D’après La Banque des Territoires, il faudrait 22 mois en moyenne pour obtenir un logement social en France. Le chiffre monte à 33 mois si vous vivez en Île-de-France. Difficile de tenir pendant si longtemps lorsqu’on est une femme battue.
Comment monter un dossier quand on ne peut pas travailler ?
Quelles sont les pièces à joindre au dossier pour accélérer une demande de logement ?
Comment réunir la somme nécessaire à tout déménagement ?
Nous tentons aujourd’hui de répondre à ces questions.
Femme battue : la priorité lorsqu’on quitte le domicile
La première des choses à faire est de faire une demande de logement auprès d’une office HLM.
Logement et femmes victimes : quelle réalité à l’aube de 2023 ?
Les bailleurs privés et les agences immobilières n’acceptent votre dossier que si vous êtes salariée et que vous cumulez des revenus qui équivalent à trois mois de loyer.
Par conséquent, pour un studio à 500€ mensuels, vous devez avoir un salaire de 1 500€ chaque mois depuis plusieurs mois.
Dans le cas contraire, ils ne prendront pas la peine d’étudier votre dossier. C’est d’autant plus vrai si vous vivez dans une zone tendue comme Paris, Strasbourg et Lyon. De nombreux ménages qui présentent toutes les garanties sont positionnés sur un même logement. Le meilleur dossier est sélectionné par les propriétaires, qui ne veulent prendre aucun risque financier.
Vous pouvez évidemment faire quelques demandes, mais ne vous focalisez pas sur eux.
Faire sa demande de logement social
Forte de cette information, vous savez qu’il est préférable d’opter pour une demande HLM. Pour cela, il faut demander un numéro d’attribution du logement. Tout se fait en ligne. Le site est propre à chaque région. Pour faire le dossier, saisissez « demander un logement social » + ville de votre choix sur Google. Cela donne donc « demander un logement social Paris » ou « demander un logement social Lille ».
Comptez 10 jours ouvrés pour que votre demande soit prise en compte. Le numéro d’identification vous est attribué, ce qui vous met automatiquement sur une liste d’attente active.
Quelles sont les pièces à ne pas oublier ?
Joignez les plaintes que vous avez posées contre votre ex-conjoint, les éventuels jugements et toute preuve que vous ne pouvez plus rester dans votre logement (certificat médical notamment). Cela accélère les procédures.
Il est parfois possible de rester au domicile ce laps de temps, mais la plupart du temps, les violences sont telles que la victime en est extraite.
Mentionnez le fait que vous êtes victime de violences dans les motifs de déménagement et rajoutez une note manuelle dans la case prévue pour détailler le degré d’urgence dans lequel vous vous trouvez.
Femme battue : où aller pendant le temps d’attente ?
Tout d’abord, rapprochez-vous d’une des associations de défense des droits des femmes battues de votre département.
Trouver de l’aide
Pour cela il est possible d’appeler le 3919 ou bien de taper sur Google « association violences conjugales Paris XVIIIe » ou « association femmes battues Orléans ». La liste apparaît automatiquement.
Ces associations décideront de la meilleure manière de vous faire partir de votre domicile. Préparez un sac si cela vous est possible et si cela n’attire pas trop l’attention de votre agresseur.
Les professionnels décideront de vous orienter soit vers un foyer d’urgence soit vers un hôtel. Tout dépend de la situation. Certains départements proposent des appartements provisoires, mais c’est assez rare. Préparez-vous à donner un maximum d’informations. Dans le cas contraire, les associations ne mesureraient pas le danger avec exactitude et ne pourraient pas calibrer leur approche.
Attention aux hébergements par des proches
Contactez vos proches. Peut-être l’un d’entre eux pourra vous accueillir le temps de trouver un logement. Mais gardez à l’esprit que le fait d’être hébergée par un proche ne vous rend plus prioritaire sur la liste d’attente des logements sociaux.
Veillez à ce que votre conjoint ne se doute pas que vous êtes chez ce proche, afin d’éviter qu’il ne vous y trouve. Si la situation est vraiment compliquée, mettez un maximum de distance.
Vous décidez tout de même d’aller chez un de vos amis ou dans votre famille ?
Alors prenez quelques jours pour vous reposer. Pendant ce laps de temps, la demande de logements sociaux sera étudiée.
Accélérer la recherche de logements quand on est une femme battue
Munie de votre numéro unique d’identification, contactez directement les agences HLM du secteur dans lequel vous voulez vous installer.
« Agence HLM Lyon », « Agence HLM Bordeaux »…
Allez dans la section « Contact » de ces agences et relevez leur mail. Ensuite, il suffit de demander s’ils n’ont pas un logement vacant à mettre à votre disposition. Encore une fois, joignez les plaintes que vous avez posées, les ordonnances de protection et les jugements qui auraient été prononcés. Précisez bien votre numéro d’identification, afin d’être plus efficace : c’est important car ils vous le demanderont de toutes manières, à un moment ou à un autre.
