L’art de prendre le train
Depuis le 15 juin 2017, un train des arts et des civilisations transporte les usagers de la ligne E. Le Musée du Quai Branly- Jacques Chirac, la SNCF Transilien et le STIF nous embarquent pour un voyage sans frontières redonnant leurs lettres de noblesses aux œuvres des peuples autocthones d’Amériques, Océanie, Afrique, Asie…
Oui, on parle d’un train de la ligne E. Oui on parle d’une exposition itinérante. Les cinq voitures du Train des Arts et des Civilisations propose un voyage inédit. Près de 400 œuvres d’art, photographies, peintures et objets des collections historiques du musée du quai Branly – Jacques Chirac, recouvrent l’intérieur du train. Pour le musée du quai Branly – Jacques Chirac, ce partenariat avec SNCF et le STIF s’inscrit pleinement dans sa volonté de jeter des ponts entre les cultures pour susciter la curiosité de tous. Voilà une manière inédite d’ouvrir aux voyageurs une porte sur le monde, de leur offrir une rencontre inopinée avec les arts et les civilisations. Une parenthèse culturelle dans les transports en commun, sympa ! Depuis 2012, les voyageurs des trains d’Île-de-France ont pu découvrir les Trains Versailles sur la ligne C, les Trains des Impressionnistes et du Musée d’Orsay sur la ligne J, les Trains des 120 ans du cinéma sur la ligne D et les Trains Nature et Patrimoine sur la ligne N. On joint l’utile à l’agréable et en plus, il paraît que ces trains sont moins dégradés que les autres. Respect ! Allez, hop en voitures !
Un musée…
Installé en bord de Seine depuis 2006 dans un bâtiment signé Jean Nouvel, le musée du quai Branly – Jacques Chirac est un lieu novateur et singulier, faisant dialoguer Histoire de l’art et Ethnologie. En s’attachant à donner la pleine mesure de l’importance des Arts et Civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, à la croisée d’influences culturelles, religieuses et historiques multiples, le musée du quai Branly – Jacques Chirac contribue aujourd’hui au rayonnement culturel de la France à l’international. Un rayonnement qui voit plus loin que le bout de son nez, et dépasse l’égocentrisme. Le musée du quai Branly – Jacques Chirac est une fenêtre sur l’ailleurs, un voyage, à la croisée d’influences culturelles et historiques multiples. Expositions, arts vivants, Université populaire, colloques et conférences scientifiques, événements spéciaux, le musée du quai Branly – Jacques Chirac s’impose comme un lieu singulier, faisant dialoguer histoire de l’art et ethnologie. www.quaibranly.fr. C’est un pas dans une démarche très importante, selon l’humble avis de Rebellissime, une démarche qui consiste en la reconnaissance et le respect de l’histoire des peuples autochtones. Sans elle, difficile d’envisager de vivre ensemble !
Un train…
qui vit sa vie de train et part à la rencontre de son public de voyageurs, chaque jour entre les gares de Haussman Saint-Lazare et de Chelles-Gournay ou Tournan, en passant par la Gare Magenta, Rosa Parks ou en encore Noisy-le-Sec. Les cinq voitures du train se transforment en lieu de découverte et de partage consacré à l’art non occidental. Ligne E, comme Evasion.
Depuis 1999, la ligne E traverse 29 communes et 4 départements, sur 56 kilomètres. Elle relie l’Est de l’Ile-de-France au centre de la capitale, le quartier de l’Opéra et les gares du Nord et de l’Est. 372 000 voyageurs l’empruntent chaque jour, à bord des 450 trains quotidiens, dont le train des Arts et des Civilisations, composé d’une rame à 2 niveaux qui peut transporter jusqu’à 1300 voyageurs. Parmi les 22 gares desservies, celle de Rosa Parks est la dernière gare parisienne à avoir vu le jour en 2015. Au cœur du 19e arrondissement, elle améliore la desserte vers la porte d’Aubervilliers et répond ainsi aux besoins de mobilité des habitants et travailleurs d’un quartier en pleine mutation. En 2022, la ligne sera prolongée à l’Ouest jusqu’à Nanterre La Folie puis en 2024, jusqu’à Mantes-La-Jolie. La ligne E, avec 3 gares entièrement nouvelles, bénéficiera alors quotidiennement à plus de 620 000 passagers, au sein de bassins d’emploi regroupant plus de 2 millions d’actifs. Longue de 111 kilomètres, elle sera la ligne la plus interconnectée de l’Ile-de-France : connexion avec les lignes A, B, C, D, la majorité des lignes de métro et les futures lignes 15 et 18 du Grand Paris Express. Qu’en sera-t-il de notre petit train des arts?
