France/Islam : La « charte des principes », à peine signée, déjà contestée

Dimanche 17 janvier au soir, après six semaines de négociations et trois semaines de crise ouverte, les neuf fédérations composant le Conseil français du culte musulman (CFCM) se sont mises d’accord sur le texte d’une « charte des principes ». Elle vient d’être adoptée et voilà déjà qu’elle rassemble autant qu’elle divise.

Comment va t-elle être mise en place ? Les questions de l’application de cette charte inédite rejetant « l’islam politique » et « les ingérences étrangères » se multiplient. Le texte adopté dimanche « réaffirme le principe d’égale dignité humaine dont découle l’égalité femme-homme, la liberté de conscience et de religion, l’attachement à la raison et au libre-arbitre, le rejet de toutes les formes de discrimination et de la haine de l’autre ».

Le projet semble plaire à Emmanuel Macron puisqu’il la considère comme « un engagement net, clair et précis en faveur de la République. » Il rencontrait hier de nombreux responsables du Conseil français du culte musulman. Le projet de cette charte inédite avait été demandé à la mi-novembre par le président de la République aux dirigeants du CFCM. Depuis, le chef de l’Etat a multiplié ses discours contre le séparatisme et l’islam radical, d’autant plus depuis l’assassinat de Samuel Paty et l’attentat de Nice.

Si l’on revient un peu en arrière, le 18 novembre 2020, Emmanuel Macron pressait déjà les représentants du CFCM en leur demandant de trouver un accord. Le 15 décembre, Mohammed Moussaoui, le président du CFCM, pensait avoir abouti à un texte de consensus le 15 décembre. Mais, le 28 décembre, Chems-eddine Hafiz, le recteur de la Grande Mosquée de Paris, avait quitté les négociations en accusant d’avoir été circonvenus par « la composante islamiste » du CFCM. C’est début janvier que Gérard Darmanin avait relancé le sujet avec les principaux concernés. Son but ? Accélérer la cadence et trouver un accord. La définition de l’islam politique, la référence à l’apostasie et les marqueurs de l’égalité femme-homme faisaient entrave au projet. Finalement, les trois problèmes ont été résolus en un week-end.

Cependant, cette charte est loin de convaincre tout le monde. D’après l’essayiste Hakim El Karoui, auteur de L’islam, une religion française (Gallimard), c’est « une déclaration d’intention très louable » qui est cependant remise en question par ce que l’on pourrait appeler « le paradoxe » du CFCM. Un comité composé de « cinq fédérations financées par des pays étrangers » et de « trois fédérations islamistes ». Pour faire simple, une charte adoptée par des personnes qui ont des intérêts en contradiction avec le texte. « Les fédérations sont juges et parties, alors qu’il faudrait un collège indépendant chargé de vérifier »  résume Hakim El Karoui.

À ce jour, trois instances n’ont pas encore signé la charte. Parmi elles, l’association Foi et Pratique (inscrite dans le courant ultrarigoriste du Tabligh) a souhaité consulter leurs instances expliquait Mohammed Moussaoui, président du CFCM. Ibrahim Alci, président du Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) et également vice-président du CFCM, a indiqué avoir demandé des modifications. Il ajoutait que « dès que cela sera possible, on signera. »

Des problèmes qui risquent de refaire surface d’après Franck Frégosi. Ce Directeur de recherche au CNRS au sein du laboratoire Groupe Société Religion et Laïcité (GSRL), Franck Frégosi et également enseignant à Sciences-Po Aix s’est exprimé au micro de France24 : « L’idée que les principaux acteurs de l’islam de France puissent se doter d’un texte fédérateur ne choque personne. Ce qui interpelle, ce sont les modalités dans lesquelles ça s’est réalisé, car il est clair que c’est suite à une injonction du chef de l’État, dans le courant du mois de novembre, lorsqu’il a exigé d’avoir un conseil sur les imams. Ensuite est née cette idée de créer une charte qui serait opposable aux imams prêchant en France et relevant de l’obédience du CFCM. » Une charte qui semble donc être pondue d’en haut et à destination du bas.

 

Présentation de la Charte

 

Eléna El Meliani

Le 19 janvier 2021