Une année difficile, le dernier film d’ Eric Toledano et Olivier Nakache sort ce mercredi 18 octobre au cinéma. Pourquoi aller le voir ? 

Le titre résonne avec le quotidien de chacun, et certains diront même « Et pas qu’une ! «  . On a peut-être besoin de prendre du recul, envie d’un peu d’humour et de dérision. Avec Eric Tomedano et Olivier Nakache, on sait bien que l’on va rire sans se moquer, réfléchir sans se prendre la tête, réveiller note fibre engagée sans se faire moraliser ni culpabiliser, bref passer un bon moment. D’autant que Jonathan Cohen et Pio Marmaï, c’est un duo inattendu mais pas impossible. Noémie Merlant s’annonce touchante et sincère dans son rôle de militante écolo.

Et puis, il y a le Pitch. Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course, c’est dans le chemin associatif qu’ils empruntent ensemble qu’ils croisent des jeunes militants écolos. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont peu à peu intégrer le mouvement sans conviction… On se reconnaît bien là !

Une année difficile présentée par Eric Toledano et Olivier Nakache

D’où vient l’idée du film Une année difficile ?

Eric Toledano et Olivie Nakache expliqunt comment a germé l’idée d’Une année Difficile :

« Nous avons arrêté un film que nous étions en train d’écrire pendant le confinement, car ce monde mis en pause général nous interrogeait. D’un côté, nous réfléchissions à la Saison 2 d’En thérapie qui allait traiter de l’impact direct de la pandémie et du confinement sur la psyché des français, mais nous voulions, aussi, nous poser des questions plus larges, en nous intéressant à tous les discours de ce fameux « monde d’après » se souvient Eric Toledano.

« Quel était ce nouveau monde qui était censé arriver ? Ce monde qui, d’après certains, ne serait plus du tout le même que le nôtre. Des images se sont imposées : les rues désertes, les rideaux des magasins fermés, les avions cloués au sol, tous ces gens qui applaudissaient tous les soirs à 20h aux fenêtres… et d’autres images ont surgi comme en contradiction avec ce vide que nous vivions tous alors, l’évocation du trop-plein de nos sociétés en croissance permanente » poursuit le réalisateur.

« Nous avons alors retrouvé sur les réseaux une vidéo de jeunes militants qui tentaient d’empêcher une masse de clients d’entrer dans un de ces grands magasin le jour du Black Friday. Nous y avons vu une photographie de l’époque : deux visions du monde qui s’affrontent. Le film s’est dessiné ainsi, en deux blocs, en champ – contrechamp, en deux mouvements, telle une valse » explique Eric Toledano.

« Frappés par cette opposition, nous nous sommes demandé qui étaient ces gens qui voulaient entrer les premiers dans les magasins ce jour-là et qui étaient ceux qui leur faisaient face. Nous avons creusé, enquêté, fait des rencontres pour tenter de les cerner, de les comprendre » conclue Olivier Nakache.

Très vite le thème du surendettement a émergé pour le nouveau film d’Eric Toledano et Olivier Nakache, Une année difficile 

« Ce sujet nous intéressait depuis un certain temps, il raconte quelque chose sur le désir mimétique, sur la voracité des établissements de crédits qui plongent pas mal de gens dans le rouge et sous la ligne de flottaison. Nous avons approfondi afin de connaître toutes les étapes, parfois longues et laborieuses, jusqu’à l’effacement possible de ses dettes auprès de la Banque de France… » explique Olivier Nakache

De l’autre côté, qui sont ces nouveaux militants de l’écologie ?

« Et, surtout, ces militantes car, lors de nos recherches, ce sont souvent les filles, si combatives, qui nous ont le plus marqués. Des Cactus, nous en avons rencontrées ! D’ailleurs, au début de nos investigations, c’est une Cactus qui nous a accueilli. Nous l’avons un peu modélisée pour écrire le personnage joué par Noémie Merlant, qui, d’ailleurs, a passé du temps avec elle pour se préparer au rôle » précise le réalisateur.

