Qu’est ce qui n’a pas été dit sur le portage du bébé à l’Africaine? C’est une pratique qui date du millénaire dernier. Si elle a fait ses preuves, elle a aussi ses détracteurs. Mais pourquoi ? Quels sont leurs arguments ? 

Comment porter bébé ? Le faire à l’africaine aplatirait la poitrine de la femme. Et cela fait d’elle une ‘‘vieille femme.’’ Ainsi, les femmes africaines préfèrent de nous jours les kangourous, les landaus, les poussettes… à leur dos car bon nombre d’entre elles estiment que ces moyens de porter leur bébé font plus ‘‘femme moderne et évoluée’’. Et puis,  une femme qui est ‘‘allée à l’école’’ ne peut pas porter son bébé sur le dos comme le font les villageoises, bon sang !

Pour couronner le tout, un certain dénommé Philippe de Baleine s’étant érigé en impérialiste culturel a fait une petite lucarne sur cette pratique dans son livre ‘‘Le Petit Train de la Brousse’’ (qui du reste, est une [virulente] critique de l’Afrique) en disant que lorsque la femme africaine porte son bébé sur le dos, le frottement du sexe de l’enfant au corps de sa mère, abêtit ce dernier. Ceci pourrait être suffisant pour décourager cette pratique quoique cette affirmation ne soit pas forcément vraie. Elle est d’ailleurs à mettre au rang des fausses idées contre le portage du bébé à l’Africaine. Voilà pourquoi, il serait judicieux de s’immiscer dans le quotidien de ces braves femmes africaines afin de comprendre tout simplement pourquoi elles préfèrent porter leur bébé sur le dos !

Porter bébé, comment réagit-on autour de cette pratique

« Le portage a souffert de désaffection à l’époque moderne. On a voulu à toute force transformer les humains de  » primates porteurs  » (et portés) en  » nidicoles  » (qui, comme les oiseaux, se développent dans un nid) : les bébés devaient dormir bien  » au calme  » dans leurs chambres isolées, dans leurs petits lits immobiles. » Claude Didierjean-Jouveau. [1]

Chez les Dogons du Mali : comment porter bébé ?

Les écharpes pour porter les enfants sont faites de bandes d’étoffes teintes en bleu indigo qui évoque le liquide amniotique

Et au Sénégal ? comment fait-on pour porter bébé ?

Chez certains peuples du Sénégal, le père fabrique le porte-bébé en peau d’antilope ou de chèvre pendant que sa femme est enceinte

Le bébé pygmée est l’objet de toutes les attentions.

Porté par sa mère, son père ou ses frères et sœurs, il participe à toutes les activités du clan. Ainsi le porteur peut à la fois utiliser sa main droite et veiller au bien-être du bébé. Il abrite par exemple le nourrisson du soleil brûlant avec une grande feuille de bananier en guise d’ombrelle.

Les bébés Bambara quant à eux, sont portés sur le dos environ 40% du temps de la journée à 2 mois. Ce taux chute à 20% vers un an.

Comment les femmes africaines portent leurs bébés ?

Généralement, en Afrique les bébés sont portés sur le dos avec un pagne, qui ressemble à un morceau de tissu rectangulaire. La mère place son bébé sur le dos, au creux des reins. Ensuite, elle se penche en avant et recouvre le dos de l’enfant avec le pagne. Puis, elle en noue les extrémités au-dessus de sa poitrine et au niveau de l’abdomen. À la fin, la mère remonte légèrement les jambes du bébé pour accentuer la position accroupie. Il est bien de noter également que le bébé ne se porte pas sur le dos avant que ce dernier ne sache bien tenir sa tête et son dos. Cette pratique devient donc courante vers le 2ème ou 3ème mois du bébé, selon que l’enfant soit plus ou moins précoce.

Le mode de portage varie aussi en fonction de la compétence motrice du bébé et de son état de veille. Un « petit » bébé ou un bébé qui dort est porté de façon à être bien entouré et soutenu par le pagne (notamment au niveau de la nuque). Un bébé plus âgé ou éveillé aura les bras et les jambes libres de bouger.

Pourquoi les femmes africaines portent leurs bébés au dos ?

