Assurer après un burn-out

Après avoir mis un mot sur ce qui est en passe de devenir le mal professionnel du siècle… Après avoir appris à le détecter… Après s’être sauvé des environnements, des organisations et des hiérarchies toxiques… Comment survivre, après ? 

Les auteures du livre Comment assurer après un burn-out se penchent sur la question et apportent  des réponses et des solutions concrètes au quotidien. Catherine Borie,  est naturopathe, consultante et formatrice spécialisée en gestion du stress et Burn-Out.  Karine di Fusco est consultante, conférencière, coach, dans le domaine des neurosciences appliquées à l’apprentissage. Elles fondent leur ouvrage sur le fonctionnement naturel du corps et du cerveau, pour vous conduire de  façon claire et résolument pratico-pratique vers ce qu’il est essentiel de faire maintenant  : adopter le style de vie qui vous permettra de vous reconstruire, retrouver la forme et assurer en prenant soin de vous. C’es un véritable guide qui se commence par la page qui vous semble répondre le mieux à vos problématique. Il se lit dans le sens qui vous fait du bien.

Catherine Borie et Karine di Fusco répondent à l’interview Rebellissime. 

Catherine Borie, naturopathe, consultante et formatrice spécialisée en gestion du stress et Burn-Out
Catherine Borie, naturopathe, consultante et formatrice spécialisée en gestion du stress et Burn-Out
Karine di Fusco est consultante, conférencière, coach
Karine di Fusco est consultante, conférencière, coach

 

Rebellissime : Tout comme on ne sait pas vraiment que l’on fait un burn-out, comment savoir que l’on est dans l’après ? 

Catherine et Karine : « Les histoires et les expériences sont individuelles bien sûr… On sait qu’on est dans l’après quand les envies reviennent : l’envie de faire des choses, d’avoir à nouveau des projets, de retravailler aussi. L’envie est là, l’énergie et la concentration reviennent progressivement. Une vie « normale » redevient possible même si elle ne sera sans doute jamais comme avant… Et c’est une bonne nouvelle ! Cela signifie que l’on prend de nouvelles habitudes de vie, notamment celles prises pendant la période burn-out : se reposer quand on est fatigué, s’alimenter autrement, bouger (ne serait-ce que marcher), s’accorder des bulles méditatives, prendre le temps pour soi et surtout prendre soin de soi. Basé sur le fonctionnement naturel du corps et du cerveau, c’est le moyen optimal pour ne pas rechuter et subir un autre burn-out ».

Rebellissime : Ce livre peut-il  également intéresser des personne qui sortent du médecin avec le diagnostic du burn out, ou est-ce trop tôt ?

Catherine et Karine : « La première chose à faire lorsque vous recevez le diagnostic de votre médecin, c’est de dormir et de ne rien faire d’autre que de prendre soin de vous.  Selon l’intensité du burn-out, un livre ne sert à rien puisqu’il vous sera peut-être impossible de le lire. C’est donc trop tôt si vous êtes dans ce cas. 

Toutefois, vous pouvez vous le procurer comme une béquille et piocher des informations qui peuvent déjà vous faire du bien : les huiles essentielles par exemples ou les auto massages sont des moyens de prendre soin de vous sans puisez dans vos précieuses réserves. Le reste viendra avec le temps, lorsque vous aurez rechargé un peu vos batteries ». 

Rebellissime : Est-ce que les personnes ayant fait un burn-out sont plus sensibles et susceptibles d’en refaire ? Pourquoi ?

Catherine et Karine : « Les personnes qui ont fait un burn-out et qui ne changent rien à l’issue de cette expérience douloureuse sont plus susceptibles d’en refaire un en effet. L’arrêt de travail seul ne suffit pas : il est important de prendre conscience de ce qui vous a abimé et de changer la recette. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. 

De plus, la résistance au stress est moindre et la fatigabilité est plus importante après un burn-out. Reprendre le travail au même rythme et dans les mêmes conditions peut conduire à un second burn-out, plus rapide et sans doute plus fort. 

