HOMMAGE AUX SOLDATS MECONNUS VENUS D’AFRIQUE, DU PACIFIQUE ET DES ANTILLES

Le samedi 25 juillet 2020, à l’initiative d ‘Aïssata Seck, conseillère municipale à Bondy, en Seine-Saint-Denis, on a ravivé la flamme du soldat inconnu, sous l’Arc de Triomphe, en hommage aux soldats venus d’Afrique, du Pacifique et des Antilles. 

D’un côté depuis 5 générations, les enfants, d’enfants, d’enfants, d’enfants tous nés en France s’entendent qualifier de « Français issus de l’immigration », de « minorités visibles »,  de « communautés »… De l’autre ces Français revendiquent des « origines », des pays, des cultures qu’ils méconnaissent… Les tensions montent quand certaines voix politiques qualifient la colonisation de bienfaitrice et civilisatrice. Elles montent toujours devant les injustices et les inégalités de traitement, de respect, d’indemnisation de leurs grands-parents ! Nous voilà plantés là, en pleine période charnière. Besoin que l’histoire de France devienne l’histoire de tous les Français. C’est ce à quoi oeuvre toute une génération de femmes et d’hommes engagés dont Aïssata Seck. A ses côtés, des anciens combattants, des associations, des jeunes, des officiels Elisabeth Moreno ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, à la Diversité et l’Egalité des chances, Melissa Youssouf, Conseillère régionale de la région Ile-de-France, Mariam Cisse maire adjointe de Clichy-sous-Bois, Mamadou Lassana Yaffa, maire adjoint Paris 18è, Fouad Ben Ahmed, maire  adjoint de Bobigny, Oumarou Doucouré maire adjoint de la Courneuve sont venus rendre hommage à ceux que l’on appelle les tirailleurs sénégalais. Appellation qui ne regroupe sans les nommer tous les soldats venus d’Afrique, du Pacifique et des Antilles, des anciennes colonies, territoires et départements d’Outre-mer qui se sont battus et sont morts pour la France. Lors de cette cérémonie, Rebellissime a également rencontré et interviewé Hawa Koné maire adjointe au Pré-saint-Gervais, Luc di Gallo, maire adjoint de Montreuil-sous-Bois, Mama Doucouré, Conseillère municipale déléguée au droit des femmes, à la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les discriminations à Montreuil-sous-Bois, Dominique Sopo président d’SOS Racisme et Claudy Siar, journaliste , producteur, entrepreneur, fondateur de Tropiques FM, vice-président du CREFOM (Conseil représentatif des Français d’outre-mer). On en parle !

 

Ils répondent à nos questions…

 


 


Génération engagée

A Bondy, Aïssata Seck est Conseillère municipale à Bondy. Elle est aussi présidente de Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais, cheffe de projet à la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage. Petite fille d’ancien combattant, elle poursuit son combat de pour la reconnaissance de ces soldats oubliés, maltraités parfois même par la République pour laquelle ils se sont battus. Aïssata Seck est également à l’initiative de la naturalisation des tirailleurs sénégalais en 2017 par le président de la République François Hollande. Elle a dernièrement adressé une pétition à François Barouin, président de l’Association des maires de France, Anne Hidalgo, maire de Paris, Michèle Rubirola, maire de Marseille, Grégory Doucet, maire de Lyon, Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et Christian Estrosi, maire de Nice pour nommer des rues, des places, des frontons d’écoles en hommage aux héros oubliés des colonies. On aimerait également voir apparaître leurs noms sur les amphithéâtres de nos facultés par exemple…

C’est hautement important et participe à la construction mentale des jeunes. Se dire que leurs ancêtres comptent et ont écrit l’histoire du pays où ils sont nés. C’est important pour que tous les Français vivent ensemble.

