La Fine Equipe

RENCONTRE AVEC L’EQUIPE DE LA FINE EQUIPE

Alors le pitch comme dirait l’autre… c’est l’histoire d’une fille rappeuse, jouée par Annabelle Lengronne, mais aussi d’un gars. Le seul gars blanc en l’occurrence, joué par William Lebghill, dans un groupe de Rap. Tous les ingrédients d’une comédie jeune et originale sont réunis, mais vous allez être surpris ! 

Surpris, nous l’avons été lors de l’avant-première à l’UGC des Halles, jeudi 24 novembre. Comment aller voir un film à plusieurs et en ressortant se rendre compte qu’on n’a pas vu le même ? (et je ne me drogue pas ! ). Cette prouesse, la scénariste Magaly Richard -Serrano l’a réalisée. Le film est présenté comme un road trip hip hop, c’est vrai qu’ils font de la route et que le film nous fait voyager, mais le chemin et le voyage se font surtout dans votre esprit qui s’évade. C’est un film libre. Et si c’est un road movie, c’est le premier que j’aime ! Comme quoi, il ne faut pas avoir d’à priori et c’est bien là tout le sujet du film.

 

Dans le genre inclassable

Je ne saurai pas classer ce film dans un genre en particulier. Ce que l’on peut vous dire c’est que ce n’est pas ce à quoi vous vous attendez. Magaly m’avait prévenue et malgré cela je reste encore surprise et sous le charme.

C’est une sensation étrange et agréable. Le scénario vous invite à danser un tango, et même s’il vous semble connaître la musique, vous ne connaissez pas les pas. Vous vous laisser entrainer dans cette danse et votre partenaire vous emmène non pas seulement où il veut mais, où vous voulez. Il n’y a pas que lui qui mène la danse. Votre imagination vagabonde à travers différentes thématiques, à travers les failles et les caractères des personnages.

Je ne sais pas ce qui fait qu’un film rencontre ou non le succès. C’est bien filmé, c’est bien joué, c’est bien écrit, la musique d’Oxmo Puccino elle-même joue bien son rôle. C’est beau et tout ce que l’on peut souhaiter à cette fine équipe c’est autant de bonheur qu’elle nous en apporte. C’est un film qui arrive à vous faire réfléchir sans vous prendre la tête. Un film sur les clichés surtout ceux de notre société, mais qui ne tombe pas dans le cliché. Il y a du Rap, mais ce n’est pas un film sur le Rap, il y a Vitry-sur-Seine, mais ce n’est pas un film sur la banlieue. Il y a un Blanc parmi des Noirs, mais ce n’est pas un film sur le racisme, les dialogues sont rythmés et drôles mais ce n’est pas une comédie.

C’est un film rebelle parce qu’il est différent mais ce n’est pas un film révolté. C’est l’histoire de la vie, des failles et des forces de chacun, des chemins et des choix que chacun fait à un moment. C’est aussi l’histoire d’une femme, forte, de la difficulté de savoir qui on est, de trouver sa voie, sa voix… vous verrez, ça fait du bien et ça questionne. En sortant, le film continue de faire son chemin dans votre esprit et les scenarii se multiplient. C’est fort de laisser le spectateur aussi libre.

 

Pour vous donner encore plus envie, la Rebellissime team partage avec vous cette rencontre avec l’équipe du film.

Magaly Richard-Serrano et Virginie Legourd

Rebellissime : Merci de revenir sur ton parcours

Magaly : Je viens de Vitry-sur-Seine, famille de boxeurs, ma mère est encore aujourd’hui entraîneuse, j’ai été deux fois championne de France, ma sœur trois fois. Je viens donc plutôt d’un milieu sportif ! J’ai fait une seconde littéraire avec une option cinéma. J’y ai connu toute ma bande de potes. Après j’ai fait des études d’histoire de l’art, des courts-métrages qui n’ont pas super bien marché… Puis j’ai intégré l’Atelier Scenario de la Fémis (école nationale supérieure des métiers de l’image et du son). J’ai écrit alors le scenario de mon premier film Dans les Cordes qui raconte l’histoire d’une famille de boxeurs, mais pas pour autant mon histoire. Richard Anconina dans le rôle du père, Soko et Louise Szpindel dans leur premier rôle principal. 