Eric Toledano explique comment Une année difficile relie surendettement et écologie

« Laisse-moi passer, non je te repousse : il y avait un mouvement physique à filmer. Comme une valse des idées où l’on ne sait plus vraiment sur quel pied danser » détaille Eric Toledano.

Les enfant des enfants de l’abondance font face aux urgences écologiques et économiques

Eric Toledano poursuit. « Nous avons grandi dans les années 80, notre génération est celle de l’abondance consumériste, et un jour, on se réveille, avec nos propres enfants qui parlent de mur, d’effondrement et de la nécessité de changement, face à des jeunes qui sont de plus en plus éco-anxieux. C’est aussi pour cela que tout le film est traversé par l’évocation de l’image des ponts. Il s’agissait pour nous de relier deux sujets, comme deux rives – le surendettement et l’écologie – qui en apparence, n’ont pas grand- chose à voir, et pourtant, les appartements vides peuvent porter plusieurs histoires, la récente visite d’huissiers ou une volonté de dénuement, de minimalisme et de décroissance.

Une année difficile d’Eric Toledano et Olivier Nakache : le rire comme thérapie !

« On ne sort pas indemne de 4 années de Thérapie, pour nous la gravité et la violence de l’époque doit s’équilibrer par un rire partagé, nous avions farouchement besoin de comédie. Faire rire là où nous devrions sûrement pleurer, cela nous permettait d’aborder les mêmes réflexions et le même constat par la dérision et l’humour. La comédie est un poste d’observation privilégié, un baromètre social qui provoque également un vrai examen de conscience », conclue Eric Toledano.

Avec Une année difficile, Eric Toledano et Olivier Nakache s’éloignent de la comédie italienne au profit d’un certain humour noir.

« C’est notre huitième film », précise Eric Toledano. « Les sept précédents forment un cycle, où nos héros étaient plutôt aimables. Le plus grand risque étant de redonder, de se répéter, nous avions envie, cette fois, que la comédie à l’italienne, ne soit plus seulement une lointaine source d’inspiration, mais un modèle. En utilisant l’ironie, la satire, la farce, tous ces éléments qui servent à mieux appréhender notre sujet pour que le fleuve soit plus tumultueux, avec plus de courants et de contre-courants, pour bousculer, déranger, déborder pour décrire une société en mutation et en déconstruction. Dans Le pigeon, de Monicelli, au tissu social violent, il y a tout de même un vieillard qui mange discrètement la bouffe d’un bébé ! »

Comme dans le cinéma italien, avec Une année difficile on rit des galères

Olivier Nakache poursuit sur la thématique du cinéma italien. « Romain Gary a écrit : « l’humour est la preuve de la supériorité de l’homme sur ce qui lui arrive ». De Ettore Scola à Dino Risi, le cinéma italien des années 70 avait ce génie : rire des galères que tu accumules de jour en jour. Un esprit repris par Yves Robert ou Claude Lelouch dans L’aventure c’est l’aventure par exemple. En tournée lors d’une de nos avant-premières, une spectatrice nous a dit que nous avions « le malheur joyeux ».

Olivier Nakache parle des anti-héros d’Une année difficile

« Dans la comédie italienne, l’arme fatale, c’est le personnage, plus malin, parfois malhonnête, irresponsable, malchanceux, hâbleur, à la recherche d’une dignité humaine, d’une reconnaissance sociale ou d’une situation amoureuse. Le défi était de réussir malgré tout à rendre attachants ces ratés sympathiques avec un désordre apparent qu’une trop franche linéarité ne pourrait pas restituer.

Là en effet, nous l’assumons complètement, nos héros partent du point A pour revenir… au point A ».