Une expo itinérante…
Alors que le train sillonne la ligne E, en Ile de France, les usagers traversent les continents, les siècles, les cultures… Dans la voiture Amérique du Nord, on part à la découverte de l’histoire de ses premières populations autochtones jusqu’à la naissance des cultures africaines-américaines. Statuettes, masques, parures et objets cérémoniels ou funéraires sont autant de témoignages des civilisations ayant occupé son territoire, des Mayas et des Aztèques du Mexique aux tribus Yup’ik de l’Alaska. Dans la voiture Amérique du sud, on explore l’Amérique pré-hispanique jusqu’à nos jours, sur la trace des chamanes équatoriens, des populations des haut-plateaux andins, des peuples de la forêt amazonienne et des costumes chamarrés du carnaval bolivien. Dans la voiture Océanie, c’est un véritable périple à la découverte des cultures des îles et archipels disséminés dans l’immensité de l’océan Pacifique. Objets cérémoniels, monnaies de coquillages ou de plumes et symboles du pouvoir des aînés, offrent un vaste panorama des traditions religieuses et sociales de ces cultures insulaires. Dans la voiture Afrique, on se fait témoin de la diversité millénaire de ses populations : de l’Afrique subsaharienne et ses masques, statues, objets magiques qui ont fasciné les artistes européens du 20e siècle, à l’Afrique du Nord qui déploie ses riches textiles, céramiques et bijoux. Dans la voiture Asie, on voyage de la Turquie au Japon, à travers la diversité des arts populaires de ce continent. Leur présentation suit un parcours géographique, jalonné de nombreux exemples de costumes et de parures traditionnelles. Plusieurs sections abordent de grandes thématiques des collections d’Asie du musée, comme le chamanisme de Sibérie, les religions indiennes, l’art de la laque ou le théâtre d’ombres.
Des savoir-faire…
C’est l’agence Adkeys qui signe la conception des décors des Trains des Arts et des Civilisations, après l’habillage des Trains Versailles (en 2012) de la ligne C, des Trains des Impressionnistes de la ligne J (en 2013), des Trains du cinéma de la ligne D (début 2016) puis des Trains Nature et Patrimoine lancés fin 2016.
L’établissement industriel de Saint-Pierre-des-Corps, créé il y a plus de 100 ans est situé dans la région Centre Val de Loire. Il assure la rénovation de divers matériels roulants, dont l’intégralité du parc de Transilien. Ses 1200 agents travaillent au quotidien pour améliorer le fonctionnement, le confort et la modernité des trains, à travers ses 40 métiers d’ingénierie, de production et de services support. Suite à l’expérience réussie des rames Versailles en 2016, le technicentre de Saint-Pierredes-Corps relève une fois encore le défi avec la réalisation du Train des Arts et des Civilisations. La pose de ces décors pelliculés a exigé une extrême précision. C’est un véritable puzzle de 890 panneaux par rame qu’il a fallu assembler avec minutie et précision. Plus de 600 m2 de vinyles ont été nécessaires pour recouvrir l’intérieur des 5 voitures. C’est le technicentre de Paris Est, situé à Noisy le Sec, qui se charge de la maintenance des rames des lignes E, P et du tram T4. 430 experts prennent soin des 158 trains, qui se déploient à travers 6 types de matériels différents. Ils assureront le nettoyage, le détagage et le remplacement éventuel de films abîmés du Train des Arts et des Civilisations.
