Moins d’un an avant le début des JO 2024, les polémiques s’accumulent. Paris s’apprête à recevoir les Olympiades dans un contexte de tensions sociales et de risque de récession.
Après la réforme des retraites passée en force, les révoltes urbaines et les scandales liés aux violences policières comment adhérer à la fête ? Pourtant, depuis 3 ans la ville lumière n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir l’évènement sportif international. Expulsions de SDF, expropriations sont quelques-unes de ses pratiques peu orthodoxes. Le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) n’est pas non plus exempt de tout reproche, puisqu’il entend faire reposer l’essentiel de son organisation sur des bénévoles. Et ce, au mépris du droit du travail, avec toutefois le soutien du gouvernement. Voyons de plus près en quoi la préparation de cette manifestation sportive est contestable.
JO 2024 : faire place neuve pour accueillir la fête
Depuis plusieurs mois déjà, les autorités s’évertuent à chasser les sans-abris d’Ile de France. Ainsi, apprend-on par l’Equipe, ce ne serait pas moins de 5000 logements d’urgence qui auraient été perdus à la faveur des touristes attendus pour les JO 2024. Le phénomène s’applique aussi à la nettement moins médiatisée Coupe du Monde de Rugby. Cette compétition arrive rapidement car
elle se déroulera du 8 septembre au 28 octobre prochain.
Expulsion de sans-abris avant les JO 2024 quand la polémique enfle
Quelques députés et associations ont d’ores et déjà fait entendre leur mécontentement. Il faut en effet préciser que la cible de ces expulsions est doublement pénalisée. S’agissant principalement de migrants, on constate qu’il est plus aisé de les déplacer au gré des manifestations et de la volonté des autorités que de mettre en place une réelle politique d’accompagnement. De manière globale, on peut tirer les mêmes conclusions concernant l’inefficacité, voire l’absence de mesures pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Dans un contexte d’inflation galopante, après une pandémie aux effets dévastateurs rien
n’a été fait pour soulager les plus vulnérables. Au contraire.
Si le sujet n’était pas aussi sérieux, on pourrait ironiser sur l’une des promesses de campagnes du président Emmanuel Macron en 2017 qui ne voulait plus voir personne dormir dans la rue. Avec l’imminence des Jeux ce sera peut-être chose
faite. Les sans domicile fixe ne sont pas le seuls à subir de plein fouet la réorganisation urbaine.
Des démolitions et expulsions pour accueillir la compétition sportive de 2024
Depuis bientôt 4 ans, la construction du village olympique redessine l’urbanisation. Pour accueillir les nombreux athlètes qui viendront compétir, des logements ont été détruits. Pour ne citer qu’eux, on peut évoquer le cas de foyers qui se trouvaient sur l’emplacement du village des sportifs. Ils
côtoyaient une école et des entreprises. La loi olympique de 2018 votée par les députés donne tout pouvoir pour procéder à des expropriations « d’extrême urgence ». Cela ne semble poser aucune question d’ordre moral d’exproprier en vue d’une compétition internationale.
En parallèle, le plan de lutte contre la vacance des bâtiments peine à satisfaire la demande de logements. Ces expulsions concernent en outre un public déjà fortement touché par la pandémie et la situation économique défavorable, à savoir les étudiants. Ne sont même pas épargnés les immeubles du CROUS. En mai dernier, à Versailles, la structure visée se défendait maladroitement en arguant que seuls 7% des logements étaient concernés et que la grande majorité serait vides sur la période. Toujours d’après eux, ils auraient prévu un droit au relogement. Une solution qui ne rassure pas les étudiants.
L’expulsion de boursiers est donc actée.
Une gentrification qui s’accélère à l’approche des Jeux olympiques de Paris
Autre conséquence de ces jeux, la gentrification en marche dans certains quartiers comme Saint- Denis. Dès 2021 les observateurs avertissaient d’un risque de gentrification dans le secteur. Oui, de nouvelles infrastructures telles qu’une piscine olympique ou des murs d’escalades voient le jour dans
cette localité. Il est néanmoins permis de douter qu’elles profiteront aux habitants. Comme le rappellent les experts qui relativisent l’héritage laissé aux résidents, il existe un précédent. Aussi, la capitale britannique organisatrice des jeux olympiques de 2012 n’a-t-elle pas tenue toutes ses promesses.
Qui sont les grands gagnants des Jeux Olympiques 2024 ?