Hawa Koné maire adjointe au Pré-saint-Gervais, Fouad Ben Ahmed, maire adjoint de Bobigny, Melissa Youssouf, Conseillère régionale de la région Ile-de-France, Aïssata Seck conseillère municipale à Bondy, Mamadou Lassana Yaffa maire adjoint Paris 18è
Hawa Koné maire adjointe au Pré-saint-Gervais, Fouad Ben Ahmed, maire adjoint de Bobigny, Melissa Youssouf, Conseillère régionale de la région Ile-de-France, Aïssata Seck conseillère municipale à Bondy, Mamadou Lassana Yaffa maire adjoint Paris 18è
Elisabeth Moreno ministre déléguée à l'Egalité femmes-hommes, à la Diversité et l'Egalité des chances
Elisabeth Moreno ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, à la Diversité et l’Egalité des chances

Yoro Diao, 92 ans ancien combattant s’est engagé volontairement à 18 ans dans l’armée française. Mama Doucouré, Conseillère municipale à Montreuil-sous-Bois, déléguée au droit des femmes, à la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les discriminations

 

 

 

Période charnière

Depuis l’assassinat de George Floyd, celui qui disait à ses enfants qu’il voulait changer le monde, une prise de conscience sans précédent aboutit à une mobilisation et des actes concrets contre le racisme et les discriminations. A travers le monde, la police s’agenouille, en signe de rejet des actes racistes et discriminatoire, les statues des hommes et femmes, grands noms de la traitre négrière, de l’esclavage, de la colonisation sont déboulonnées. Black lives matter, les vies noires comptent et ceux pour qui elles ne comptaient pas ou ne comptent pas sont dénoncés, sur des plaques commémoratives explicatives. C’est ainsi le cas à Bordeaux, qui comme Nantes fait partie des villes qui se sont fortement enrichies et construites grâce à l’argent du commerce d’esclaves entre le 17è et le 19è siècle. A Bordeaux, donc des plaques mémorielles sont vissées depuis juin dernier sous les noms de rue de Jean-Baptiste Mareilhac , de la famille Feger-Latour de Pierre Desse, David Gradis, Jacques-Barthélémy Gramont pour expliquer qui ils étaient et leur rôle dans la traite d’esclaves. A Nantes, premier port négrier de France au 18e siècle, on peut visiter depuis 2012, le Mémorial de l’abolition de l’esclavage.

A Bristol en Angleterre, on se souvient des images de manifestants antiracistes jetant à terre la statue du négrier Edward Colston le 7 juin dernier. En France une campagne est en cours pour retirer la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale à Paris. Colbert, ministre de Louis XIV a rédigé le Code Noir,  qui rend l’esclavage légal et fait des esclaves, dans son article 44, « des êtres meubles » qui peuvent donc être achetés ou vendus. Cela fait d’ailleurs un moment que Colbert est dans le collimateur. Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage et ancien Premier ministre demande que les salles Colbert de l’Assemblée nationale et du ministère de l’Economie soient rebaptisées… Sans parler des lycées et autres lieux publics, qui comme les rues font partie de notre quotidien et nous amènent à glorifier, à l’insu de notre plein gré, des personnes dont les actes apparaissent aujourd’hui comme des tâches dans l’histoire de France. Ce qui faisait dans le passé la gloire du pays, fait aujourd’hui sa honte. Et le reconnaître est une des étapes nécessaire à sa grandeur. Parce que chacun a le droit de savoir et que pour ne pas reproduire des erreurs il faut commencer par les reconnaître. C’est peut-être ce qui explique les tensions et les divisions qui se créent en France, aujourd’hui entre les citoyens qui ne se sentent pas vraiment tous libres, égaux et frères.

Sokona Niakhaté, conseillère départementale, adjointe au maire de Fontenay-sous-Bois déléguée à la jeunesse
Sokona Niakhaté, conseillère départementale, adjointe au maire de Fontenay-sous-Bois déléguée à la jeunesse

 