Pour Eric Toledano, les personnages d’Une année difficile sont plus responsables 

« Nous avions un peu tenté ce pas de côté avec notre troisième film Tellement proches, qui décrivait des relations familiales tendues entre amour, mépris et dépendances. Et puis nous vieillissons tout simplement : nous sommes peut-être moins optimistes qu’avant ! La question de l’éthique de la responsabilité se pose, et, aujourd’hui, il devient impossible de dire « après moi, le déluge ».

Comme une photographie d’une société en pleine contradiction : Une année difficile

Pas évident d’équilibrer les forces quand on écrit des personnages de deux bords différents. D’un côté il y a des dingues de la conso et de l’autre des radicaux de l’écologie….

Selon Eric Toledano, « En restant dans l’objectif de la photographie, en tentant par notre regard de réjouir autant que d’interpeller et puis, il nous semble que symboliquement ces deux bords représentent les contradictions de notre époque, en considérant les points de vue, sans jugement, sans avantager l’un ou l’autre et sans morale. L’un des maîtres de la comédie italienne, Dino Risi disait : « Je déteste le moralisme, pour moi il n’y a pas de lumière qui part de l’écran vers le spectateur pour lui dire ce qu’il faut penser ».

Pour Olivier Nakache, « en essayant de décrire le plus et le moins, le plein et le vide… en faisant de l’immersion, en suivant, longtemps, l’association Crésus qui vient en aide aux personnes surendettées ou Extinction Rebellion, en observant les mantras, les codes… »

Surendettement, écologie les thématiques d’Une année difficile font aussi grincer des dents

Tourner un film sur de tels enjeux de société à Roissy ou devant la Banque de France peut s’avérer difficile. C’est ce qu’explique Eric Toledano. « D’habitude, l’accueil est plutôt favorable pour nous recevoir et nous permettre de tourner, mais là, c’était un peu plus compliqué… Nous avons essuyé des refus à peu près partout. Aucun centre commercial qui accepte de récréer un Black Friday, et les aéroports étaient réticents avant que nous réussissions à négocier avec Roissy et Châteauroux. Quant à la Banque de France, ce n’est pas… La Banque de France« , Non, effectivement, mai le bâtiment y ressemble beaucoup.  » C’est l’Académie du Climat ! Un peu maquillée… », précise Eric Toledano.

Des vrais militants tournent dans Une année difficile ?

« Toutes les personnes que nous filmons autour des acteurs principaux sont des militants que nous avons recrutés pour les scènes d’intervention sur la fashion week et devant les avions ou lors de la manifestation devant la Banque de France. Ils nous ont dit : nous faisons des actions pour qu’on parle de nous, et vous, vous parlez de nous, donc nous sommes partants. Nous adorons les castings mélangés, des acteurs face aux non-acteurs, chacun a un défi à relever. C’était drôle car souvent ces jeunes militants nous trouvaient même un peu mous dans la satire ! » explique Olivier Nakache.

« Pour un sujet aussi casse gueule, jouer avec de tels partenaires sous une telle direction, c’est vraiment rassurant et délicieux. De plus, l’énergie de groupe ne mentait pas puisque nos partenaires étaient de vrais activistes. Les scènes d’in » tervention ont été répétées et ils nous ont expliqué leurs méthodes : j’étais curieux de découvrir et de recréer avec eux leurs « performances », ces chaînes humaines, ces sitting, qui sont autant de « blocages artistiques ». Leur dimension poétique autant que politique me touchait. J’échangeais énormément avec eux et ils étaient très à l’aise et généreux pour nous livrer leurs tactiques, leurs règles de groupe lors des actions ou des prises de paroles, autant de choses que j’ignorais totalement » s’émeut Pio Marmaï.

« Il peut être difficile de comprendre les actes de tels groupes à travers ce qu’en montrent les médias, mais, au contact de ses militants souvent très jeunes, pleins d’angoisses et, aussi, de contradictions (certains travaillent dans… la pub !), tout s’éclaire. Ce qui compte, avant tout, est leur absence de tiédeur : ils se relèvent les manches pour leurs convictions ! J’ai essayé de teinter Valentine de tout cela » explique Noémie Merlant.