Rebellissime : Dans les cordes fait référence à ton parcours de boxeuse, qu’est-ce que cette passion apporte à ta carrière de réalisatrice ?

Magaly : de la pugnacité ! Ne jamais rien lâcher. Ce film, j’ai mis 5 ans à lui faire voir le jour. La boxe mais aussi la course m’aident. Parce qu’il faut allier combativité et patience. Il faut savoir puncher au bon moment et garder son calme dans d’autres circonstances, sans cesser de courir pour atteindre son objectif. Au quotidien, le sport m’a appris à me cadrer, à être disciplinée. Cette rigueur et cette discipline m’ont aidé à garder le cap dans les moments où je trouvais que c’était long, injuste quand des films pourris trouvent des financements en quinze jours alors que toi ça te prend 5 ans pour monter un film dont tout le monde aime ce scenario !  Faire des choses différentes, c’est toujours  plus compliqué !

Rebellissime : avec la bande-annonce on peut s’attendre à un film sur le thème du racisme traité avec humour. Un racisme plus rare à l’égard du seul blanc de l’équipe….

Magaly : racisme, le mot est un peu fort ! Il est plutôt question d’à priori et comment on peut s’enfermer sur une pseudo identité, une pseudo communauté. C’est traité avec beaucoup de légèreté. Et même si la promo est très axée sur cela, le film est bien autre chose ! C’est le portrait en creux d’une femme française noire, rappeuse, qui a fait de hautes études et pourrait être prof, mais veut être artiste. Elle s’enferme dans son propre rôle, mais va s’émanciper, trouver sa voie C’est vrai qu’en France on a tendance a toujours vouloir tout enfermer dans des cases, mais ce film ne s’enferme dans aucune case. C’est un film libre qui part des clichés pour mieux les retourner. Il montre que derrière ces clichés, il y a de vrais gens, des caractères, des sentiments, des histoires. On va ainsi les découvrir, tout comme eux vont se découvrir et se révéler. 

Rebellissime : C’est plus facile par le biais de la comédie ?

Magaly : la comédie est un style nouveau pour moi. Il faut prendre le rythme pour que les répliques arrivent au bon moment… Cela m’a beaucoup amusée, nous nous sommes aussi beaucoup amusés sur le tournage. C’est vrai que j’ai fait des films beaucoup plus sérieux, mais la conjoncture actuelle me donne envie de plus de légèreté. J’ai envie de rire, de me souvenir d’un temps où nous dansions tous à Vitry, où il n’y avait pas tous ces a priori, même s’ils existaient en germe, nous ne les voyions pas, ne le vivions pas. C’est peut-être le côté nostalgique de ce film, d’une époque beaucoup plus multiculturelle, où l’on croyait à cette France. J’y crois encore ! J’ai eu envie de faire passer les choses par le rire. Parfois la douceur aide à mieux faire passer les choses que par l’affrontement radical et frontal. C’est un film anti-radical. Complètement à contre-courant par les temps qui courent la douceur ! Totalement Rebellissime, mais pardon, Magaly, je t’interromps. Revenons au message. « Découvrir les gens par le biais du rire et de la douceur, cela fait partie du message du film qui s’intéresse à l’humain. A travers cette comédie, j’essaie de retourner mon regard pour appréhender les choses sous l’angle de la comédie. Tout en essayant d’avoir du fond, de l’émotion, que les personnages existent vraiment et nous transmettent des émotions.

Rebellissime : Quels rapports entretiens-tu avec l ‘univers hip-hop ?