Au Burkina Faso, lorsque les mères Mossi se promènent en brousse, elles prennent bien garde de ne jamais poser leur bébé au sol. Pourquoi ? Selon elles, les mauvais génies pourraient bien subtiliser l’enfant et le remplacer par un faux. Ce dernier, dès son retour au village, tomberait malade. Cependant bien au-delà des motifs liés à la superstition, les femmes africaines portent leurs bébés au dos pour des raisons dont la justesse a même été prouvée par des études et analyses.

Dans les milieux ruraux, les mères africaines sont très actives : porter bébé, et comment !

Les jeunes mamans vaquent quotidiennement à leurs travaux. Une fois donc le temps de nourrice passé, la mère doit reprendre ses activités ménagères et champêtres. Ne pouvant laisser son bébé seul au sol alors qu’elle travaille, elle préfère le porter sur son dos. Ainsi, elle peut avoir l’œil sur son bébé à tout moment. De plus, ce dernier ne risque pas de morsures de serpents, de piqûres d’insectes ni de s’approcher de tout danger. C’est connu de tous, un enfant qui commence à découvrir la nature est très curieux! Par ailleurs, lorsque le bébé se mettra à pleurer, sa mère le saura immédiatement et s’occupera de lui selon son besoin (donner à téter, à boire, changer ses couches…)

Porter bébé à l’africaine : une solutions économique

De plus, porter son enfant de cette manière, ne coûte rien à la mère en matière d’argent. Contrairement aux moyens modernes relativement, ils sont en effet coûteux et encombrants. En Afrique, on observe aussi que la fréquence du portage diminue quand la mère reste à la maison parce qu’à l’intérieur de la maison ou dans la cour, elle pourra toujours avoir l’œil sur son bébé. Cette pratique est donc liée à l’activité maternelle et aux déplacements.

« Africaine à l’enfant », elle porte sur son dos tout son espoir en l’avenir… Sublime tableau réalisé à la peinture à l’huile et réalisé au couteau à peindre sur toile 50×50 par Marie-Paule Delagrange. 

Inconvénients des moyens de portage modernes : comment porter bébé et rester actuelle ? 

Nul besoin d’études scientifiques pour prouver que  landaus et compagnie suppriment tout contact physique ! L’enfant est posé sur un siège, loin du corps maternel. La mère ne peut donc pas faire des câlins improvisés et   »instinctifs » à son bébé. Cependant des études ont bel et bien prouvé que l’enfant assis dans la poussette a un champ de vison réduit puisque son regard est bas et non en hauteur. Le pire est que dans la poussette, l’enfant se situe (presqu’) au même niveau que les pots d’échappement des voitures!

Quant est-il du portage en mode kangourou ? Permit-il de bien porter bébé ?

Quant au kangourou, aussi beau et  »chic » qu’il puisse paraitre, il est mal adapté au nourrisson. En effet, un bébé dans un kangourou n’adopte pas la position idéale c’est-à-dire bien assis, jambes écartées, les hanches au-dessus des genoux, placé dans sa base en équilibre. Il est plutôt  »suspendu » au dos ou au ventre du porteur. Ce qui est assurément très nuisible à la colonne vertébrale du bébé et peut être douloureux pour le porteur. Au vu de tous ces facteurs, porter son bébé à l’africaine ne peut être que bénéfique et pour l’enfant et pour la mère.

L’on pourrait comprendre que les femmes modernes ne puissent pas porter tout le temps leur bébé  sur le dos à cause de leurs nombreuses activités à l’extérieur. Ce qui est inadmissible serait que ces femmes considèrent le portage du bébé à l’africaine comme étant une pratique de « sous-développés ». Elles devraient plutôt s’y mettre autant que possible lorsqu’elles restent à la maison (par exemple) car porter le bébé sur le dos possède de nombreux avantages non seulement pour la porteuse mais aussi pour le bébé. Un enfant bien porté est un enfant bien portant!

                                                                                                                              A suivre…

Porter bébé à l’africaine n’a pas que des détracteurs. Et vous qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à partager vos expériences et nous poser vos questions pour de prochains articles. Vous pouvez aussi consulter les articles sur ce même sujet passionnant du portage de bébé. 

 

 

[1] Claude Didierjean-Jouveau : Auteure de nombreux ouvrages entre autres sur le portage d’enfants 

Bibliographie : 

« Bébés du monde » Béatrice Fontanel et Claire Harcourt

Marjolaine GOUE 

Blog L’autre Afrique