Femme battue et déménagement : pour ce qui est de l’argent
La question cruciale qui se pose est la suivante : comment vais-je payer mon déménagement ? Beaucoup d’hommes violents ne veulent pas que leurs femmes travaillent. Il est donc difficile de convaincre un bailleur de cette manière.
Pour autant, ce n’est pas impossible.
Trouver des garants
Il existe le FASST Confiance Bailleur, qui se porte garant pour vous et vous avance la caution, qui doit être remboursée par mensualités, dans l’année qui suit.
Ce dispositif remplace le Loca Pass. Il sécurise considérablement les bailleurs, qui bénéficient d’une assurance contre les loyers impayés.
Trouver des fonds pour déménager
Certains conjoints brident leur victime avec l’argent. Ils lui enlèvent tout moyen de paiement pour l’empêcher de fuir. Si possible, préparez votre départ en mettant un peu d’argent de côté. En cas d’urgence ou d’absence totale de ressources financières, il est possible de contacter plusieurs organismes et professionnels qui feront des demandes de financement :
- Le CIDFF de votre département,
- Le Centre médico-social de votre secteur,
- Les associations,
- La PMI,
- L’assistante sociale.
Rien n’empêche non plus de demander une aide au déménagement à la CAF. Il s’agit d’un prêt à taux zéro, grâce auquel vous financez votre fuite. Il peut être intéressant de présenter deux ou trois devis de sociétés de déménagement, mais parfois, le conseil général préfère passer par des associations de réinsertion avec lesquelles il collabore.
Les femmes avec 3 enfants et plus peuvent aussi demander une aide au déménagement, qui peut s’élever jusqu’à 1 054,01€. Chercher du travail et dénicher un contrat peut être l’occasion de gonfler cette enveloppe.
Renseignez-vous bien : certains départements prévoient des dispositifs de mise à l’abri spécifiques. Le Var par exemple, investit depuis 2022 dans des safe homes. Pour autant, ces outils ne sont appliqués, et c’est bien regrettable, à l’échelle nationale.
Femme battue sur le départ : deux points de vigilance
Nous conclurons sur une précision légale, qu’il convient de rappeler encore et encore.
N’enfreignez pas la loi sur la soustraction d’enfants
Nous l’avions dit dans notre article sur les dispositifs légaux qui existent pour vous protéger des violences conjugales : vous devez présenter les enfants à leur parent et ce, même si vous êtes victime.
Le seul document qui vous autorise à ne pas les présenter est un jugement du Juge aux Affaires Familiales. Si vous êtes vraiment en danger en présence du père, demandez la médiatisation des visites et faites constater toutes les violences. Même si cela implique de retourner 3 fois dans le mois chez le médecin et au commissariat. L’accumulation de faits et de passages à l’acte obligera les autorités à réagir.
Les juristes et les professionnels des associations appuieront votre demande et vous accompagneront dans toutes les démarches.
Mais restez très vigilante aux comportements qui présagent les passages à l’acte
Sollicitez le juge des enfants si vous sentez le moindre risque dans le comportement de votre ancien conjoint. En effet, il arrive malheureusement que les violences graves donnent suite à des homicides familiaux et à des infanticides. Les menaces avec élaboration de scénarios sont des indices de passages à l’acte qu’il est important de rapporter avec précision aux autorités.
Faire garder les enfants par son ex-conjoint violent
Malgré les risques, il arrive que les pères violents aient encore des droits de visites. Ils peuvent voir leurs enfants tous les week-ends, ou alors une heure par semaine en présence d’un éducateur (visites médiatisées). Le risque réside principalement si le père est seul avec les enfants. Il est important d’être vigilant mais de ne pas dramatiser.
Pourquoi il faut être attentif ?
Les auteurs de violences conjugales sont parfois de bons parents, mais la plupart du temps, ils sont intolérants à la frustration et ne supportent pas la rupture. Cela les conduit parfois à avoir des comportements inadaptés, voire même à devenir maltraitants. Tout dépend encore une fois des situations. Quoi qu’il en soit, vous devez faire attention à ces moments-clés de la relation.
Comment procéder ?
Mine de rien, pendant la douche (si les enfants sont petits), vérifiez l’absence de marques suspectes et de bleus.
Interrogez-les subtilement à leurs retours de visites. « Tout s’est bien passé chéri ? », « Vous avez fait quoi de beau ? », « C’était bien ? ». Sans toutefois bien sûr rentrer dans l’interrogatoire policier ni faire de suggestions. Ne posez jamais des questions fermées comme « Est-ce que Papa t’a tapé ? ». Les questions orientées et subjectives comme « Papa a été méchant ? » sont aussi à éviter. Mieux vaut écouter simplement ce que dit l’enfant et relever tout fait anomal.
Et arrêtez-vous là, même si vous avez peur et que c’est compliqué pour vous de confier vos petits à cet homme. Il faut rester maître de ses émotions, pour le bien de l’enfant.
Retenez tous les faits qui peuvent être contraires au bien-être de l’enfant et parlez-en au Juge aux affaires familiales.