Magaly : Le hip hop, le ragga, c’est la musique de mon adolescence. Et puis, je suis de Vitry-sur-Seine, berceau du hip hop. J’en écoute moins aujourd’hui, j’écoute plus les vieux. C’est un milieu que j’ai fréquenté mais que je ne fréquente plus. Le hip hop est plus un état d’esprit que le sujet du film. Et quand je parle d’état d’esprit, c’est de l’état d’esprit d’origine du hip hop, cet esprit de rebellion, de résistance, des minorités qui veulent affirmer leur différence et faire entendre leur voix. Ça part de là tout de même le hip hop! Dans ce film, outre le plaisir de travailler avec Oxmo, la volonté de mettre de la qualité, le hip hop là encore me permet de partir du cliché pour aller voir la Face B (comme dirait Iam et Chill qui a débuté sur la faceuh B, même s’ils ne sont pas Vitriots et pour ceux qui ont connu l’époque des vinyles !)  C’est aussi l’idée de retrouver le hip hop des origines, retrouver ses valeurs et ses combats.  Au-delà d’une rappeuse, l’héroïne du film est une artiste. C’est pourquoi j’ai voulu travailler avec Oxmo Puccino qui symbolise parfaitement ce parcours. Il part du hip hop français, revendicatif pour aujourd’hui être reconnu comme un artiste français à part entière qui peut travailler avec un orchestre symphonique. Dans son dernier album, il chante aussi bien qu’il rap. Il s’inscrit dans le patrimoine musical français au même titre qu’un Jacques Brel. C’est aussi tout ce côté qui n’est pas forcément mis en avant dans la promo.

Rebellissime : Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire d’une femme parmi les hommes ?

Magaly : Parce que je suis une femme et que la place des femmes dans la société m’intéresse. Cette femme se comporte un peu comme un garçon manqué. La féminité et même le féminisme n’ont pas forcément besoin de faire ressembler les femmes aux hommes. Etre féministe pour moi, ce n’est pas ressembler aux hommes ou être supérieure à eux, mais juste être une femme. Marilyn Monroe disait qu’une femme qui veut ressembler aux hommes manque cruellement d’ambition. Là encore, en s’interrogeant sur ce qu’est la féminité, on retourne les clichés. Si j’ai été un garçon manqué, j’assume aujourd’hui d’être une femme et de trouver ça super de ne plus vouloir forcément ressembler aux hommes. Il ne s’agit pas de réussir, ni de s’imposer de façon masculine.

Rebellissime : et pourquoi l’histoire d’une femme noire entourée d’hommes ?

Magaly : Ce qui m’intéresse sur la question des minorités, c’est la manière dont on les montre. Les comédiens du film me l’ont confirmé, en France, on leur propose toujours le même genre de rôle. Je suis partie du cliché, pour m’en détacher très rapidement, dans les toutes premières minutes du film. Ce n’est pas un film de banlieue, de dealers, de rappeurs. L’idée c’est de proposer de vrais rôles qui dépassent les problématiques sociales. Il s’agit plus de problématiques universelles, humaines et intimes. 

Rebellissime : Dans quelle mesure as-tu participé au casting et qu’en penses-tu ?

Magaly : Je travaille depuis mes débuts avec une directrice de casting, Aurélie Guichard. C’est une personne très importante pour moi, j’ai beaucoup appris auprès d’elle. Quand j’écris, je ne pense jamais à des acteurs. Je m’inspire de gens de la vraie vie, que j’ai connus, croisés. Parfois je fonds deux personnes en un seul personnage. Je n’ai donc jamais d’idée préconçue sur les acteurs qui pourraient incarner tel ou tel personnage. Tout commence au casting ! Les choses commencent à s’incarner, j’ai des déclics, on fait revenir les comédiens, on refait des essais à plusieurs… Parfois j’imagine un physique pour un rôle et puis c’est un acteur qui n’a rien à voir qui va faire le job. C’est une question de jeu, mais aussi de charisme qui agit un peu comme la magie, un charme qui te tombe dessus. C’est une rencontre, un partage d’émotion.

Rebellissime : Que se passe-t-il dans ta tête de scnénariste entre l’idée, l’écriture et le tournage ?

Magaly : A l’écriture, je ne visualise pas les personnages, je ressens des émotions. En fait, on écrit trois fois un film : au moment du scénario, au moment du tournage et puis on le réécrit au moment du montage. Ces trois moments clés font que le film ne ressemble jamais à ce que l’on avait imaginé au départ ! C’est la magie du cinéma, chaque collaborateur apporte sa pierre à l’édifice. Un film c’est une équipe ! Et c’est le cas de le dire ! On ne fait pas un film tout seul. J’ai besoin d’un chef op’, d’une productrice de casting, d’un producteur, d’un décorateur…  Chacun apporte son grain de sable, sa vision, et je prends, je fais le tri. Au final, ce sera ma vision agrémentée de celles des autres. Mon film, c’est mon bébé, je ne le lâche qu’au moment de la sortie, pour le public. Le côté marketing et promo, à part les interview que je peux faire me dépasse un peu. Les acteurs vont ensuite prendre le relais et porter le film. 

