiques d’oublier que le RN est un parti d’extrême droite. Un parti d’extrême droite reste d’extrême avec tous les relans d’exclusion qui vont avec. S.O.S Racisme tient d’ailleurs à en « rappeler une nouvelle fois l’extrême dangerosité » au préfet des Pyrénées-Orientales.
En mode droitisation ?
Les temps changent, les propos s’édulcorent. En février 2017, le candidat Emmanuel Macron déclarait à la télévision algérienne: «La colonisation est un crime, un crime contre l’humanité et une vraie barbarie. En même temps, il ne faut pas balayer tout ce passé.». Elu président, il demande à Benjamin Stora de rendre un rapport sur la mémoire de la colonisation française et de la guerre d’Algérie. Il y a deux ans, le 20 septembre 2020, Emmanuel Macron demandait officiellement pardon aux harkis, annonçant une prochaine loi « de réparation », lors d’une cérémonie solennelle à l’Élysée.
Les temps changent
Mais le 26 août 2022 le président réélu, Emmanuel Macron répond à des journalistes après une visite du cimetière Saint-Eugène à Alger. Il parle alors d’une « histoire d’amour entre l’Algérie et la France » ! Ce à quoi le chercheur Paul Max Morin aurait bien aimé répondre par une tribune dans Le Monde, le jeudi 1er septembre. Intitulé «Réduire la colonisation en Algérie à une “histoire d’amour” parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle». Mais le texte a été publié et supprimé le même jour. C’est aussi cela la liberté d’expression !
Chacun accomplit son devoir de mémoire de manière totalement antagoniste ! Les gens votent extrême droite mais ne sont pas racistes. On nage en pleine schizophrénie… Ou en pleine mythomanie?
Bref, le combat continue…
O.A.S : l’Organisation Armée Secrète (OAS) est une organisation terroriste clandestine française qui a combattu entre 1961 et 1963 pour le maintien de l’Algérie française.
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Sergent_(militaire)
- https://www.mairie-perpignan.fr/presse
- https://letempsdesruptures.fr/index.php/presentation-de-lequipe-ltr/
- https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-esprit-public/la-politique-memorielle-d-emmanuel-macron-8185283