Kery James, figure emblématique du Rap conscient français, répond présent à l’appel de la Dictée pour tous,
lancé par Steevy Gustave élu DVG de Brétigny-sur-Orge.
Vendredi 13 avril, et la chance sourit à la 129è Dictée pour tous accueillie au collège Paul Eluard de Brétigny-sur-Orge (Essonne). 600 participants, de la primaire à la maison de retraite, célèbrent bien plus que l’orthographe: hommage à Martin Luther King, échange et partage entre les générations.
Certes, une dictée, surtout quand elle dure 45 minutes, ça peut faire peur. Mais comme nous le dit le directeur du collège Paul Eluard, Eric Dogo, « Je ne leur ai pas laissé le choix! », Il inscrit d’office les élèves de son collège. Il n’hésite surtout pas quand Steevy Gustave, élu de l’opposition (DVG) à Brétigny-sur-Orge, et les associations Rien de spécial et Force des mixité lui présentent le projet. Une Dictée pour tous qui réunit les générations, les quartiers, sur la thématique de la fraternité et de l’engagement de Martin Luther King, oui ! Les inscriptions explosent et des lycéens, des adultes et des seniors viennent gonfler les rangs des participants. Des personnalités médiatiques, la comédienne Firmine Richard, le chanteur Hugues Aufray, le rappeur et poète Kery James, l’animatrice et chroniqueuse Juliette Fievet, l’animateur radio Fred Musa, le président de l’association SOS Racisme Dominique Sopo, et de nombreux politiques de la région répondent présents à l’appel de la dictée.
Carton plein
A en croire la foule rassemblée dans la cour du collège, la phobie de la dictée et du tableau noir, ça se soigne ! « Le but de cette dictée est de rassembler les gens. Nous avons une centaine de CM1/CM2, 300 collégiens, une soixantaine de lycéens, des adultes et des seniors. Ils sont répartis en 4 catégories : Martin (collégiens), Luther (lycéens), King (seniors), Junior (primaires), dans 20 salles, dans la cour et la dictée sera lu par 30 lecteurs. Le but est de rappeler aux gens des souvenirs d’enfance en faisant cette dictée . Pour certains, comme moi, ce n’est pas forcément un bon souvenir. Mais cette dictée pour tous est l’occasion d’effacer ses mauvais souvenirs! D’ailleurs, personne ne sera noté. Les premiers recevront des prix. L’objectif est que la grand-mère retourne sur les bancs de l’école aux côtés de son petit-fils » explique Steevy Gustave. Effectivement, ce sont bien des familles entières que nous croisons ce vendredi au collège. Ce sont les personnalités (politiques et médiatiques) ainsi que des figures locales qui endossent le rôle de professeur et dictent le texte. « En passant de l’autre côté, j’ai lu, j’ai dit « point, virgule », j’ai répété et fait les liaisons. Pour moi, pour qui la dictée n’était pas forcément un bon souvenir, je me suis mise à la place du professeur, j’ai ressenti toute la tension et la concentration des élèves » raconte Juliette Fievet. Toutes les générations se sont entraînées pour l’occasion. « J’ai révisé avec ma mère, qui participe aussi. Nous avons lu beaucoup de textes, j’ai bien aimé faire la dictée à ma mère et mon père et corriger leurs fautes » nous confie un des élèves de CM1 participant à la Dictée pour tous. Côté Senior, la pression est également palpable. « Cela fait plaisir mais aussi un peu peur de se retrouver devant un tableau, dans une salle de classe ! Mais je suis heureuse de relever ce défi et de voir autant de jeunesse. A l’école, je n’étais pas trop mauvaise, on verra si j’ai de beau restes !» plaisante une des résidente de l’Ehpad des Jardins du Lac.