Rebellissime : Que souhaiter à ton film ?

Magaly : Un succès commercial, j’aimerai bien savoir ce que ça fait. J’ai eu beaucoup de succès critiques sur mes trois précédents films (Dans les Cordes en 2007, puis les téléfilm Crapuleuses sur France 2 avec 1 million de vues Youtube, Ceux qui dansent sur la tête pour Arte ont eu de très bonnes critiques) alors j’aimerai bien un petit succès commercial ! Mais avec ce film d’apparence plus léger, je ne vois pas les gros médias aux projection presse. S’ils ne viennent pas, peut-être que le public viendra et c’est ce que je souhaite à ce film. Qu’il soit vu par un maximum de gens différents.

Mais c’est tout à fait possible, ça madame ! D’autant que La Fine Equipe est aussi un film familial. La preuve mon fils de 11 ans a beaucoup aimé. « J’ai adoré ! J’ai adoré les morceaux de rap, comment la fille chante. J’ai bien aimé l’histoire. C’est un film pas trop rigolo même si j’ai bien ri ! Et à la fin… je ne dis rien mais c’est comme un rêve ! ». La preuve aussi, la fille de Magaly qui a 9 ans, a dit que c’est le plus beau film qu’elle a vu de sa vie. Après ça, plus besoin de succès critique, on a chaud à nos petits cœurs et on ne peut rien ajouter !

Annabelle Lengronne et la Rebellissime family

Annabelle Lengronne, méconnaissable

Une féminité et une sensibilité époustouflantes chez Anabelle qui incarne tellement bien le garçon manqué, que je ne l’ai pas reconnue lors de l’avant-première. Bluffante !

Rebellissime : Pourquoi avoir accepté ce rôle ?

Annabelle : Parce que c’est un rôle de femme qui se bat. Une rebelle. Mais aussi parce que c’est une femme qui va se découvrir, se révéler et que c’est un véritable challenge de comédienne. Mon personnage est très rentre-dedans au départ pour évoluer vers plus de féminité au fil du film. 

Rebellissime : C’est un rôle de composition ?

Annabelle : Oui et non, parce qu’à une période j’ai été un peu comme elle, niant ma féminité. Je me cachais derrière une apparence masculine, derrière des vêtements, une attitude et je suis allée chercher dans cette expérience pour ce rôle .

William Lebghill : entre prince charmant et boulet…

Sauf que pour le coup, à l’avant-première, les boulets c’est nous. Après lui avoir demandé de poser avec à peu près toute ma famille, en solo, en duo et en trio ce qu’il a accepté avec le sourire, il ne nous reste plus de temps pour discuter, le film va commencer ! Selon Magaly « La promo est très axée sur le petit blanc tout seul, mais il n’est pas que cela, c’est aussi un personnage beaucoup plus déterminé que ce que l’on imagine, et puis c’est quelqu’un d’amoureux. Parce que le film est aussi une comédie romantique ». Eh ! Oui, les deux acteurs Annabelle Lengronne et William Lebghill ne sont pas nommés aux Césars que pour leur jeu comique. Il y a de la graine de séducteur et de prince charmant chez William. Et je ne dis pas cela pour qu’il réponde à mes prochaines interview (César en main…)

Annabelle et William sont nommés pour les Césars des révélations 2017… rendez-vous le 24 février 2017 pour la 42e cérémonie des Césars !