Le principal legs transmis aux habitants de certaines banlieues est une explosion du prix au mètre carré. Toutefois, les équipements sportifs ne sont pas l’unique marque que prétend laisser la compétition internationale. Paris entend également intégrer l’écologie aux infrastructures naissantes et à l’organisation même de l’évènement. Ainsi, le droit des résidents de ces localités serait-il sacrifié sur l’hôtel de l’écologie ? Rien n’est moins sûr. Dans ces circonstances, la manne financière découlant de la manifestation sportive semble primer sur le respect des droits des personnes vulnérables.
De plus, le COJOP comme les autorités ne paraissent pas s’émouvoir non plus des soupçons de travail dissimulé ou travail gratuit qui pèsent sur l’organisation. Le président du comité s’enorgueillit même du plus grand programme de volontaires jamais réalisé en France. Mais dans quelles conditions ces
volontaires ont-ils été recrutés ?
JO 2024 : Missions de bénévolat : comment contourner les
règles du jeu
Ce sont au total pas moins que 45 000 bénévoles que le comité olympique annonçait recruter. Close depuis mai dernier, l’offre a attiré plus de 300 000 candidats. Ces chiffres attestent de l’engouement des candidats.
Une sélection rigoureuse pour recruter les bénévoles des JO
Si le procédé n’est pas nouveau, le déroulé du recrutement a de quoi interroger. Plus d’un an de procédure, décrivent certains postulants à Mediapart, tandis que d’autres indiquent avoir passé des phases de tests et d’entretiens. En effet, le curriculum vitae des aspirants volontaires n’est pas le seul élément à être scruté. Des questionnaires de personnalité et de motivations assez poussés viennent compléter le tableau. C’est sans compter sur le temps disponible à consacrer à cette activité de bénévolat : 48h par semaine soit le temps de travail maximum légal !
Cerise sur le gâteau, les candidats doivent pouvoir se loger sur Paris par leurs propres moyens. Faut-il rappeler que déjà les prix de la location grimpent à l’approche de l’évènement sportif ? Les propriétaires de logements n’hésitent plus à proposer leur appartement via Airbnb à des prix prohibitifs, ajoutant à la
tension immobilière. Cependant, il faut reconnaître au comité olympique l’avantage extrêmement généreux que représente la prise en charge des transports en commun. Autant dire que même si selon le COJOP il n’existe pas de profil type, une personne lambda ne peut financièrement pas se
permettre d’être bénévole.
Missions des olympiades 2024 : bénévolat ou travail dissimulé ?
Comme on pouvait s’y attendre, le gouvernement ne remet pour sa part pas en question le recours massif à des volontaires. Bien au contraire, il entérine la pratique et enfonce le clou par l’intermédiaire du très décrié ministre du travail Olivier Dussopt. D’après ce dernier, le sport sans ses bénévoles ne serait rien. Pour appuyer ses dires, un guide pratique reprend le type de missions
pouvant être effectuées. Afin de pouvoir évaluer s’il s’agit ou non travail dissimuler, il convient de mentionner les caractéristiques du bénévolat et celles du contrat de travail. Le premier s’apprécie par deux critères précis : l’absence de rémunération et de lien de subordination. A noter que le bénévole peut toutefois se voir rembourser certains frais découlant de son activité. Cependant un la requalification d’un contrat de bénévolat en contrat de travail est tout à fait possible.
Dans le cas des Jeux olympiques de Paris, si le défaut de rémunération est manifeste, les opposants au projet démontrent qu’il existe effectivement un lien hiérarchique. Et pour cause, les candidats retenus doivent bel et bien se soumettre au comité des Jeux olympiques ou COJOP. Ils ne peuvent par
exemple, pas prendre de pause sans l’accord de leur hiérarchie.
Reste à savoir si les contrôles de l’inspection du travail parviendront à inverser cette tendance. Voire, si quelques bénévoles oseront lancer des procédures auprès des prud’hommes. Une chose est sûre. Les mandats d’Emmanuel Macron étant marqués par un phénomène inquiétant : ce qui est adopté à titre exceptionnel finit toujours par être intégrer dans la loi. La vigilance est donc de mise afin que le travail gratuit ne devienne pas une nouvelle norme. De même, ces expulsions inopinées doivent alerter sur la facilité avec laquelle les pouvoirs publics peuvent opérer lorsque des retombées économiques importantes sont attendues.
Divers mouvements s’organisent pour perturber les Jeux olympiques 2024, comme un rappel que « le pain et les Jeux » ne parviendront pas à faire oublier les régressions sociales.