Noémie Merlant évoque une scène très révélatrice d’Une année difficile 

« La séquence où je fais un discours devant l’assemblée d’activistes me stressait. Eric et Olivier connaissaient mon appréhension face à cette scène où je craignais de ne pas être totalement sincère – devant un tel public, il aurait été honteux de composer, d’être artificielle. Ils ont su me rassurer et ils m’ont montré un montage de discours d’activistes qu’ils avaient fait exprès pour moi, pour m’aider, me préparer. Dans mon texte, il était écrit que la barre des 40 degrés allait être franchie dans quelques années, et il faisait déjà 40 degrés ce jour-là… » se souvient l’actrice.

Eric Toledano, les pseudos dans le film Une année difficile, on en parle ? 

« Par exemple les pseudos dans le film, Quinoa, Cactus, Antilope sont authentiques, ils sont vraiment les codes du monde associatif écolo radical. Car, dans ce milieu, tous et toutes refusent de juger un militant d’après un prénom. Celui-ci peut trahir une origine sociale ou ethnique. D’ailleurs, exactement comme lors de la séquence du commissariat. Noémie Merlant se retrouve obligée de donner sa carte d’identité. Nous n’avons découvert les vraies identités de ces personnes que lorsqu’elles sont venues travailler sur le film. »

Jouer dans Une année difficile, Eric Toledano et Olivier Nakache créent du lien et des engagements 

Jonathan Cohen : « Ils ont su m’emmener dans une zone émouvante un peu inédite pour moi lors de la séquence où je murmure « Je te hume » à mon ex-femme. Je ne voulais pas trop en faire, mais ils me poussaient, et bousculaient ma pudeur. Merci à eux« .

Selon Noémie Merlant, « Une année difficile est vraiment un film de connections : mon personnage emmène ceux de Pio et Jonathan vers une prise de conscience. Ce face à face, ce pas de deux entre des positions si éloignées sont vecteurs d’humanité. Eric et Olivier usent souvent du parallèle avec la salle de cinéma où des gens d’origines et de préoccupations différentes finissent par communier autour d’un sujet commun ».

« Plus que d’écologie, je pense que le film parle surtout de la surconsommation, ce piège dans lequel nous sommes tous tombés et l’insatisfaction permanente dans laquelle la société nous encourage à tomber depuis des décennies. Un angle passionnant« , conclue Noémie Merlant.

Une Annee Difficile Noémie Merlant Pio Marmaï et Jonathan Cohen, le nouveau trio du fil d'Éric Toledano et Olivier Nakache

Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Pio Marmaï,  le trio d’Une année difficile

Le cinéma d’Eric Toledano et Olivier Nakache regorge de duos masculins. Ici un trio prend forme grâce une héroïne féminine et militante. Les deux réalisateurs pensaient-ils à Noémie Merlant d’emblée ?

Noémie Merlant est l’héroïne de la nouvelle comédie d’Eric Toledano, Une année difficile

« Nous l’avions admirée dans le film de Céline Sciamma, et dans Les Olympiades de Jacques Audiard. Nous étions certains de sa puissance de jeu. Elle a gentiment accepté de passer des essais, et au bout d’une minute, nous savions qu’elle serait magnifique » se souvient Olivier Nakache.

Ce que dit Noémie Merlant des deux cinéastes

« Sur le tournage, c’est fou comme ils donnaient une place à chacun, acteur, activiste, technicien. Il y avait énormément de monde sur ce plateau et ils connaissent le nom de chacun ! Ils peuvent raconter une anecdote sur une personne qu’ils viennent de rencontrer ! Je suis fascinée par ce sens de l’écoute, cet intérêt sincère. Alors que, franchement, sur un tournage, des réalisateurs ont d’autres chats à fouetter. Ils prônent le dialogue dans leurs films. C’est aussi ce qu’ils privilégient dans le travail. Et ils ont… le sens de la fête. Ils célébrent chaque jour, montrant que même si le film est important, il n’est pas tout. Certains cinéastes mettent de la morale dans leur film mais pas vraiment dans la vie. Eric et Olivier, c’est le contraire. Une année difficile ne se veut jamais moraliste, il pose des questions, et eux se comportent avec une humanité incontestable » affirme l’actrice .