Notre livre invite au changement : s’appuyer sur cette expérience douloureuse qu’est le burn-out pour inventer une nouvelle manière de travailler et de vivre. Nous avons l’habitude de souhaiter aux personnes que nous accompagnons (en atelier, en conférence ou en coaching) que la période de post burn-out dure toute la vie : pas ses effets (difficulté de concentration, fatigue, mémoire défaillante, énergie fragile…) mais les mesures prises (les petits changements de vie au quotidien qui feront une énorme différence sur le long terme). Nous invitons ainsi nos clients à une sorte de vigilance permanente pour jauger leurs besoins (en sommeil, en pauses, en objectifs adaptés…) et pour adopter des habitudes de vie qui vont devenir des automatismes (manière de découper le travail à faire, marcher, se reposer…). »

Rebellissime : Pourquoi est-ce important de prendre soin de son corps et de son alimentation? 

Catherine et Karine : Notre corps est notre véhicule. Ainsi, c’est en prenant soin de lui que nous pouvons agir. Le mental seul ne suffit pas. 

Dans le burn-out, c’est le corps qui lâche à force de suivre un mental tyrannique. C’est donc du corps (ceveau compris !) dont il faut prendre soin pour pouvoir retrouver l’énergie pour faire de nouveau tout ce qui vous tient à coeur. 

Nos propositions sont basées sur notre fonctionnement naturel : que ce soit celui de notre corps de mammifère et notre cerveau. Une alimentation de qualité, l’activité physique, la respiration, le sommeil font partie de ces habitudes indispensables pour retrouver ses capacités et les maintenir dans la durée. La compréhension des mécanismes attentionnels, l’utilisation des moteurs mnésiques, la maîtrsie des biais cognitifs… sont des clés précieuses pour faire de notre processus cognitif et émotionnel un atout pour une santé durable et une meilleure efficacité (à bas coût).

Nous utilisons souvent la métaphore de l’agriculture intensive pour parler du burn-out : en agriculture intensive, on puise dans les resources de la terre, le but étant de sur-produire coûte que coûte. Au bout d’un certain temps, la terre se vide de sa substance. Il n’y a plus de micro-organismes, la terre est appauvrie. 

Pour lui redonner vie, on la met en jachère pour passer à un mode de production plus durable. On va ainsi en prendre soin : respecter les rythmes, la nourrir… elle produira peut-être moins mais de manière plus raisonnée durable… comme vous ! »

Rebellissime : Catherine Borie, vous avez totalement changé de domaine après votre burn out, pourquoi ? Et pourquoi est-ce souvent le cas ? 

Catherine : « Pour ma part, j’ai changé de domaine d’activité car je ne supportais plus de travailler dans l’urgence et tard le soir. J’ai besoin de temps pour faire mon meilleur travail. Travailler dans l’urgence m’a épuisé. Je tiens à dire que le changement n’est pas arrivé tout de suite. J’ai repris mon poste pendant un an, ce qui m’a permis de valider qu’en effet, je ne pouvais ni ne souhaitais continuer dans cette voie, même si j’aimais de nombreux aspects de mon métier et que mon poste avait été aménagé.  

Il est fréquent que les personnes qui passent le burn-out changent de métier parce qu’il peut y avoir une rupture de valeurs : le pourquoi et le comment je dois faire ce métier ne conviennent plus… souvent depuis longtemps avant le burn-out ».  

Rebellissime :  Karine di Fusco, selon vous pourquoi est-ce encore un sujet tabou, du moins dérangeant ? 