Entre les adeptes du texto et ceux qui préfèrent faire les bisous en vrai, la compétition est rude on dirait ! Dans chacune des catégorie, 3 gagnants et même un sans faute se sont partagé les nombreux et sympathiques prix offerts par les partenaires. Avant de lancer le top départ, Lionel Tarlet, directeur académique des services de l’Éducation nationale de l’Essonne. « Vous devez remercier vos enseignants parce que la langue française, lorsqu’on la maîtrise… permet d’échanger, de dire ce que l’on pense, de dire que l’on n’est pas d’accord sans en venir aux poings, ou bien de s’évader avec ses mots, par la lecture, lorsque tout va mal». Lors de la remise des prix, Firmine Richard encourage les élèves « Il faut bien travailler à l’école, les enfants ! C’est une chance que vous avez. » et Juliette Fievet de souligner « Je ne sais pas s’il y en a beaucoup parmi vous qui aiment ou font du rap, mais ne croyez pas que les rappeurs que vous entendez à la radio sont arrivés là sans effort. Ils lisent beaucoup, travaillent leurs textes, suivent l’actualité… ». Les gagnants viennent chercher leurs cadeaux sous les applaudissements, la foule clame leur prénom, l’ambiance est joyeuse et conviviale, les sourires et rires s’affichent sur les visages. Les enfants de la primaire au lycée sont là, alors que c’est les vacances… La Dictée pour tous de Brétigny-sur-Orge est une réussite !
Un vrai sans faute
La conjugaison, les mots compliqués, les règles de grammaire… les connaissances en français de tous les participants sont mis à rude épreuve avec le texte de Line Cros. L’idée de réunir toutes les générations autour d’un texte séduit. Il faut dire que la thématique choisit a du sens : fraternité et engagement de Martin Luther King. Il n’est pas question uniquement d’orthographe mais de partage, d’échange et de rencontre entre les générations, les habitants. Le rappeur Kery James s’inscrit ainsi dans le projet en prenant le temps de se poser dans une classe de 3è et de répondre aux questions des collégiens de Paul Elaurd et Pablo Neruda. Il insiste sur l’importance de maîtriser le français. « C’est une arme…Dans la vie, vous serez jugés sur deux choses : votre apparence et votre manière de vous exprimer. Les gens qui envoient des textos demandant si « sa va? », par exemple, ce n’est pas possible. » Le ton est donné.
Dans son ensemble, cette après-midi reste pour chacun un bel hommage au célèbre militant, assassiné il y a 50 ans dans sa lutte pour les droits civiques des Noirs américains. Que d’émotions quand Hugues Aufray prend la parole et témoigne sur le combat de Martin Luther King. Il nous raconte également le souvenir de sa rencontre avec l’homme qu’il considère comme « l’un des personnage les plus important de notre histoire ». On ressent beaucoup d’émotion lorsqu’il évoque l’instant où il lui serre la main. « accepter l’invitation de Steevy Gustave pour rendre hommage à Martin Luther King est pour moi une évidence. Le 29 mars 1966, je chantais pour lui, à l’occasion du premier concert français en faveur de la lutte contre le racisme » devant nous, le chanteur de 88 ans qui ne les fait pas du tout, est un véritable pionnier de la cause. Ça file des frissons et c’est l’occasion pour les parents et grands-parents d’échanger sur le sujet avec leurs enfants et petits enfants « oui, chéri, dans ce temps, la ségrégation était une réalité politique aux Etats-Unis, le pays même qui a eu pour président Barack Obama. Et oui, le racisme battait son plein en France ». D’ailleurs Hugues Aufray le souligne « Malgré la présence d’Harry Belafonte, nous n’avions pas réussi à remplir le Palais des sports ». En 1966, c’est sa chanson Les crayons de couleur qui lui vaut d’être ainsi présenté à Martin Luther King, parce que c’est une chanson engagée contre le racisme. Cette chanson, les élèves l’ont apprise en 2018, reprise et chantée avec Hugues Aufray et toutes les personnes réunies dans la cour du collège Paul Eluard, pour cette 129è Dictée pour tous. Elle suscite encore beaucoup d’émotion, parce que le racisme, la peur et la haine de l’autre, souvent faute de connaissance, de rencontre, sont aujourd’hui encore trop présentes et trop politisées dans notre société. Le combat continue… Selon son coorganisateur, rendez-vous est pris pour l’année prochaine. On ne change pas une équipe qui gagne.