Doudou Masta, pas du tout lui-même

Avant la sortie, on sent comme une petite appréhension… « Non pas que je ne crois pas au film, mais ensemble, on est tellement en osmose, c’est fort. Cela dépasse le film ! Le film est comme un conte mais avec des préjugés sous-jacents dénoncés avec humour. Je ne voudrai pas que les gens soient déçus que ce ne soit pas juste un film comique ! Il n’y a pas que ça, ça va au-delà et c’est cette force que je ressens et qui nous réunit autour de ce film ». Nous voilà donc renseignés sur les cause de cette appréhension toute naturelle pour un comédien, même s’il est très grand avec une grosse voix… Le cliché ! Mais pour avoir vu le film, pas d’inquiétude, on rit, mais on sent aussi ce petit truc en plus. « La fine équipe est une comédie d’auteur, donc pas qu’une comédie ! Je viens de tourner une comédie pure et dure Mariage Blanc pour Tous où tu ris toutes les trente secondes, tu viens pour t’amuser. Avec La Fine Equipe, tu ne fais pas que rire parce que l’histoire, les personnages ne sont pas si drôles que ça et qu’il y a beaucoup de moments plus touchants que drôles. Le film dénonce alors qu’il est vendu comme une comédie pure » explique Doudou. C’est en effet ce que l’on voit dans la bande-annonce qui nous donne envie d’aller rigoler, mais là-encore, pas d’inquiétude Doudou, on est aussi heureux de se laisser entraîner dans l’histoire et le parcours de La Fine Equipe. Nous aussi, nous n’avons pas envie de la quitter ! On met aussi en avant la thématique du seul Blanc parmi des Noirs, de manière comique, là encore, ça ne s’arrête pas là. « Non, c’est une thématique de société abordée par le biais de l’humour mais pas seulement. Encore une fois, le film dénonce et questionne, sans s’arrêter aux bonnes répliques. On pointe le doigt sur le racisme de ceux qui ont été rejetés et rejettent à leur tour. C’est certes un rejet qui n’est pas aussi oppressant que celui dont on peut faire l’objet en tant que Noir, mais c’est un rejet qui existe et menace bel et bien » témoigne le comédien. On n’a pas non plus l’habitude de voir autant d’acteurs noirs dans un film français. La Fine Equipe sort en même temps que Le Gang des Antillais, qui pour le coup n’est pas une comédie. Ça fait vraiment beaucoup de Noirs, non ? « C’est le reflet de la société dans laquelle nous vivons. Pour La Fine Equipe, c’est bien aussi que l’on puisse aujourd’hui le montrer, le filmer. C’est aussi bien que l’on devienne, dans ce film et dans une moindre mesure, les agresseurs. C’est une petite vengeance ! » s’amuse Doudou. En parlant d’agresseur, désolée de le rappeler, et malgré ses rôles dans des films comiques comme Le Mac avec José Garcia, on associe Doudou à un méchant. Avec sa voix grave, Doudou, c’est La Commune ! « C’est la première impression ! Au premier regard que tu portes sur moi, je n’ai pas vocation à te faire rire. La carrure, la voix, le Rap, le coach sportif en boxe… Seuls les gens qui me connaissent savent que je peux être drôle, que j’ai l’humour facile. Je suis finalement très assimilable à une comédie ! Je joue le jeu, surprends et c’est ça aussi être comédien ! Je ne vais pas forcément là où on m’attend ! » analyse Doudou. Parce que oui, malgré les apparences, dans la vie de tous les jours Doudou est plutôt un bout en train !

Doudou Masta

« J’aime rire, rencontrer des gens, échanger. J’ai toujours eu cette facilité à faire rire, par des petites blagues, des réflexions, sans être un clown ou faire mon one man show. Mais c’est vrai que j’ai le rythme de l’humour ».  Doudou capte les gens, il a de la répartie et ce ne sont pas ses potes qui diront le contraire. Bref, c’est un gars drôle ! Pourtant, jouer dans une comédie n’a pas été si simple pour lui. « Avec mon gabarit, c’est plus facile de faire le méchant que de faire rire ou pitié.  La difficulté dans une comédie, c’est la chorégraphie, le jeu que tu dois mettre en place. Mais sur le tournage, on se rend compte que ce qui nous fait rire, a de grande chances de faire rire les autres. Le rire est générationnel, culturel, on a souvent les mêmes références. Ces références, on les partage, on les digère et maintenant on les redistribue » raconte-t-il. Un peu comme dans le Rap ! Le film met en scène un groupe de Rap (au nom chelou qui sent la marée, mais c’est une parenthèse !). On peut légitimement se demander si sa carrière de hiphopien a pu l’aider dans ce rôle. « Je n’ai jamais été DJ ! Alors ça m’a aidé, oui et non. Je sais effectivement ce qu’est une tournée, je peux donner des conseils sur le placement sur scène. Cela m’a rappelé des tournées et des concerts que j’ai pu faire à gauche à droite. Mais DJ, c’est une première ! ». Pas de voix, alors que l’on connaît aussi Doudou pour sa voix, pas seulement dans le Rap, mais aussi dans de nombreuses pubs ou bien dans des films comme Arthur et les Minimoys où il prête sa voix à l’un des guerriers. « Mais elle ne me quitte jamais ! Même dans le personnage de la Fine Equipe, je parle avec, tout le temps ! C’est un des aspects intéressants aussi que d’aller chercher autre chose que ce rapport à cette voix grave, dans ce personnage, plutôt affaibli. La voix n’est plus un élément, voir l’élément principal. Je joue sur autre chose. Mais attention, je ne la renie pas, on me reconnaît grâce à elle ! » explique Doudou. C’est vrai que dans La Fine Equipe, il a un vrai rôle de composition.