« Quand j’ai découvert Intouchable, j’ai été scotchée. Sans compter leurs films suivants. Ils savent mieux que quiconque mélanger les tons, l’humour et le social, le sentimental et l’humaniste. Ils s’adressent au plus grand nombre en restant exigeants. Le fait qu’ils aient pensé à moi alors que ma filmographie n’avait pas, jusqu’ici, cette « couleur comique » me touche et m’honore » confie Noémie Merlant.

Noémie Merlant parle de Valentine/Cactus, son personnage dans Une année difficile

Particulièrement émue d’être à l’affiche de ce film d’Eric Toledano et Olivier Nakache. Noémie Merlant les considère comme « les maîtres actuels de la comédie« .

« Le personnage de Valentine m’a émue par ses contradictions : elle est multidimensionnelle ! Elle est engagée, radicale. Son éco-anxiété est réelle, elle représente tellement de jeunes de cette génération. Elle est également hyper touchante. Pour construire mon personnage, et essayer de révéler ses zones de fragilités, j’ai échangé, entre autres, avec une jeune femme qui travaille avec le groupe Extinction Rebellion« , se remémore Noémie Merlant.

« L’appartement entièrement vide de Valentine pourtant à l’aise financièrement est un magnifique effet miroir avec la maison du personnage incarné par Jonathan, qui est vidée contre son gré. Notre société ne cesse de chercher du sens : certains le cherchent par le plein, d’autres par le vide. Valentine cherche du sens, tout en étant déconnectée du réel » poursuit l’actrice.

Comment Noémie Merlant conçoit son rôle de Valentine/Cactus 

« J’espère avoir offert de la poésie, du burlesque à Valentine, grâce à la direction, si douce, de mes réalisateurs. Ils l’ont faite rêveuse, chercheuse de contact avec la nature. Dans le jeu, d’ailleurs, je devais chercher un rythme différent de celui de Pio et Jonathan. Mon personnage n’est pas porteur en soi de pouvoir comique. Mais, pour autant, je devais trouver ma place, dans un autre tempo. Celui de la mélancolie un peu statique, puis de l’action. Une balance constante, dans la rupture. Comme un cœur en arythmie« , explique Noémie Merlant.

Une Annee Difficile Pio Marmaï et Jonathan Cohen se révèlent militants

Pio Marmaï, après En thérapie, il tourne Une année difficile avec Eric Toledano et olivier Nakache

Eric Toledano et Olivier Nakache avaient envie de travailler avec Pio Marmaï  depuis longtemps. Cette envie se concrétise avec En thérapie. Avant que les deux cinéastes proposent à Pio Marmaï leur film Une année difficile.

« Pio Marmaï était là depuis le début, et il a motivé l’écriture. Nous pensions à un duo avec Alban Ivanov. Hélas, peu de temps avant le début du tournage, Alban a eu quelques soucis et il ne s’est plus senti apte à faire le film. Dans la journée, nous nous sommes retrouvés au café avec Jonathan Cohen, et c’était parti. » explique Olivier Nakache.

Le flash des premières minutes du casting se vérifie pendant le tournage d’Une année difficile

« Ensuite, pendant la préparation du film, nous avons vu L’innocent de Louis Garel où son talent pour la comédie s’est révélé au grand jour. Sa justesse même est source de drôlerie. Elle a su se faire une place dans notre film et briller au milieu de Pio et Jonathan. Eux étaient très complices et clients l’un de l’autre. Elle est au centre de l’affiche, et ce n’est pas pour rien. Ne serait-ce que sa voix quand elle appelle Pio « Poussin », elle joue en livrant une merveille de précision et de justesse » poursuit Olivier Nakache.