Une belle leçon
Alors que de nombreux discours cherchent plus à diviser qu’à rassembler, le choix de réunir tout le monde autour d’une dictée, dans l’enceinte d’un collège, n’est pas anodin. N’est-ce pas Steevy ? « L’école de la république est celle où il doit y avoir le moins de discriminations. C’est un lieu où les gens apprennent à vivre ensemble, à s’aimer, malgré eux. Enfant, on y apprend à partager, on y est parfois obligé. Mais c’est quand on devient adulte que c’est plus compliqué. L’école de la République donne les mêmes chances à tout le monde. Et ce qui symbolise le plus l’école, c’est la dictée ! Nous vivons aussi une époque où les gens ne lisent plus, n’écrivent plus. A l’heure où l’on communique par SMS, avec nos téléphones qui corrigent même nos fautes, c’est important de revenir à des valeurs d’antan et de retrouver dans les textes et l’écriture de beaux mots et de beaux messages. Nelson Mandela disait « L’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde ». Sur la fresque que les graffeurs ont réalisé cette après-midi, on peut voir Martin Luther King, Simone Weil, « I face a dream » et une belle phrase sur l’éducation. « Le seul devoir, c’est d’enseigner et de transmettre ». Merci au directeur de laisser entrer dans son collège le graffiti et de lui rendre ses lettres de noblesse.
A en croire les sourires et l’enthousiasme qui se lisent sur tous les visages, ce genre d’initiative séduit et rassemble. « Ce projet fraternel est l’occasion de se retrouver autour de valeurs comme la fraternité, le vivre ensemble… Alors que les gens sont de plus en plus individualistes, craignent pour le lendemain, ils sont aussi demandeurs, et malheureusement peu d’initiatives sont mises en oeuvre pour rassembler les gens. Et pourtant, beaucoup d’habitants de Brétigny se sont inscrits pour la dictée. Ils sont issus de différents quartiers et ne se connaissent pas forcément. Les gens sont demandeurs. La preuve, en s’inscrivant, beaucoup se sont spontanément proposer pour aider. Quand il est question de mixité et de fraternité, tout le monde est réceptif. Ce qui manque c’est l’initiative, le déclic. Le gens ont envie de partager, de se rencontrer, même si ce n’est pas toujours ce que l’on voit en allumant sa télé ! Mais dans la réalité, on peut le constater avec les maraudes, l’aide aux migrants, les grèves et le co-voiturage. La solidarité existe. Il faut créer ce genre évènement pour faire ressortir le meilleur de chacun d’entre nous ! » explique Steevy. Et c’est exactement ce que nous avons vécu à l’occasion de cette 129è dictée pour tous, un vendredi 13. Quel chance !
Un grand merci à tous les partenaires et ceux qui ont permis à la dictée pour tous de devenir cette belle réalité:
– l’association Force des mixités et son président Abdellah Boudour,
Le collège Paul Eluard et son directeur Eric Dogo
L’association Rien de spécial (Brétigny-sur-Orge) et son membre d’honneur Steevy Gustave
Toutes les personnalités qui réponde présent à l’appel de la dictée !
Les bénévoles ainsi que le personnel du collège qui ont assuré l’accueil, l’installation, le ravitaillement, le rangement… et la bonne humeur.
Un grand merci pour son accueil et sa bienveillance à l’infirmière du collège !
Rendez-vous l’année prochaine !
Eric Dogo, Steevy Gustave, Kery James, Juliette Fievet, Makha Diabira et Virginie Legourd
Le 16 avril 2018