Soldat inconnu, combattants méconnus

Lors de cette cérémonie du 25 juillet 2020, en ravivant la flamme du soldat inconnu, Aïssata Seck nous invite à nous interroger. Pourquoi cet hommage est-il si nécessaire ? En creusant un peu on s’aperçoit que la vie de ceux qui se sont battus pour la France n’a pas la même valeur en fonction de la couleur de peau et du pays d’origine. On découvre des parts sombres de l’histoire. Des tirailleurs survivants, qui attendent dans des camps, après la Libération, pour être rapatriés. Quand en novembre 1944, plus d’un milliers d’entre eux, de retour au Sénégal manifeste à Thiaroye, près de Dakar, pour demander le paiement de leurs indemnités, ils se font tirer dessus par les gendarmes français. Le bilan officiel fait état de 35 morts. On se rappelle qu’il a fallu le film Indigènes de Jamel Debbouze pour émouvoir en 2006 le président Jacques Chirac et que les pensions de 80 000 vétérans, âgés de plus de 65 ans, dans 23 pays soient revalorisées. Revalorisées parce qu’elles équivalaient en moyenne à un tiers de celles perçues par les vétérans résidants en France. Parmi les anciens combattants concernés, 40 000 vivaient en Algérie et au Maroc,15 000 au Sénégal, au Mali et au Tchad. On s’aperçoit également que les manuels d’histoire se mettent très lentement à la page concernant l’histoire coloniale et esclavagiste de la France. Et on s’impatiente que les enfants puissent enfin apprendre l’histoire de Toussaint Louverture, de la Mulâtresse Solitude, des grands noms des combattants contre l’esclavage. Dans les quizz à la télé, on aimerait bien aussi que l’on demande qui étaient Jeanne et Paulette Nardal (mouvement Negritude martiniquais), ou encore Severiano de Hérédia 1er et seul maire noir de Paris en 1879… Culture générale  et symbolique obligent. Sei Koné, d’Addi Bâ, Mohamed Bel Hadj, Valentin Béhélo, Philippe Bernardino, ces soldats venus d’Afrique, du Pacifique ou des Antilles pour que la France soit cette nation libre, dont nous aimerions être fiers tous ensemble. La réalité est bien une France plurielle dans son passé, son présent et son futur. Un futur qui ne peut plus s’envisager sereinement en ignorant toutes les facettes du passé.

Mariam Cisse maire adjointe de Clichy-sous-Bois, déléguée au Logement et habitat durable, hygiène et salubrité.
Mariam Cisse maire adjointe de Clichy-sous-Bois, déléguée au Logement et habitat durable, hygiène et salubrité.
Miss Mali et sa 1ère Dauphine
Miss Mali et sa 1ère Dauphine

 

Les temps changent

Le 15 août 2019, à l’occasion du 75ème anniversaire du Débarquement de Provence, Aïssata Seck questionnait le président Emmanuel Macron sur ce qu’il comptait faire pour rendre hommage aux soldats venus d’Afrique, du Pacifique et des Antilles. Le président demande alors à toutes les communes de France de nommer des rues en hommage à ces héros. François Barouin, président de l’association des maires de France a signé en novembre 2019 une convention afin de soutenir les communes qui désirent rendre hommage à ces combattants. Il y a 36 000 communes en  France, et autant de belles actions à venir, espérons-le. Nous attendons de voir les résultats du plan d’action mis en oeuvre. Depuis fin juin dernier, 100 noms sont à disposition des maires grâce à un livret du ministère des Armées.

On aimerait que ces noms ne soient plus écorchés ou mal orthographiés parce que méconnus alors qu’ils sont les patronymes de citoyens français. On aimerait ne plus s’entendre taxer de communautaire quand il est question que toutes les composantes de la France s’y sentent représentées et égales. Et pour cela, comme le rappelle Aïssata Seck  « L’important, c’est qu’un travail de mémoire soit fait ».  Les communes, les associations y travaillent chaque jour pour que les choses avancent en informant, en rendant visible. Dans les manifestations, c’est une France plurielle que l’on voit mobilisée, la preuve que les temps changent. Lentement mais sûrement. Lentement quand on s’aperçoit qu’en 2020, en France, on se félicite de voir que Karim Bouamrane, Abdelaziz Hamida, Azzédine Taibi, Abdel Sadi, Nessrine Menhaouara, Ali Rabeh, Metin Yavuz, Mohamed Lamine Gnabaly, soient élus comme maires. On est fiers mais encore surpris de voir des maires français « d’origines étrangères », des origines qui remontent souvent à plusieurs générations. Les partis ne craignent plus de perdre les élections avec en tête de liste un candidat au nom à consonance étrangère. Certains vont même le leur reprocher. Il faut bien en passer par-là pour que les temps et les mentalités évoluent et changent.

 

Virginie Legourd

Le 17 août 2020