 « Après tout, je ne suis pas si jeune, je peux tout à fait être un DJ sur le retour, vieillissant ! C’est vrai que je suis le seul de l’équipe à avoir une petite famille ! Je suis le doyen de l’histoire, mais pour autant avec cette envie d’exercer son art. Ce qui m’a séduit dans ce rôle c’est de ne pas être un méchant, d’être un peu faible physiquement, d’être DJ. C’était assez marrant, ça m’a replongé dans le temps où je faisais des tournées avec Cut Killer. C’est assez marrant de me retrouver à sa place ! Le challenge a surtout été de jouer l’hypocondriaque. Le mec naïf, blessé, qui a tout le temps mal quelque part, c’est vraiment un rôle de composition ! Je me suis vraiment inventé un personnage et c’est en ce sens que c’est un rôle super intéressant pour moi. Parce que je suis allé chercher je voulais que les gens envoyant le film aient mal pour lui ! Mais je ne suis pas resté dans le personnage à la fin du tournage, heureusement ! Et puis, j’ai quand même été aidé du fait d’être en même temps en pleine formation de coach sportif pendant le tournage. Du coup, j’étais vraiment, tout le temps plein de courbatures. J’avais mal partout et je me suis écouté ! ça aide d’avoir eu une vie un peu douloureuse à cette même période » avoue Doudou. Pour en revenir au hip hop. Il est aujourd’hui une véritable culture. Quel regard porte-t-il sur son évolution ? « C’est ce qu’on voulait quand nous étions jeunes. Je ne peux qu’être content de cela. Content de sa place dans notre société. Je suis moins content de ce qu’il est devenu, moins content qu’on laisse une plus grande place à une musique qui ne veut plus trop rien dire dans ses textes. Moins content que certains oublient qu’au départ le Rap était un message. Même si c’est de l’entertainment, que l’on s’amuse. Il y a comme un déficit de valeurs. On a perdu du discours et c’est dommage pour une musique qui avait pour nous, vocation, d’aider les jeunes à grandir, à réfléchir à certains problèmes, à adopter un autre angle de vue, à prendre une certaine autonomie intellectuelle. C’est dommage ! » regrette-t-il et nous aussi. Même si le Hip Hop n’est qu’un prétexte dans le film. « Cela aurait pu être un groupe de rock, de reggae, de funk … Et un groupe de rockeurs noirs cela aurait été encore plus loin dans le dépassement des clichés ! ça aurait été marrant !  Mais on aurait pris le risque de perdre le public. Le rock est connoté blanc. Vous voyez que tout cela est bien compliqué ! » conclue-t-il avant de nous éclairer sur ses projets. « Ecrire et jouer dans mon film ce serait un super projet. Mais plus proche de nous, j’ai joué dans un film avec l’équipe de Baby Sitting, Tarek Boudali, Philippe Lacheau…. Ça s’appelle Mariage Blanc pour Tous et devrait sortir en décembre 2017. Je vais tourner dans la série Nina sur France2. Je suis coach sportif au Noble Art club à Wagram : préparation physique et boxe anglaise ». A force de s’entendre poser plein de questions par ces confrères comédiens pour garder la forme, voilà qu’il met son savoir au service des autres. Mais il sait tout faire ce garçon !