Karine : « Le burn-out, malgré la connaissance de plus en plus accrue que l’on peut avoir sur le sujet, reste très souvent connoté comme un aveu de faiblesse : un jour, on n’a pas réussi à se lever de son lit par exemple parce que le corps ne répondait plus. Le burn-out touche cependant les actifs les plus engagés, les plus passionnés et les plus consciencieux. Cette exigence au travail est due à un environnement délétère (pression des clients, surcharge de travail, délais extrémement courts…) et/ou à une injonction de soi à soi (être parfait, ne pas décevoir, être toujours disponible…). Cette conjonction de facteurs amène irrémédiablement à un épuisement professionnel. Pourquoi un tel choc lorsqu’il se manifeste ? Très souvent parce qu’on a tenu la distance (des mois, voire des années) : on a cette illusion que “si on veut, on peut”. Et le corps qui nous fait comprendre avec violence que le point limite est atteint est vécu comme un échec. Je dis souvent à mes clients “plus vous en avez sous le pied et plus l’atteinte de ce point limite va être violente” : un burn-out n’est pas “ne pas avoir de ressources” et se sentir coupable de cette situation, c’est avoir épuisé ses ressources (très souvent très importantes) et être alerté par un signal fort que notre survie physique et mentale est en danger.

Si on parle de plus en plus de burn-out salarial, le sujet tabou pour moi reste le burn-out des entrepreneurs. Parce que nous sommes seuls maîtres à bord ! Et la culpabilité dont je parlais plus haut est d’autant plus prégnante : on s’est mis tout seul dans cette situation… non ? On peut ainsi entendre : “tu peux faire ce que tu veux, c’est ta boîte”… On se sent d’autant plus responsable de ce qui arrive. J’ai “explosé en vol” après quelques années lorsque j’ai monté mon premier cabinet et je pense qu’il est important de parler de ce sujet : c’est notamment la raison pour laquelle j’ai témoigné de mon expérience. Si elle peut éclairer le chemin d’une seule personne, témoigner est important. Notamment aujourd’hui où nombre de salariés ayant souffert d’un burn-out dans leur entreprise décident de se reconvertir en… entrepreneurs ».

 Rebellissime : Quel sont vos conseils pour éviter le burn out ? 

Catherine et Karine : « Prendre soin de soi : ça peut paraître évident et pourtant… Il y a une sorte d’aberration dans le mode de fonctionnement actuel : nous devons être efficaces et productifs de manière linéaire tout au long de la journée, du moment où nous nous levons le matin jusqu’à celui où nous nous couchons le soir.  Ce mode de fonctionnement n’est pas celui des humains… mais des machines ! Nous avons oublié cette condition de mammifères : nous sommes régis par des rythmes biologiques, nous avons plusieurs pics d’efficacité et des moment où nous avons besoin de repos, nous avons besoin de bouger, de nous nourrir, de respirer, de nous distraire… Les personnes qui risquent le burn-out oublient cela : comme prises dans un train à grande vitesse, l’important pour elles est de produire et de faire. Elles passent après jusqu’à ce que le corps les rappelle à l’ordre souvent violemment ».

Question Rebellissime : Notre magazine s’appelle Rebellissime, qui sont vos rebelles préférés et pourquoi ? 

Catherine : Les chats de manière générale, le mien en particulier… parce que quoi qu’il arrive,  il écoute ses besoins… Le chat vit dans l’instant… si c’est pas être rebelle ça ?! »

Karine : « Rebelle, l’héroine du dessin animé ! Parce qu’elle est la seule fille au monde à ne pas vouloir devenir princesse ! Elle fonde son existence sur ce dont elle a envie et pas sur ce que l’on attend d’elle. Il faut beaucoup de maturité et de prise de distance par rapport aux attentes (familiales, sociales…) pour faire grandir son rêve en un projet de vie. Je préfère voir ce mot « rebelle » comme une incarnation d’agir « différemment » plutôt que d’agir « contre ». Et je choisis aussi Rebelle pour… ses cheveux ! Qui incarnent à eux seuls la liberté que porte tout désir de « faire différemment » ». 

Assurer après un burn-out

Auteures : Catherine Borie et Karine di Fusco

Editions  : Intéreditions

Parution : septembre 2019

288 pages

18 € environ

Existe en version eBook.

 

 

Virginie Legourd

Le 9 janvier 2020