Pio Marmaï d’abord pressenti pour le rôle d’Albert joue finalement Bruno dans Une année difficile

« Au départ, il était prévu que je joue le rôle de Bruno (celui qu’incarne Jonathan), mais ce changement de dernière minute a été, je crois, très inspirant. Et j’ai pu amener une énergie différente au rôle d’Albert. Pour l’incarner, je devais jouer sur deux registres en même temps. Celui de la survie, car, socialement, mon personnage est acculé. De dette en dette, il est tombé dans une sorte de marginalité. Mais, simultanément, je devais lui offrir une énergie comique. Parce qu’il garde encore un contact avec le réel par la débrouille, la combine. Même dans le déni, il ne se laisse pas aller. Il avance, il bouge constamment, en accord avec le rythme imposé par la langue d’Eric et Olivier » explique Pio Marmaï.

« Ce mouvement perpétuel, même maladroit, me plaisait. Et il fonctionne en miroir avec le mouvement de Noémie : ils ont tous deux un moteur, même si l’un est la survie, et l’autre, l’activisme. Le déni d’Albert est une forme de candeur, aussi, qui le rend émouvant » poursuit Pio Marmaï.

Avec Eric et Olivier, pas d’improvisation, Pio Marmaï joue le texte de leur film Une année difficile

Certains moments semblent improvisés et pourtant, tout est très écrit. « Ils font beaucoup de prises, essorent les situations, nous laissent le champ libre parfois, et ils s’équilibrent parfaitement : une fois, c’est Olivier qui dirige le jeu, une autre fois, c’est Eric, et il n’y a jamais de tension entre eux. Cela me fascine que leur duo fonctionne si bien, avec tant d’écoute et de curiosité mutuelles, après tant de films ensemble. Jusqu’ici, je n’avais jamais été dirigé par un duo et je n’imaginais pas que cela puisse être si doux. Leur plaisir de cinéma est palpable dans leur manière de diriger » révèle Pio Marmaï.

Pio Marmaï pris à son propre jeu dans le dernier film d’Eric Toledano et Olivier Nakache, Une année difficile

« La scène où Grégoire Leprince-Ringuet projette le film pour le groupe et en profite pour révéler la duplicité de mon personnage fut d’autant plus émouvante à jouer qu’Eric et Olivier tournaient en temporalité réelle. Tous les bons souvenirs d’actions communes avaient donc défilé avant cette mauvaise surprise finale qui me fiche la honte devant ces gens qui sont devenus mes complices. Cela faisait longtemps que nous tournions tous ensemble. J’avais donc réellement appris à respecter et aimer ces activistes. Ils étaient mes partenaires, donc, forcément, leur regard, quand ils jouaient la déception, me contaminait d’autant plus. J’avais vraiment l’impression de les avoir trahis ! Ce petit film dans le film racontait une intimité réelle. Comme un making-of plein de bonheur qui finit sur une touche méprisable… Une grande idée de la part d’Eric et Olivier ! » avoue Pio Marmaï.

Jonathan Cohen joue Albert dans Une année difficile d’Eric Toledano et Olivier Nakache

« Il était extrêmement flatté, mais a tenu à nous prévenir qu’il venait de tourner non-stop pendant six mois et qu’il était … au bout du rouleau. On lui a répondu que cela ne pouvait pas être plus approprié pour un personnage surnommé Lexo. Il n’avait qu’à venir tel quel, barbe de trois jours, et complètement essoré ! Dans certaines scènes, nous avons essayé de lui faire faire un pas de côté, vers le pathétique d’un Vittorio Gassman… « poursuit Eric Toledano. Jonathan Cohen joue un looser, certes mais un looser magnifique. « Parce que c’est un loser qui s’ignore. Dès l’instant où Jonathan a rejoint le navire, nous avons réécrit en fonction de lui. En fait, Pio s’est retrouvé avec le rôle d’Alban et Jonathan avec celui de Pio » révèle Olivier Nakache.