Questions croisées à la Fine Equipe

Rebellissime : Une anecdote, un souvenir de tournage ?

Magaly : J’ai un souvenir, pas très comique. En amont du tournage, nous sommes partis au Moulin d’Andé, en Normandie, pour travailler avec les comédiens sur le film. Le Moulin d’Andé, c’est un lieu un peu mythique, où Richard Wright a écrit Black Boy, un lieu de résidence d’artistes, un lieu de résistance… Mais en arrivant, nous avons senti une ambiance bizarre, alors que lorsque j’y suis allée, j’avais été très bien accueillie. On voyait des types avec des oreillettes circuler dans le parc, on s’interrogeai sur un groupe de résidents un peu distant. En interrogeant le régisseur des lieux, j’apprends qu’il s’agit de l’association française des victimes du terrorisme. Il y avait des anciens de Charlie Hebdo, mais aussi de RG et je voyais bien que ces gens me regardaient d’un drôle d’air avec mes acteurs black. Un soir au repas, ils viennent me voir et me demandent si mes jeunes (pas si jeune parce qu’entre 30 et 47 ans), pourraient leur faire un petit RAP ! Bah ! Non, parce qu’ils ne sont pas rappeurs mais comédiens, à part Doudou mais qui est DJ et ne rappe pas dans le film. Tous ces comédiens ont été coachés pour rapper, monter sur scène… Quoi qu’il en soit, ces gens n’ont pas trouvé cela très sympa de notre part. Je sentais la peur dans leur regard. En plein cliché ! Je leur demande donc pourquoi ? Est-ce qu’ils les soupçonnent d’être des terroristes ? Et là je m’entends répondre « mais es-tu bien sûre de ce qu’ils sont ou non ? ». Je suis restée choquée. Alors même que nous préparons un film contre les clichés ! Venant de ces personnes ! Je me suis dit que la France avait bien changée, même dans ce lieu où de nombreux artistes noirs ont résidé. Je me suis même demandé si c’était le bon moment pour faire une comédie Eh, bien oui ! C’est hyper important de faire des comédies dans des moments aussi graves ! C’est important de montrer un autre regard, de faire tomber les clichés.

Annabelle : La scène dans l’eau ! Il fait froid, on doit tourner entre 22h30 et 6h du matin… A la fraîche ! Je ne suis pas du tout motivée, je l’avoue. Mais à l’hôtel, il nous ont préparé un breakfast à l’anglaise, bien chaud et consistant. Je suis certaine que j’ai tenue grâce à ça ! Vous comprendrez mieux quand vous verrez le film et que vous savez maintenant que l’eau était à 10 degrès !

Doudou : la scène n’est pas dans le film ! On la regrette tous d’ailleurs et j’espère qu’elle sera dans les Bonus s’il y a un DVD ! C’est une scène avec William Lebghill, on l’on court dans un champs, je me blesse, il veut m’aider, je le rejette, c’est drôle. Il se trouve qu’avant de tourner cette scène, je suivais une formation de coach sportif et que mon corps était une souffrance à mon retour sur le tournage ! 

Question Rebellissime : votre film, ou votre rebelle de référence ? 

Magaly : Mon film fétiche c’est Fish tank sur une jeune nana anglaise qui habite dans une cité et prépare un concours de hip hop. C’est une vraie rebelle. Et, mon magazine rebelle de référence c’est Rebellissime et je souhaite que votre site déchire !

Annabelle : Difficile à dire, il y en a tellement ! Mes rebelles de référence ce sont surtout des gens du quotidien qui se battent, ne baissent jamais les bras, n’abandonnent pas et continuent de croire en leurs idées et à les défendre. 

Doudou Masta : Si j’ai un rebelle de référence, c’est bien Kunta Kinté dans Racines. Et j’aimerai bien jouer Sankara parce que lui aussi c’est un vrai rebelle. 

 

Et vous quel film allez-vous voir … ?

https://youtu.be/RgKXZHNoFLg

 

 

Magaly Richard-Serrano, Anabelle Lengronne, Doudou Masta, William Lebghill et la Rebellissime team

 

Le 29 novembre 2016