Des acteurs et des engagements…
SNCF Transilien et le STIF, en partenariat avec les acteurs culturels, développent une politique de valorisation du patrimoine d’Ile-de-France à destination des touristes et visiteurs qui délaissent de plus en plus la voiture au profit du train pour leurs déplacements loisirs. Dans cette dynamique, l’application HAPI, lancée en 2016 et téléchargeable gratuitement, permet de découvrir plus de 700 idées de sorties /récits historiques et de trouver son itinéraire pour rejoindre les plus beaux sites d’Ile-de-France en transport public (train, bus, métro, tram) au gré de ses envies. Châteaux, monuments, musées ou maisons d’artistes, parcs et forêts…sont accessibles en quelques clics. L’application s’est enrichie d’une version anglophone en 2016. Une version espagnole et une version chinoise sont également prévues pour 2017. Le STIF imagine, organise et finance les transports publics pour tous les Franciliens. Au cœur du réseau de transports d’Ile-de-France, il fédère tous les acteurs (voyageurs, élus, constructeurs, transporteurs, gestionnaires d’infrastructures, etc.), investit et innove pour améliorer le service rendu aux voyageurs. Il décide et pilote les projets de développement des réseaux et de modernisation de tous les transports, dont il confie l’exploitation à des transporteurs. Le STIF, composé de la Région Ile-de-France et des huit départements franciliens, porte ainsi la vision de l’ensemble des transports d’Ile-deFrance (train, RER, métro, tramway, T Zen et bus).
L’avis Rebellissime
Etant assez touchy, sur le sujet des arts des peuples autochtones et de la place qui leur est faite dans le monde des arts occidental, c’est du bout des doigts, sur la pointes des pieds et du bout des lèvres, bref, en prenant le sujet avec des pincettes, que nous nous sommes rendus à l’inauguration de ce train des Arts et des Civilisation. L’esprit bien critique et bouillonnant de question, me voici sur le quai n°11 de la gare de l’Est. Avant de pouvoir prendre ce fameux train, place aux discours de Mathias Vicherat, directeur général adjoint SNCF, Stéphane Martin Président du musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Plutôt sympa les gars ! En tout cas, on sent leur enthousiasme. Mais surtout, c’est le discours du Président du musée du Quai Branly-Jacques Chirac qui m’a le plus touchée. En gros rendre à César ce qui est à César, mais si perso, je serai plutôt pour que l’on rende les Pyramides à leurs pharaons et bâtisseurs Africains… Mais revenons-en à notre train. Bah, j’ai rien à dire, non, l’idée qu’en traitant ces œuvres d’art, justement comme des œuvres d’art, en les identifiant clairement comme œuvres de tels ou tels peuples, colonisés, exclavagés, déshumanisés, minorisés… c’est un grand pas vers le vivre ensemble. Du coup, en prenant le train ensemble, des personnes d’origines diverses peuvent êtres séduits, surpris… découvrir ou retrouver des bribes de l’histoire de leurs ancêtres. C’est fou, mais ça donne envie de prendre les transports en commun ! Ça donne envie de prendre le train et d’aller au musée. Ça casse les barrières mentales !
Et puis c’est joli !
Après les discours et une fois le ruban rouge coupé, c’est avec plaisir que j’ai découvert l’intérieur des 5 voitures qui composent le train des Arts et des Civilisations. C’est beau ! J’ai bien aimé qu’on souhaite la bienvenu dans chaque continent. J’ai adoré changé de place et faire des selfies. Voui, côté selfies, on peut s’éclater dans ce train et nul doute que les passagers ne vont pas résister à se prendre en photo aux côtés de masques, d’instruments de musique, de tenues… Le rendu des couleurs est superbe. En levant les yeux au plafond, ouaww dans toutes les voitures : mosaïques, tissus, c’est beau ! Ça devrait donner le sourire et un peu de bonne humeur le matin ou aux heures de pointes. Partout où les yeux se posent, œuvres d’art ! Du coup on laisse libre court à son imagination, on s’évade ! On a envie d’en savoir plus. Mais qu’est-ce que c’est ? Toutes les œuvres sont légendées, leur pays, leurs âge… vous saurez tout. Au détour d’une allée, j’ai d’ailleurs rencontré le directeur de la Ligne E, Franck Renault. Comme un enfant, les yeux écarquillés, j’ai bien vu qu’il était émerveillé dans ce décor. Le fait d’être ainsi entouré d’art et d’histoire vous sort totalement l’esprit des transports en communs. Et ça fonctionne même sur lui ! Comme en témoigne ses impressions qu’il nous livre dans l’interview vidéo.
Bon bah, allez hop ! En voiture !
Virginie Legourd 14 septembre 2017