Qui est Albert, le personnage de Jonathan Cohen dans Une année difficile d’Éric Toledano et Olivier Nakache ?

« Mon personnage est un type qui ne voit plus d’issue à ses problèmes. Il a tout perdu. La seule issue est la mort. Mais, au fur et à mesure, grâce à l’amitié et au jeu. Il joue à être quelqu’un d’autre dans cette association. Il va revenir à la vie. À la fin, quand il arrête l’avion avec ses camarades d’action, il crie : « C’est nous qui décidons ». Il a pris en charge sa vie et ses décisions. C’est ce qui est beau dans cette notion d’action : elle offre une énergie qui peut sauver, et pas seulement la planète » explique Jonathan Cohen.

Pourquoi Jonathan Cohen apprécie de jouer sous la direction d’Eric Toledano et Olivier Nakache dans une année difficile

« Eric et Olivier sont si intelligents de poser, ainsi, en vases communicants, le vide et le plein : des gens qui cherchent à remplir contre d’autres qui croient au dénuement. Les vestiges d’un monde face à son futur. Dans leur direction d’acteurs, ils me donnaient des références de comédie à l’italienne, comme LE PIGEON ou LES VITELLONI : je devais « faire du Gassman », « faire du Mastroianni ». Chercher la fantaisie, le lyrisme qui persiste dans la mouise. Je suis un personnage miteux qui cherche à garder du panache en toute circonstance. La comédie naît de ce souffle de vie envers et contre tout, et de notre duo avec Pio face à Noémie : deux gars balancés dans un contexte qui leur est étranger et même ennemi » explique Jonathan Cohen.

Dans Une année difficile, Albert nous fait rire et réfléchir 

« Cette fois, je n’incarne pas un crétin sûr de lui, comme le Marc de La Flamme et du Flambeau, mais un homme qui n’accepte pas sa position sociale. Sa femme ne vient pas du même milieu que lui. Il n’avait pas les moyens de lui donner le niveau de vie dont il rêvait. Alors, il s’en est donné l’illusion. Il se ment à lui-même, et donc aux autres, et le château de cartes, forcément, s’effondre. Ce n’est pas un mauvais bougre, mais un homme qui refuse sa condition.

La phrase « est-ce que j’en ai besoin, vraiment besoin ? » n’a pas le même sens pour lui, car, d’une certaine manière, il a vraiment besoin de signes extérieurs de richesse pour combler une frustration » poursuit Jonathan Cohen. D’ailleurs, comme il le dit, le film est intéressant également sur le thème de la masculinité. Celle-ci est  liée, depuis la nuit des temps, à la réussite sociale. « Là encore, il va falloir rétropédaler et changer de paradigme » préconise Jonathan Cohen

Ce que dit Jonathan Cohen de ses compagnes de jeux

  • Mathieu Amalric : « ce comédien est magique. Surprenant tout le temps, avec un art de la rupture tellement personnel, il tente tout ! Moi qui l’admire tant depuis les films d’Arnaud Desplechin, j’ai vécu comme un privilège de lui donner la réplique« .
  • Noémie Merlant : « elle joue un rôle très difficile. La manière dont elle réussit à rendre son personnage si attachant : chapeau bas !« 
  • Pio Marmaï : « avec Pio, ce fut la grande marrade. Nous nous connaissions de loin, mais, immédiatement, la complicité a été évidente, sur le tournage comme dans la vie. Des conneries à foison ! Mais pas pendant les prises car Eric et Olivier réclamaient qu’on soit à fond dans les situations et dans le texte – « allez les gars, mollo sur les vannes, on se concentre ! ». J’ai rarement rencontré une telle force de travail ».
Tous nous donne très envie d’aller voir une année difficile. Et vous ?